L’auteure de cette tribune, Chinoise ayant étudié et travaillé en France, s’inscrit en faux contre la mythologie du racisme des Blancs à l’égard des Asiatiques. Le racisme, le vrai, qu’elle a elle-même connu en France, c’est celui des Blancs et des Asiatiques à l’égard des Arabes et des Noirs, même s’ils sont Français et nés en France. Elle en témoigne… (Illustration : fête des chinois de Paris).
Par Xu Ting *
Depuis mon enfance, j’ai toujours été attirée par la France. Ce pays est si différent de ces cultures dont on est abreuvé dans les médias ou les réseaux sociaux comme celles du Japon, de la Corée et bien évidemment des Etats-Unis d’Amérique.
C’est pour cela que la France m’a toujours attirée par sa langue, sa culture, son histoire et ce simple fait qu’une adhésion à des valeurs faisait de vous un Français. La couleur de peau et la religion importaient peu pour les gens du pays.
Quand j’allais voir ma cousine à Los Angeles, elle se définissait comme «Asian-American» et ses amis quand ils se présentaient par des propos tels que «I’m Latino-American I’m Ramon». Je n’avais pas demandé à ce monsieur son ethnie et il me la donnait, je me vois mal me présenter et dire «Je suis Chinoise, je m’appelle Ting».
Mon arrivée en France est donc pour moi le plus beau des voyages.
Une éducation clairement raciste dès la naissance
Les parents issus de l’immigration chinoise, quelle que soit l’époque, ont un point commun, c’est cet attachement à la réussite scolaire et professionnelle de leurs enfants. Ce qui est une bonne chose pour leurs progénitures et pour la France.
Par contre, dans cette éducation, il y a une chose qu’on n’ose pas dire, une chose clairement raciste c’est la haine de l’Arabe et du Noir.
Contrairement au racisme classique où l’on voit une discrimination claire punissable par la loi, là c’est clairement un lavage de cerveaux qui est fait aux enfants pour leur mettre dans la tête une image négative de ces populations et d’autres.
Selon leur éducation, les Arabes et les Noirs sont tous des voleurs, des menteurs, et des bandits. Cela explique le fait qu’il ne faut pas les avoir comme amis ou même comme amoureux. Par contre les Blancs sont gentils et riches.
Pendant mes études à Paris, j’étais baby-sitter dans différentes familles chinoises à travers Paris pour arrondir mes fins de mois. Je me rappelle d’un enfant de 7 ans que je gardais, il pleurait car le seul enfant arabe de sa classe dont il semblait être ami n’était pas invité à son anniversaire. D’ailleurs, j’avais comme instruction de cette femme de ne pas laisser son fils jouer dans le parc avec les enfants noirs et arabes.
Sachez que j’ai entendu cette phrase de la part de nombreux Chinois plus d’une quinzaine de fois, même de Chinois qui sont installés en France depuis 1970, et même de Français d’origine chinoise qui ne connaissent que la France !
Un racisme parfaitement accepté et ancré dans les mœurs
Je me rappelle d’une autre famille que je gardais, sa fille de 14 ans avait eu le malheur de faire un bout de chemin avec son camarade de classe qui était… noir. Ce n’était pas son chéri, c’était son camarade de classe seulement… Ses parents l’ont vu… A son arrivée à mon domicile, alors que je ramenais son petit frère de 5 ans, sa mère lui a donné une claque au visage et l’a emmenée dans une chambre avec un nerf de bœuf à la main. Pendant que je m’occupais du petit frère, j’entendais la mère frapper tout en insultant sa fille pour avoir eu «le malheur» de fréquenter un noir. Le soir même, j’ai informé l’agence de baby-sitter qui m’avait embauchée de l’urgence de la situation. J’ai été changée de famille. Plus tard, j’ai su qu’il fallait aller voir la police. Mais, à l’époque, je ne connaissais pas assez bien le système juridique français.
Ce racisme est parfaitement banalisé et enraciné dans la communauté chinoise que cela soit un Chinois de Chine ou un Français d’origine chinoise.
Il suffit de naviguer dans des groupes wechat communautaire chinois ou le plus connu Xineurope.com pour y constater un racisme banalisé comme des annonces immobilières du type «appartement F2 situé dans un quartier sans Arabes et sans Noirs» ou «restaurant cherche serveurs dans quartier à clientèle blanche, pas de Noirs ni d’Arabes».
Les appels à la haine sont également très fréquents comme «je hais les Arabes et les Noirs, si j’avais un flingue je les tuerai tous» ou «aujourd’hui, j’ai vu un Arabe j’aurais tant voulu le tuer».
Bizarrement, je n’entends jamais les figures de l’antiracisme comme Sacha Lin-Jung, Sun-Lay Tan ou la charismatique Grace Ly nous parler de ce racisme parfaitement accepté et ancré, non ils préfèrent éternellement nous parler de la société française affreusement raciste et des Etats-Unis d’Amérique qui serait le modèle ultime à absolument suivre.
Une Chinoise en France n’a pas le droit d’aimer qui elle veut
Eternelle candide en France, je n’ai pas l’habitude de voir les gens par leur origine ou leur religion. Mais, je ne dois pas le cacher que quand je rencontre une Chinoise du sud ou de l’ouest, on a évidemment des clichés sur eux. Dire le contraire serait mentir.
Octobre 2015, il est 15h19, mes yeux croisent ceux d’Adam, mon camarade de classe en amphithéâtre. Je suis tombé amoureuse de lui et tout s’est fait très vite.
