Pour remplacer le chef de gouvernement en poste, Hichem Mechichi en l’occurrence, en fonction depuis le 2 septembre 2020 (soit un bail de neuf mois, trop long au goût des Tunisiens, qui se sont habitués à changer pratiquement tous les ans de Premier ministre), les paris sur les noms de ses successeurs présomptifs ont déjà commencé.
Par Imed Bahri
En effet, des noms commencent à circuler dans les réseaux sociaux, sans doute balancés par le parti islamiste Ennahdha, comme autant de ballons d’essai pour sonder les réactions de l’opinion publique. Il s’agit aussi de s’assurer de l’acceptabilité de tel ou tel candidat avant de le jeter dans la cage aux fauves ou d’utiliser ces supposés candidats comme autant de leurres pour occuper l’opinion et protéger, momentanément, le vrai candidat qui sera proposé le moment opportun, sachant que les personnalités dont les noms sont avancés ont droit à une véritable campagne de dénigrement dans les réseaux sociaux dont ils se passeraient volontiers.
Les candidats autoproclamés
Le problème c’est que ces derniers prennent goût eux aussi à cet exercice qui leur permet de faire parler d’eux, de se présenter aux yeux de l’opinion comme premier-ministrables (cela flatte leur ego) et de mobiliser, au passage, en face des inévitables pourfendeurs, quelques zélés supporteurs.
Il y a bien sûr les candidats autoproclamés, et dans cette catégorie, la palme d’or revient, sans conteste, à l’inévitable Ahmed Nejib Chebbi qui, aux dernières nouvelles, préside la commission politique du parti Al-Amal. Le vieux loup de la scène politique tunisienne tarde certes à sortir du bois, mais, soyons rassurés, cela ne saurait tarder.
Le nouveau venu dans cette catégorie, on trouve depuis peu Ghazi Chaouachi, secrétaire général du Courant démocrate ou Attayar depuis le 4 octobre 2020. Ce dernier, dont le premier mandat ministériel a été trop court, du 27 février au 2 septembre 2020, soit pendant 6 mois et 6 jours (il a été ministre des Domaines de l’État et des Affaires foncières puis ministre de l’Équipement, de l’Habitat et de l’Aménagement territorial par intérim), multiplie les déclarations médiatiques et les postes Facebook où il se présente lui-même comme l’homme du consensus et le seul capable de mettre toutes les parties d’accord, entendre Rached Ghannouchi et Kaïs Saïed, étant en bons termes avec l’un et l’autre. C’est du moins ce qu’il croit et voudrait faire croire. M. Chaouachi n’oublie pas, au passage, de publier des postes hostiles au chef du gouvernement en place, d’énumérer ses incalculables défauts et d’appeler ses collègues députés à lui retirer la confiance.
Les candidats «naturels»
Trois autres noms circulent depuis quelque temps dans les réseaux sociaux mobilisant adversaires et partisans dans une véritable foire d’empoigne : il y a l’ancien chef de gouvernement Youssef Chahed, président du parti Tahya Tounes, homme de consensus s’il en est et qui, lui aussi, serait accepté par les deux grands manitous, Ghannouchi et Saied. Comme tout le monde le dit, cela est sans doute vrai.
On pourrait dire exactement presque la même chose de Fadhel Abdelkefi, l’ancien ministre du Développement économique, de l’Investissement et de la Coopération internationale, et ministre des Finances par intérim, dont le nom avait déjà été proposé pour la Kasbah, à deux reprises, avant la nomination d’Elyès Fakhfakh et de Hichem Mechichi et qui semble avoir pris un réel goût à la politique, au point d’abandonner une paisible carrière d’homme d’affaires et de riche héritier pour se lancer dans l’arène sans filet. Et pour cela, il a fait une retentissante OPA sur un parti de centre-droit Afek Tounes, dont il voudrait faire un instrument de conquête du pouvoir : sinon la présidence de la république du moins celle du gouvernement à laquelle il pense tous les jours en se rasant. Lui aussi est en très bons termes avec les barbus…
Le candidat surprise
Un autre nom, pour le moins inattendu, circule sur les réseaux sociaux depuis avant-hier, dimanche 13 juin 2021, suscitant un grand débat sur ses qualités présumées et ses défauts étalés sur la place publique. Il s’agit d’Ayachi Hammami, avocat de son état et militant des droits de l’homme, qui a été ministre chargé des Droits de l’homme et de la Relation avec les instances constitutionnelles et la société civile du 27 février au 2 septembre 2020, dans le gouvernement Fakhfakh.
Le fait que cet homme de gauche, membre fondateur du collectif du 18-Octobre pour les droits et les libertés, qui a scellé, en 2005, le rapprochement entre les islamistes et les gauchistes contre la dictature de Ben Ali, avant de siéger, en 2011, à la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique (Hiror), ayant été à l’origine des élections de l’Assemblée nationale constituante (ANC) qui a porté le parti islamiste Ennahdha au pouvoir, semblent entacher le parcours politique de cet homme. Serait-il un gauchiste notoire infiltré dans les rangs des islamistes, lesquels le considèrent comme l’un des leurs, ou bien l’inverse ?
Quoi qu’il en soit, la loterie est loin d’avoir livré tous ses secrets, encore ne faut-il pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, l’ours étant celui auquel vous pensez, et qui n’est pas prêt à céder sa place de sitôt et semble même déterminé à vendre très chèrement sa peau.
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