Le président de la république Kaïs Saïed préfère ne pas s’attaquer aux problèmes profonds et complexes de l’économie tunisienne, auxquels il sait ne pas disposer de solutions, et continue d’agiter des chiffons rouges et de broyer du vent, fidèle en cela au populisme qui l’a toujours caractérisé et qui lui a valu son élection en 2019 et le maintien de sa cote de popularité au plus haut niveau dans les sondages d’opinion. Sauf qu’à ce jeu là, il ne pourra pas continuer à gagner indéfiniment, car, entretemps, les problèmes non résolus s’aggravent et rendent les solutions de plus en plus difficiles à mettre en œuvre.
Par Imed Bahri
Dans sa brève allocution adressée au peuple tunisien à l’occasion de l’avènement du mois de ramadan et diffusée sur la chaîne Wataniya 1 dans la soirée du vendredi 1er avril 2022, le président de la république Kais Saied est revenu à son antienne qui est en passe de devenir chez lui une véritable idée fixe : la lutte contre les spéculateurs qui seraient, selon lui, les seuls responsables de la hausse des prix et de la cherté de la vie.
«Le ramadan est le mois de l’abstinence et de la piété et une occasion idéale pour purifier les corps et les esprits», a cru devoir rappeler le chef de l’Etat, comme pour appeler les citoyens à maîriser leur boulimie ramadanesque, qui se traduit par une hausse de la consommation des produits alimentaires estimée à 30%, par rapport à leur consommation mensuelle moyenne.
Qui joue sur le pouvoir d’achat des citoyens ?
«Mois sacré, le ramadan ne doit pas être en retour une aubaine pour jouer sur le pouvoir d’achat du citoyen par la flambée des prix due aux pratiques spéculatives», a cependant ajouté le président de la république, se faisant l’écho de ce que tous les citoyens ont observé ces derniers jours, à savoir une forte hausse des prix de la plupart des produits alimentaires. Et de reprendre ses menaces en direction des spéculateurs, seuls responsables, selon lui, de la hausse des prix.
«Aujourd’hui, plus que jamais, nous sommes déterminés à assainir le pays et à avancer sur la voie de la construction d’une nouvelle république sur la base de la consultation électronique et du dialogue national», s’est empressé d’ajouter le chef de l’Etat.
Recevant, samedi 2 avril, au Palais de Carthage, la cheffe du gouvernement, Najla Bouden Romdhan, et Othman Jerandi, ministre des Affaires étrangères, de l’Immigration et des Tunisiens à l’étranger, le président a, selon le communiqué de la présidence de la république, discuté sur la situation économiqueséconomique et sociale en Tunisie et «souligné la nécessité de pourvoir à tout ce dont le citoyen a besoin en ce mois sacré, ainsi que sur l’application de la loi aux spéculateurs qui cherchent, par leur monopole sur un certain nombre de matières, non seulement à réaliser un profit commercial illégal, mais aussi à des fins connues de tous.»
Ah ces méchants spéculateurs !
En réduisant ainsi les problèmes du pays à une affaire de méchants spéculateurs à arrêter et à punir, le président Saïed ne semble pas mesurer la gravité de la situation économique et financière du pays, dont la hausse générale des prix est l’un des symptômes les plus évidents et les plus palpables pour les citoyens, mais dont les causes sont plus profondes et tiennent plus de la faillite du modèle économique en place depuis des décennies et, de la mauvaise gouvernance dont ont fait preuve les gouvernements successifs depuis une décennie.
Mais fidèle au populisme qui le caractérise et qui lui a valu son élection, le président préfère ne pas s’attaquer aux problèmes profonds et complexes de l’économie tunisienne, auxquels il sait ne pas disposer de solutions, et continue d’agiter des chiffons rouges et de broyer du vent. Puisque, depuis qu’il a lancé «sa» guerre contre ceux qui «affament le peuple» (sic!), aucun baron de la spéculation n’a été arrêté.
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