Je me rappelle du jour où je l’ai présenté à des amis chinois. Leurs premières remarques furent «Pourquoi tu sors avec un Arabe ?» ou encore : «Mais t’es Chinoise non ? Tu dois sortir avec un blanc ou un Chinois ? Pourquoi un Arabe ?» Ou la meilleure : «Mais qu’est ce que tu vas faire avec un Arabe? T’inquiètes pas, si tu aimes les étrangers, je vais te présenter un Français bien blanc».
Tous mes amis chinois qui vivaient en France, et qui avaient fait leurs études avec des camarades originaire des quatre coins du monde, les rejetaient pour leurs racines.
Je ne savais même pas qu’Adam était Arabe, car il m’avait dit qu’il était Français. Un jour, je lui ai posé la question, et il m’a dit qu’il est né à Lyon, et qu’il est venu finir ses études à Paris. Ses parents sont nés en Tunisie. Par curiosité, je lui ai demandé s’il parlait arabe et il m’a répondu qu’il l’écrivait et le lisait, mais qu’il n’avait pas l’occasion de vraiment l’utiliser.
J’étais très heureuse avec lui, mais la plupart de mes amis ont cessé de me voir, car j’avais un ami d’origine tunisienne. J’étais triste, mais mon amoureux me rendait chaque jour le sourire.
Parfois, j’allais en soirée avec des amies françaises et même elles trouvaient ça bizarre, et me demandaient si j’avais une attirance particulièrement pour les Arabes, et pourquoi je n’avais pas un copain blanc ou asiatique.
Je ne comprenais pas cette France qui avait ce besoin que j’aille vers un Blanc ou un Asiatique comme si j’avais été programmée pour aimer un Blanc ou un Asiatique. Moi, je pense qu’on aime une personne pour les sentiments qu’on a pour elle pas pour une origine ethnique.
En France, une Chinoise est la propriété exclusive de l’homme blanc ou de l’homme asiatique. Par conséquent, toutes personnes de toutes autres origines n’a pas le droit d’y toucher. Ce dogme est ancré dans l’inconscient des hommes comme des femmes. Cela explique le fait que les Blancs se permettent des comportements de drague particulièrement déplacés avec les femmes asiatiques car pour eux, ils savent que c’est déjà dans la poche vu qu’ils sont blancs.
La philosophe américaine Robin Zhen parle de «Yellow Fever» pour parler de ces hommes comme de ces femmes qui sont fétichistes des Asiatiques. Mais, ce n’est pas du fétichisme.
L’éducation des parents ajoutée à celle de la société font que l’homme blanc voire la femme blanche savent qu’ils sont en position de force pour attirer dans leurs filets un ou une Asiatique. Par conséquent, ce n’est pas du fétichisme, c’est simplement un calcul amoureux pour obtenir ce qu’ils souhaitent en moins de temps.
Pourrait-on en valoir à une personne en quête de l’amour ou d’un partenaire de privilégier la facilité à la complexité, quand on sait que le système sociétal est de son côté ?
Pour ma part, la perte de mes amis, la pression constante de cette société qui nous regardait comme des extraterrestres ou les remarques comme «tu vas devoir porter le voile», «tu vas te convertir à l’Islam ?» ou «c’est une erreur de ta part, tout sera mieux avec un blanc».
Tout ça a joué sur mon humeur, je n’étais plus l’insouciante étudiante amoureuse de la France, j’étais trop stressée et énervée tous les jours.
Alors, la communauté chinoise et cette société raciste ont gagné, je me suis séparée de mon ami, tout en sachant que je l’aime et qu’au fond de moi je l’aime toujours.
Est-ce que j’aurais du me battre contre ce système raciste ? Probablement, car je l’aime toujours au fond de moi après tant d’années passées. Était-ce l’homme de ma vie ? Au fond de moi, je le crois mais je ne le saurai jamais, car il faut beaucoup de courage pour lutter contre un système, et je n’ai pas ce courage.
Pour fuir cet échec amoureux et ce système, malgré l’offre d’emploi d’un grand fond d’investissement français, j’ai préféré quitter la France pour retourner en Chine.
J’ai rejoint un grand groupe chinois et désormais je travaille en Afrique. Hasard de la vie, je travaille dans un pays arabophone.
Cessons de de victimiser les Asiatiques
Les valeurs de la France sont «Liberté, Egalité, Fraternité», je n’ai jamais été libre de mes choix amoureux en France, je n’ai jamais été l’égale des autres femmes devant l’amour, et de surcroît je n’ai jamais bénéficié de la fraternité de la part des autres femmes.
J’aimerais donc dire à Grace Ly, Sacha Lin-Jung, Sun-Lay Tan, Linda Nguon ou Linh-Lan Dao qui sont les ayatollahs de l’antiracisme en France de cesser de victimiser les Asiatiques en les présentant comme des êtres fragiles victimes d’un racisme systémique de la part des oppresseurs blancs. Car cela est faux. La France et les Français aiment les Asiatiques. Je n’ai jamais entendu de la bouche d’un Français un seul propos raciste à l’égard des Chinois ou des Asiatiques. Bien au contraire.
Par contre, le vrai racisme que j’ai entendu, vu et connu venait de mes compatriotes voire même d’autres Asiatiques.
Apparemment, ce phénomène ne touche pas que les Chinois puisqu’il touche également les personnes originaires des anciennes colonies françaises d’Asie.
Je vais donc dire aux Asiatiques de balayer devant leur porte, avant de chercher à balayer plus loin. La France a bien besoin de cohésion quand on voit l’état de son économie.
* L’auteure a étudié et travaillé six ans en France entre Lyon et Paris. Elle a également travaillé en Suisse et au Luxembourg avant de s’expatrier au Maghreb où elle est directrice financière pour un grand groupe chinois.
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