Les hommes politiques tunisiens doivent cesser de chercher des technocrates dotés de riches CV, souvent d’ailleurs bidonnés, pour leur attribuer les hautes responsabilités de l’Etat. Beaucoup de ces derniers, qui ont été bombardés ministres ou chefs de gouvernement, ont prouvé leur incapacité à gérer les affaires publiques. On doit plutôt chercher des hommes et des femmes intègres et honnêtes, qui ont du cran, du talent, du dévouement, et animés par le seul amour du pays.
Par Hichem Mannai *
La Tunisie d’aujourd’hui est une véritable fabrique de «fous de cour». On a toujours prétendu que les Tunisiens sont parmi les peuples les plus éduqués en Afrique et au Moyen-Orient et que cela présume, bien évidemment, que ce peuple, eu égard la qualité de son éducation, est théoriquement capable de s’auto-gérer sur tous les plans (politique, économique, technologique, social…) et d’avoir cette fierté que procurent les études et les diplômes, d’œuvrer pour un pays prospère, indépendant, avant-gardiste et d’être doué d’un sens développé du patriotisme et de l’amour du pays pour être capable de se sacrifier corps et âme pour son bien-être.
Les théories, contrairement aux axiomes (dogmes des mathématiques), sont toujours à démonter sinon elles n’ont aucune valeur scientifique, c’est pourquoi plusieurs mathématiciens passent des décennies entières de leur vie à démontrer un théorème. Cette démonstration ouvrira les perspectives pour des formulations scientifiques diverses (physiques, chimiques, biologiques, informatiques, etc.) qui feront progresser les champs de la science et des technologies dont dépend la vie des hommes dans tous les domaines. Et cette démonstration s’opère de plusieurs manières dont l’une des plus importantes est la démonstration par le contraire ou par l’antithèse, c’est-à-dire démontrer que le contraire de la théorie ou théorème (ou l’antithèse) est, selon les règles mathématiques, non-valide, et ce pour pouvoir stipuler de la validité de la théorie elle-même.
Des théories qui restent à démontrer
Alors, dans cette Tunisie après soixante cinq ans d’indépendance, l’équivalent de plus que deux générations démographiques, on peine encore à démontrer la théorie selon laquelle avoir des diplômes ne signifie pas être compétent. Cependant, et si on passe à la technique de la démonstration par le contraire, on découvrira, et dès la première observation, que ne pas être compétent ne signifie pas ne pas avoir de diplômes. Car, depuis la «sainte» révolution du jasmin de 2010/2011, des dizaines d’hommes et de femmes de tous les abords académiques, armés jusqu’aux dents de diplômes de toutes catégories, expérimentés dans tous les domaines, ayant constitué des CV dans les pays les plus développés au monde et qui se sont relayés pour la gouvernance du pays n’ont, malheureusement, contribué qu’à faire sombrer le pays dans les gouffres les plus obscurs. Avec tous leurs backgrounds universitaires et professionnels, ils n’ont montré que les visages de petits affairistes de fortune : calculateurs, cupides, opportunistes, serviles, soumis aux lobbys de toutes sortes…
Partant de ce constat, on découvre que les technocrates ne servent pas à gouverner un pays pour le faire avancer, prospérer et le mettre à l’abri des mauvaises conjonctures, car ce sont plutôt eux qui ont besoin d’être dirigés par des leaders clairvoyants, ayant des idées et des solutions et dotés de suffisamment de détermination et de courage pour être capables remettre debout un pays à genou.
Les diplômes ne font pas forcément de grands hommes
Depuis toujours, ce sont les hommes les moins dotés en diplômes qui ont opéré des virages angulaires dans l’histoire de leurs peuples. Les exemples n’en manquent pas.
Les premiers philosophes et mathématiciens grecs n’ont pas eu à fréquenter de grandes écoles et des universités pour énoncer des théories célèbres restées valables jusqu’à nos jours.
Le prophète Mahomed, analphabète, pauvre, orphelin et sans notoriété, a réussi à faire hisser une nation qui alla gouverner le monde des siècles durant. Aujourd’hui, un milliard et demi d’hommes ont adopté sa foi et l’islam a laissé un héritage culturel et civilisationnel parmi les plus prestigieux au monde.
L’empereur Charlemagne était illettré; il a pourtant mis les bases d’un système éducationnel, allant du primaire à l’universitaire, très avancé dans toute l’Europe conquise et qui a préparé le vieux continent à prendre la relève de la civilisation humaine.
Gengis Khan, le fondateur de la Mongolie, le plus vaste empire jamais édifié dans l’antiquité et le moyen-âge, était également illettré voire analphabète. Il a, cependant, encouragé les érudits et les scientifiques, mis en place tout un système éducationnel sur tout le territoire de son vaste empire et, avec l’avènement de son petit-fils, le grand Koublai Khan, la Chine et la Mongolie étaient à l’apogée des civilisations humaines de leur temps.
Plus proche de nous, Mao Tsé-Toung était un simple bibliothécaire avec un très modeste niveau éducationnel. Cela ne l’a pas empêché de fonder une Chine moderne et de mettre en place un système politique qui a permis à ce pays d’être aujourd’hui la deuxième puissance économique mondiale.
À notre époque, Bill Gates, Steve Jobs, Mark Zuckerberg n’ont jamais eu de diplômes universitaires, mais ils ont conçu des innovations technologiques dont le monde entier ne peut pas se passer.
Un bon CV n’est pas un gage de compétence
Alors, chers politiques tunisiens, arrêtez de chercher des technocrates dotés de riches CV, souvent d’ailleurs bidonnés, pour leur attribuer les hautes responsabilités de l’Etat. Beaucoup de ces derniers, bombardés ministres ou chefs de gouvernement, ont montré leur incapacité à gérer les affaires publiques. Cherchons plutôt des hommes et des femmes intègres et honnêtes, qui ont du cran, du talent, du dévouement, engagés, inspirés et animés par le seul amour du pays.
* Fonctionnaire dans une entreprise publique.
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