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L’économie tunisienne selon Ezzeddine Saïdane : Noir c’est noir!

Ezzeddine-Saidane

L’économie tunisienne ne produit pas de richesses, ne crée pas d’emplois, et le niveau de vie des Tunisiens se détériore sans cesse.

Par Marwan Chahla

Ce verdict sans appel est celui de l’économiste et expert financier Ezzeddine Saïdane, commentant les chiffres et les orientations du budget de l’Etat pour l’année 2016, avec son style direct et franc, un peu brutal parfois, à faire grincer les dents des responsables gouvernementaux.

Un pays qui n’avance pas régresse

M. Saïdane admet l’importance d’un budget d’Etat qui, faut-il le rappeler, représente le tiers de l’activité économique du pays: «C’est là que réside son importance, son poids et le rôle qu’il joue dans l’économie. Il est donc crucial d’en étudier les composantes. En outre, un budget de l’Etat est une traduction fidèle de la politique du gouvernement et des voies qu’il compte emprunter dans la gestion des affaires du pays. Et, étant donné la situation dans laquelle la Tunisie se trouve actuellement, la lecture du budget de l’Etat pour 2016 nous dicte de dire la vérité aux Tunisiens: notre pays n’avance pas; au contraire, il est en train de régresser.»

Pour l’expert, tant que le budget de l’Etat n’apporte pas de réponse claire et nette à la question essentielle du «comment sortir l’économie de cet état de léthargie et de paralysie», il est inutile d’espérer une relance rapide de l’activité économique. Et, à ce propos, il est catégorique: «Non, l’Etat ne répond pas à cette question. Le budget de l’Etat, sous sa forme actuelle, n’insuffle aucune vitalité, aucune dynamique. La marge de manœuvre de ceux qui ont la charge de la direction des affaires du pays est très restreinte, très limitée – pour ne pas dire qu’elle est inexistante. Rendons-nous bien compte que dans une proportion importante de 82% du budget, l’Etat ne peut pas changer quoi que ce soit. Concrètement, et à titre d’exemple, sur l’enveloppe globale du budget de l’Etat, qui se monte à 29 milliards de dinars, les salaires des employés de secteur public représentent 13 milliards de dinars, soit 45% de ce que l’Etat dépensera l’année prochaine. Vous ne pouvez pas toucher à cette énorme masse salariale: il s’agit des salaires des agents de l’Etat. Et c’est là qu’il y a une fuite en avant car, depuis 2010, ce fardeau salarial a été multiplié par plus de 2 fois – passant de 6,3 milliards dinars, en 2010, à 13 milliards dinars, en 2016.»

Les recrutements massifs effectués dans la fonctions, pas toujours nécessaires, souvent même inutiles et encombrants, expliquent cette quasi-explosion de la charge salariale supportée par l’Etat.

On s’endette pour payer les salaires

Pour ne rien arranger, «les augmentations salariales qui ont été décidées, dans le courant de l’année 2015, coûteront à l’Etat des dépenses supplémentaires de 1,4 milliard de dinars. Or, le hasard a voulu que, dans le même temps, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a approuvé 2 prêts contractés auprès d’institutions financières étrangères d’une valeur totale de 1,4 milliard de dinars», fait remarquer Ezzeddine Saïdane. Pour lui, le lien est évident: le pays est en train d’emprunter pour payer ses fonctionnaires. Et l’autre évidence qui s’impose également: le budget de l’Etat, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), dictera au gouvernement, vers les mois de juin ou juillet prochain, de recourir à un budget complémentaire, comme cela fut le cas au cours des précédents exercices.

Combien d’avis d’experts devront être émis et combien de sonnettes d’alarme devront être tirées par des spécialistes tunisiens et étrangers pour que Premier ministre Habib Essid et son équipe gouvernementale se résolvent enfin à prendre le taureau de la crise économique par les cornes, à prendre des mesures fermes pour réduire les dépenses de fonctionnement de l’Etat, et à faire avancer les diverses réformes structurelles visant à combattre la corruption et l’économie parallèle, à assainir le climat des affaires et à relancer l’investissement et l’emploi. Quant on sait que la croissance prévue pour 2015 flirte avec zéro, on peut craindre que la crise n’hypothèque tout espoir de reprise et que le pays n’en soit, dans un proche avenir, dans l’incapacité d’honorer toutes les dettes qu’il a contractées depuis la révolution du 14 janvier 2011.

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