Le 13 août 1956 est une date historique dans notre pays. La femme y naît comme un être humain à part entière, l’égale de l’homme. C’est donc une journée hautement symbolique, et pas seulement pour les femmes. Aussi importante que celles de l’indépendance nationale, le 20 mars 1956, et de la proclamation de la république, le 25 juillet 1957.
Par Raouf Chatty *
Le 13 août 1956 a été promulgué le Code du statut personnel (CSP), qui émancipe la femme tunisienne, enfin considérée comme une personne humaine à part entière jouissant des mêmes droits que l’homme, ou presque, car le combat pour l’égalité des sexes est encore loin d’être achevé.
Le CSP a consacré l’abolition de la polygamie et l’institution du divorce devant la justice, une véritable révolution à l’époque, en comparaison avec le statut de la femme encore en vigueur dans tous les pays musulmans.
La Tunisie est ainsi entrée dans une ère nouvelle, grâce à la volonté, à la détermination et à l’engagement lucide d’un grand leader politique, Habib Bourguiba, justement considéré comme le libérateur de la femme.
D’autres facteurs ont facilité l’entrée de la Tunisie dans cette nouvelle ère, en particulier sa position géographique au cœur de la Méditerranée, sa proximité de l’Europe, l’ouverture de son territoire sur des peuples venus, à travers l’histoire, de la Phénicie, de Rome, de Grèce, d’Espagne, de Turquie et de France, d’où cet esprit de modération et ce tempérament pacifique, tolérant et clément qui caractérisent la personnalité tunisienne.
La Tunisie dans le club des nations civilisées
Cette journée du 13 août 1956 est symbolique, et pas uniquement pour la femme tunisienne qui a vu, depuis cette date, son statut révolutionné, mais aussi pour l’homme et la société tunisienne dans son ensemble, qui avaient commencé à changer et à se moderniser progressivement, faisant entrer la Tunisie de plein pied dans le club des nations civilisées où la femme est l’égale de l’homme et jouit des mêmes droits que lui…
En 1956, le CSP avait constitué une véritable révolution mentale et sociale. Ses dispositions ont été assimilées sans trop de difficultés par les Tunisiens, réussissant, la volonté politique aidant, à rompre avec des traditions ancestrales désuètes, qui, accumulées à travers les siècles, avaient érigé en dogme, au nom d’interprétations abusives de l’islam, la soumission totale de la femme à l’homme, sa vassalisation, son exploitation et sa soumission au bon vouloir de sa famille, de son mari et de la société dans son ensemble.
Avant 1956, la femme vivait dans une société patriarcale, masculine, machiste, tyrannique, intellectuellement pauvre (le taux d’analphabétisme s’élevant à plus de 90% de la population) et financièrement exsangue, autant de facteurs qui aggravaient la condition de la femme.
A nos femmes d’aujourd’hui de se mettre un moment dans la peau de leurs mères ou grands-mères, dans les années trente, quarante ou même cinquante du siècle dernier, pour imaginer les souffrances, les brimades, les injustices et les atteintes flagrantes aux droits humains dont étaient victimes les femmes, écrasées par les hommes, maintenues pratiquement en servitude et vivant dans les ténèbres.Cela leur permettra de comprendre que l’entreprise de Bourguiba était pratiquement une grande révolution tranquille, une énorme aventure réussie, tout comme le combat mené par le penseur Tahar Haddad et autres intellectuels progressistes tunisiens de la Mosquée Zitouna.
Soixante cinq ans après la promulgation du CSP, la femme est aujourd’hui l’égale de l’homme. Elle vit sa vie pleinement et sans complexes. Elle réussit toutes les entreprises. Elle est présente dans tous les domaines et constitue réellement avec l’homme le second pilier de la société qu’elle contribue à construire dans le sens de l’égalité, de la justice, de la prospérité et du développement.
Le rôle majeur de la femme dans la mise en échec du projet islamiste
Il faut également mettre en évidence le rôle majeur de la femme dans la mise en échec du projet islamiste obscurantiste dans notre pays et ses luttes durant les années précédentes pour la préservation de l’État civil démocratique. Elle aura toujours un rôle majeur dans la prévalence de l’Etat de droit et des libertés, tout comme dans la protection de l’Etat contre les aventures qui pourraient conduire à son affaissement.
Sa présence active dans le processus de développement de la société est toujours le garant de la bonne santé de notre pays. Elle sera toujours ainsi. Et il faut qu’elle continue son irréversible lancée sur le même chemin. Le développement saint et équilibré de notre pays en dépend largement…
Ce message doit être aujourd’hui compris par tout le monde sans exception… Les choses devant continuer dans la même voie dans le cadre d’un État civil démocratique fondé sur les droits de l’homme universellement reconnus et régi par les institutions stables et équilibrées, seules garantes d’une Tunisie moderne, respectable et respectée.
* Ancien ambassadeur.
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