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Charité et politique : K2 Rhym, le nouveau Nabil Karoui

Karim Gharbi, alias K2 (ex-K2 Rhym), un rappeur dont personne ne connaît le moindre succès au box-office et dont personne ne connaît non plus l’origine de la fortune, est sur les pas du magnat de la télévision et de la publicité, Nabil Karoui, poursuivi en justice pour évasion fiscale et blanchiment d’argent. Vidéo.

Par Imed Bahri

En effet, K2 multiplie les passages sur les plateaux de télévision et les studios des radios pour faire étalage de sa générosité et parler de ses actions caritatives aux quatre coins de la Tunisie : il équipe les écoles et les hôpitaux publics, donne des aides aux familles nécessiteuses, se rend au chevet des enfants hospitalisés… Le bon sens veut que l’on se félicite que, par ces temps de crise et de disette, il y ait des gens au grand cœur pour aider leur prochain dans le besoin. Sauf que, dans ce cas, il y a au moins trois bémols.

L’action caritative au service des ambitions politiques

D’abord, K2 semble emboîter le pas au patron de Nessma TV, qui a fait de l’action caritative un moyen pour construire une image de bienfaiteur de l’humanité, d’homme généreux et proche des petites gens, qui met la main à la poche pour aider les nécessiteux et parer aux manquements de l’Etat, incapable de satisfaire les besoins de la population, avec, derrière la tête, comme souvent, un projet politique. Il s’agit, on l’a compris, de se construire une popularité, prélude à engagement futur en politique, sans passé militant, ni idées ni programmes.

Le parti islamiste Ennahdha, au pouvoir depuis 2011, a suivi ce même schéma, en mettant à contribution des centaines d’associations caritatives aux financements douteux, souvent extérieurs, ainsi que les nombreux barons de la contrebande siégeant aujourd’hui à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui se sont fait élire dans leurs régions respectives en distribuant des liasses de billets ou en organisant des «zardas» (banquets) pour les pauvres.

Olfa Terres, députée de Bizerte, avait opté pour une méthode encore plus sophistiquée. Elle a créé la Fondation Rambourg, avec l’argent de son époux français, pour mener des actions en faveur des artistes, des petits artisans et des jeunes dans les régions déshérités… avant de créer son mouvement 3ich Tounsi, à grand renfort de publicité et de communication sonnante et trébuchante, et de s’engager en politique, avec des résultats jusque-là mitigés, les réalisations étant très en-deçà de la mise consentie.

Pour revenir à K2, le second bémol a trait à son passé pour le moins mystérieux et obscur. Officiellement, c’est un self made man, très riche, qui se déplace à bord d‘un jet privé. Dans une émission télévisée, il avait déclaré avoir roulé sa bosse un peu partout. Il aurait été maçon, peintre et garçon de café, en France et ailleurs, avant d’amasser la fortune qu’il affiche ostensiblement et dont on ne connaît pas l’origine. Il n’est pas un homme d’affaires, on ne connaît pas de sociétés en son nom ni de grands projets lui ayant permis de devenir un milliardaire.

Par ailleurs, K2 a épousé, il y a quelques années, Nesrine, la fille de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, née de son second mariage avec Leila Trabselsi, et en a divorcé dans des circonstances pour le moins mystérieuses et dont il refuse de parler. Là aussi, on est en droit de soupçonner, chez ce garçon, une volonté de construire une notoriété politique, qui pourrait lui être utile à terme, d’autant que les prochaines élections approchent : elles sont prévues en 2024.

Il y a quelques semaines, le rappeur a encore fait une intrusion dans le champ politique en annonçant avoir pris contact avec les autorités chinoises pour acheter une quantité de vaccins Sinovac, lancer la campagne de vaccination contre la pandémie de la Covid-19, qui prend beaucoup de retard en Tunisie, et parer ainsi aux manquements du gouvernement. L’information ne va pas tarder à être démentie par l’ambassade de Chine en Tunisie.

Le père Noël est un rappeur

Hier, samedi 10 avril 2021, K2 a diffusé une vidéo sur sa page Facebook où il s’attaque au gouvernement, qui a annoncé des mesures préventives contre la pandémie de la Covid-19, prévoyant notamment la fermeture des cafés, des restaurants, des souks hebdomadaires, etc., sans prévoir, en même temps, des compensations pour tous ceux et celles, travailleurs journaliers, qui vont être ainsi privés de leurs seules ressources. Le présumé rappeur – c’est ainsi en tout cas qu’il est présenté par ces chers animateurs télévisés complaisants – promet de lancer une campagne d’aide à un grand nombre de ces gens. Autant dire qu’il va remplacer un Etat défaillant.

Quand on sait les difficultés auxquelles font face actuellement les finances publiques, on peut se demander si K2 ne va-t-il pas, demain, payer les salaires des employés de la fonction publique et les pensions de retraite. Tant qu’à faire…

Dans sa vidéo, K2 ajoute qu’il ne se contentera pas des aides de ramadan, qui bénéficieront au plus grand nombre possible de gens, et qu’il annoncera bientôt de grands projets (sic !) sans en dire plus, précisant seulement que le premier de ces projets sera lancé dans le quartier où il a passé son enfance.

Non vraiment, il y a quelque chose de bizarre dans tout ce que fait et entreprend cet homme et on est en droit d’exprimer des doutes sur ses véritables intentions et d’exiger qu’il nous explique une fois pour toute l’origine de sa fortune. Le fisc aussi doit savoir. Il est même tenu d’enquêter sur les sources de revenus de cet homme que l’on risque de retrouver bientôt dans la course pour le Palais du Bardo ou même pour celui de Carthage.

Vidéo.

Site officiel de K2 Rhym.

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