Zouhaier Maghzaoui et ses camarades du mouvement Echaab sont passés, sans transition, d’un soutien mielleux au président Kaïs Saïed et à ses «mesures exceptionnelles» assimilées à un coup d’Etat par certains de ses opposants, à une posture franchement critique à ce dernier. Comment expliquer cette métamorphose dont la sincérité est sujette à des doutes ?
Par Imed Bahri
Le secrétaire général du mouvement Echaab, Zouhaier Maghzaoui, a déclaré que la rencontre vendredi 3 décembre 2021 entre une délégation de son parti et le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, avait été l’occasion de souligner la nécessité de fixer une date limite précise pour les mesures exceptionnelles annoncées le 25 juillet dernier par le président de la république Kais Saied, en application de l’article 80 de la Constitution.
Tous contre Kais Saied
La rencontre, qui s’était déroulée en présence de Salem Labiadh, Haykel Mekki, du mouvement Echaab, et du secrétaire général adjoint de l’UGTT, Samir Cheffi, avait également souligné la nécessité de s’élever contre tout écart par rapport aux mesures revendiquées par le peuple tunisien et aux moyens d’unifier les positions sur la crise économique et politique et de proposer des solutions à cet égard, a ajouté Maghzaoui, dans une déclaration à l’agence TAP, en précisant que le mouvement Echaab et l’UGTT sont contre le fait que le président de la république monopolise le pouvoir de décision concernant l’avenir de la Tunisie et affirment la nécessité de fixer un délai précis pour la fin des mesures exceptionnelles.
Le mouvement Echaab, a-t-il assuré, continuera de coordonner ses positions et de tenir des réunions
avec les forces nationales dont l’UGTT pour harmoniser les positions concernant les mesures du 25 juillet qu’il a soutenues depuis le début. Il a souligné, à cet égard, la lenteur des réformes politiques, économiques et sociales et de l’ouverture des dossiers de la corruption.
Le mouvement Echaab considère que le président Kais Saied devrait engager un dialogue avec toutes les forces nationales pour aller de l’avant et organiser des élections démocratiques, a-t-il ajouté.
Les raisons d’un changement de cap
Voilà pour l’information, mais un commentaire s’impose concernant cette évolution de la position du mouvement Echaab qui a longtemps louvoyé, en exprimant un soutien fort et franc aux mesures exceptionnelles annoncées par Kais Saied, avant de rompre les amarres et de prendre ses distances vis-à-vis du locataire du palais de Carthage, au point de rejoindre aujourd’hui le camp des opposants à ce dernier.
Les mauvaises langues disent que Maghzaoui et ses camarades attendaient peut-être un renvoi d’ascenseur de la part du président de la république, mais face au refus de ce dernier de discuter avec tous les partis, y compris ceux qui le soutiennent tapageusement, le mouvement Echaab s’est senti hors-jeu et a vite fait de retrouver une posture moins inconfortable.
Il faut dire aussi que le mouvement Echaab, un petit parti sans envergure, a toujours cherché de se mettre à l’ombre d’une autre force politique plus consistante et il a fortement misé, dès le début, sur le président Kais Saied, pensant, à tort ou à raison, que ce dernier partage leur idéologie nationaliste arabe, avant de rétropédaler, après avoir découvert un visage moins avenant, de leur point de vue, du professeur de droit constitutionnel, dont l’hostilité à la partitocratie ayant régné en Tunisie depuis 2011 ne souffre aucune exception, c’est-à-dire qu’il met tous les partis dans le même sac. «Tous pourris», semble-t-il dire, à l’instar de ses partisans qui encombrent les réseaux sociaux de leurs vociférations.
Sur un autre plan, le mouvement Echaab, dont le secrétaire général, Zouhaier Maghzaoui, est un ancien fonctionnaire de l’UGTT, calque souvent ses positions sur celles de la puissante centrale syndicale. Tant que celle-ci soutenait le président de la république, pour marquer son hostilité au parti islamiste Ennahdha et son soutien à la volonté présidentielle d’en finir avec les barons de la corruption et les groupes d’intérêt, Echaab s’est gardé de critiquer le chef de l’Etat, se permettant même de parler en son nom et de se faire l’interprète de ses pensées les plus secrètes, au point de se couvrir parfois de ridicule. Noureddine Taboubi et ses camarades ayant pris ces derniers jours des postures ouvertement critiques à l’égard de Kais Saied, les camarades de Maghazoui n’ont pas tardé à rentrer dans les rangs, quitte à devoir couper le cheveux en quatre dans leurs interventions médiatiques pour essayer de justifier leurs partis-pris antérieurs et leurs volte-face successives.
Donnez votre avis