Rached Ghannouchi, président du parti islamiste Ennahdha, et accessoirement aussi, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), ainsi que ses deux appendices Qalb Tounes et la coalition pseudo-révolutionnaire Al-Karama, disent qu’ils tiennent au chef de gouvernement Hichem Mechichi, qui ne leur refuse rien, mais jusqu’à quand?
Par Imed Bahri
Sachant que le larbin de la Kasbah est politiquement complètement cramé, avec un bilan catastrophique – capitulation humiliante devant les hors-la-loi d’’El-Kamour avec ses effets contagieux dans les autres régions qui ont fortement affaibli l’Etat et ses institutions; gestion chaotique de la crise sanitaire; campagne de vaccination non encore commencée; cumul calamiteux, depuis plus de deux mois et qui s’éternise, du poste de chef de gouvernement et de celui de ministre de l’Intérieur avec les dérives et les bavures policières qui s’accumulent et deviennent dangereuses pour la paix civile; situation économique explosive avec un super-ministre de l’Economie, des Finances et de la Coopération internationale, l’inénarrable Ali Kooli, incapable de s’entendre avec son administration et de gérer la grève de la douane, alors qu’il est censé gérer une crise économique et financière sans précédent ?
Une manœuvre du vieux briscard de l’islamisme tunisien
Avec autant d’éléments qui plaident en défaveur de Mechichi, Ghannouchi acceptera-t-il de garder plus longtemps un larbin incompétent et complètement dépassé, lui et son équipe, au risque de conduire le pays à sa perdition ou bien la realpolitik prendra-t-elle le dessus?
Pour l’instant et comme il l’a déclaré hier, mercredi 10 mars 2021, à l’agence Reuters, il défend la première option et le maintien de «son» Premier ministre, dont le président de la république, Kaïs Saïed, et pas seulement lui, n’en veut pas, mais ça peut n’être qu’une manœuvre du vieux briscard de l’islamisme tunisien, rusé comme un renard, pour faire monter les enchères mais au moment venu, il le sacrifiera sur l’autel de ses intérêts bien compris, comme il l’a déjà fait avec beaucoup avant lui.
Le remplaçant du larbin actuel sera un autre larbin
La situation catastrophique d’où Mechichi et son équipe sont incapables de sortir le pays et le fait que le président de la république, élu pour cinq ans et que personne ne peut déloger, réclame la peau du locataire de la Kasbah font que les éléments et les données objectifs inhérents à toute analyse ne permettent plus à Ghannouchi de tenir longtemps sa position intransigeante actuelle, contrairement au soutien de façade qu’affiche encore le vieux renard de l’islamisme tunisien au petit commis de l’administration publique élevé au rang de Premier ministre.
Ce soutien n’est qu’une manœuvre pour peser dans les futures tractations avec le palais de Carthage pour débloquer la situation, des tractations qu’imposera la situation du pays.
Ghannouchi, qui n’est pas un enfant de chœur, ne lâchera pas son larbin pour l’amour de Saïed mais pour une contrepartie qui lui conviendra et lui sauvera la face. Par exemple, il veillera pour que la balle ne revienne pas, cette fois-ci et pour une troisième fois, à Saïed pour désigner le futur chef du gouvernement, ses deux précédents choix s’étant révélés infructueux sinon calamiteux.
Pour cela, donc, Mechichi ne démissionnera pas mais il fera l’objet, et en un tour de main dont seul le vieux renard a le secret, d’une motion de censure afin que son successeur soit choisi par l’Assemblée, donc, par conséquent, par Ghannouchi et ses alliés et obligés, et non par Saïed.
La tête de Mechichi que réclame ce dernier aura ainsi une contrepartie, à savoir que le choix du futur chef de gouvernement se fera par Ghannouchi sinon Mechichi restera encore à son poste, d’où l’actuelle manœuvre de soutien de façade du chef islamiste à son larbin.
Ghannouchi veut naturellement que le remplaçant du larbin actuel soit un autre larbin. Et Saïed pourra continuer à afficher sa rigidité habituelle, qui lui donne une impression de puissance, mais en réalité, il n’y verra que du feu et continuera à brasser du vent.
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