Face à l’attitude suicidaire de Noureddine Bhiri, le dirigeant du parti islamiste Ennahdha, assigné à résidence depuis le 31 janvier dernier, soupçonné d’implication dans une affaire terroriste, et qui laisse sa santé se détériorer, les autorités tunisiennes ne dérogent pas à leur attitude de fermeté. Car au-delà de la santé de M. Bhiri voire même du sort de son parti, aujourd’hui en perte de vitesse, l’enjeu est la disposition du pouvoir judiciaire à se réformer lui-même ou du pouvoir exécutif à lui imposer les réformes auxquelles ce dernier semble résister, non sans cynisme.
Par Imed Bahri
Dans un communiqué publié hier, samedi 15 janvier 2022, le comité de défense du dirigeant du mouvement Ennahdha, Noureddine Bhiri, a révélé que «le médecin direct de Bhiri a appelé son épouse, Saïda Akremi, pour l’informer que l’état de santé de son époux avait atteint un stade d’extrême gravité, et lui a demandé de signer un document dégageant la responsabilité directe de ses médecins traitants.»
Le même communiqué indique que la santé de Bhiri avait «atteint un stade critique et menaçait d’entrer dans une phase irréversible».
Une stratégie de bras-de-fer avec les autorités politiques
L’équipe de défense a appelé, dans ce contexte, à la l’arrêt immédiat de la «détention arbitraire» de Bhiri, en considérant le ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine, ayant ordonné son assignation à résidence, comme étant «personnellement responsable» de la vie de leur client.
Rappelons qu’après son assignation à résidence, Noureddine Bhiri a vu sa santé se détériorer, car il refuse de s’alimenter et de prendre ses médicaments, alors qu’il souffre de maladies chroniques. Ce qui a nécessité son hospitalisation à l’hôpital Habib Bougatfa de Bizerte.
Noureddine Bhiri, avocat de son état, semble avoir opté, ainsi que son épouse Saïda Akremi, elle aussi avocate, pour une stratégie de bras-de-fer avec les autorités politiques, en mettant sa propre santé dans la balance.
Cette attitude pour le moins suicidaire n’a pas encore fait fléchir les autorités, qui restent, de leur côté, sur une position intransigeante, exprimée à plusieurs reprises par le président de la république, Kaïs Saïed.
La «justice de Bhiri» laisse pourrir et compte les points
Dans le même temps, les autorités judiciaires, accusées de complaisance avec les lobbys politiques et les groupes d’intérêt, se contentent de suivre l’évolution de la situation et de… compter les points, se défaussant ainsi de leurs responsabilités sur le président de la république.
Ancien ministre de la Justice, Noureddine Bhiri est accusé d’avoir œuvré, durant son mandat à la tête de ce département, en 2012 et 2013, à mettre le pouvoir judiciaire sous son contrôle direct et celui de son parti, Ennahdha. Les Tunisiens parlent d’ailleurs depuis de «justice de Bhiri», en soupçonnant beaucoup de magistrats de soumission aux ordres des dirigeants du parti islamiste. D’où le manque de célérité voire les manquements procéduraux enregistrés dans l’examen des procès impliquant, directement ou indirectement, ces derniers, notamment les procès des assassinats politiques des dirigeants de gauche Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
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