De par le monde, les prix du pétrole et du gaz flambent et montent en flèche. Cela aura de lourdes conséquences sur le retour de la croissance, sur le pouvoir d’achat, sur les déficits budgétaires, sur l’inflation et donc sur le taux d’intérêt directeur. Décryptage…
Par Moktar Lamari, PHD. *
Ce qu’on constate depuis un mois est désarçonnant. Les prix du gaz et de l’essence sont repartis à la hausse. Des hausses vertigineuses sans équivalent depuis 2013.
En Tunisie, le gouvernement qui sera constitué par Najla Bouden Romdhane, nommée cette semaine cheffe de gouvernement, va se ramasser avec cette patate chaude… à l’ordre du jour du premier conseil des ministres, présidé par Kais Saied. Et cela risque de faire grincer les dents chez les consommateurs, les industriels… l’hiver étant dans quelques semaines.
Selon les estimations les plus conservatrices, la Tunisie sera portée à hausser les tarifs réglementés dans une fourchette allant de 13 à 18%. Ces augmentations risquent d’entrer en vigueur dès la fin d’octobre, si on ne veut pas creuser un trou déjà énorme dans les finances publiques, 9 milliards de DT à mobiliser, et presque 4 milliards de DT en lien à ces hausses des prix des carburants, du gaz, électricité, etc.
Depuis la fin de 2020, les cours du gaz ont ainsi flambé de presque de 300%, et cela risque de s’aggraver avec l’arrivée de la saison hivernale. Une situation explosive qui s’explique au niveau international, à la fois par des stocks bas, une forte demande de gaz naturel liquéfié en Asie et une incapacité des pays producteurs (Russie, Norvège, Qatar, Algérie, etc.) à augmenter leurs offres respectives en gaz naturel.
Plusieurs pays anticipent ces augmentations et offrent des chèques énergies pour leur population… et ce pour amortir ce choc violent de l’offre et des cours mondiaux.
En France, le gouvernement a annoncé, le 15 septembre, la mise en œuvre d’un «chèque-énergie» exceptionnel. D’une valeur de 100 euros, celui-ci concerne presque 10% des ménages français.
Le 1er défi pour un gouvernement novice
Que peut-on faire en Tunisie?
Le gouvernement en constitution doit faire face à la musique, et agir par des mesures de tarification, des mesures de sensibilisation et des mesures d’économies.
Au niveau de la tarification, les augmentations à n’énoncer doivent être conséquentes, modulables et bien communiquées. Le ministère de l’Energie doit agir dans la célérité, dans la transparence et en connaissance de causes. Les tarifs ne peuvent qu’augmenter, et le gouvernement doit prévoir des aides exceptionnelles en direction des ménages défavorisées.
Une approche fondée sur la vérité des prix doit viser les principaux consommateurs d’énergie: hôtels, bâtiments administratifs, édifices bancaires, etc.
Les ménages précaires doivent être protégés, notamment dans les régions rurales et agricoles.
Les hausses des prix et le rationnement (par les files d’attente) de l’essence et des bouteilles de gaz vont soulever la grogne. Et cela va égratigner le gouvernement et soulever la contestation populaire.
Les prévisionnistes prévoient un retour à la normale à partir du mois de mai.
Les mesures de sensibilisation doivent aider les consommateurs à «anticiper les hausses à venir».
Ces ménages doivent ajuster leur modes de consommations de gaz, d’essence, d’électricité… pour faire des économies d’énergie dans leur chauffage, déplacement et gestion de leur équipement électro-ménager.
Le gouvernement doit montrer l’exemple
Les mesures d’économie concernent aussi l’appareil gouvernemental, et ses 85 000 voitures de fonction. On peut impérativement réduire les bons d’essence. On doit réduire la consommation d’énergies par des édifices gouvernementaux chauffés de manière démesurée et où le gaspillage est criant.
Plus tôt le gouvernement agira, le mieux c’est pour sa longévité pour l’amorce de son début de mandature… et surtout pour la viabilité des budgets publics.
Le nouveau gouvernement ne va pas reproduire les trucages de prévisions et la manipulation budgétaire (45$ le baril de pétrole orévu dans le budget de 2021 contre 80$ dans les faits).
La Tunisie ne doit pas continuer à s’endetter pour financer la consommation et les gaspillages.
* Universitaire au Canada.
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