Dommage que tous les gouvernements post-2011 n’ont pas agi en médecins secouristes, laissant les maux de l’économie tunisienne devenir endémiques.
Par Mohamed Chawki Abid *
Quand le traitement préventif tarde à venir pour soigner une pathologie ou huiler un dysfonctionnement, l’anomalie s’aggrave et se complique pour nécessiter des interventions lourdes, à la fois peu-efficaces et trop coûteuses. C’est le cas par exemple d’une inflammation négligée, n’ayant pu être convenablement soignée à temps par un anti-inflammatoire, qui se transforme rapidement en une infection pour exiger un traitement à l’antibiotique, voire plus.
Les lobbyistes plus puissants que l’Etat
Il en va de même des maux actuels de l’économie tunisienne. Combien de fois avions nous-appelé à enclencher les mesures de sauvegardes (prévues dans l’accord avec l’Organisation mondiale du commerce, OMC) et à établir des barrières administratives et douanières face au flux d’importation massive des produits superflus (bien de consommation secondaires, bien de consommation ayant des équivalents fabriqués localement, articles de luxe…) ? Visiblement, les lobbyistes ont été plus puissants que les institutions de l’Etat, quand ils ne collaborent pas ensemble.
Dommage que les gouvernements consécutifs post-2011 n’aient pas pris leur courage à deux mains pour agir en «pompiers» ou en médecins secouristes. Un tel laxisme a laissé le tissu industriel prendre feu, entraînant dans son sillage fermeture de milliers d’usines, perte de centaines de milliers d’emplois, et envolée de l’endettement extérieur.
Si le gouvernement en exercice continue à céder au chantage des importateurs-rentiers, nous aurons du mal à garantir l’importation des produits alimentaires de base, des médicaments, des matières premières et des pièces de rechange.
Où sont les mesures de sauvetage économique promises récemment par le ministre du Commerce, à l’effet de réduire le déficit commercial d’environ 500 millions de dinars (MD) ?
Il avait pourtant annoncé l’adoption imminente par le gouvernement d’une série de décisions visant la rationalisation des importations et la promotion des exportations. Il était question de réguler le flux d’importations de biens de consommations superflus par l’augmentation des tarifs douaniers et l’établissement de barrières techniques, et ce, afin de stabiliser les fondamentaux socio-économiques (sauvegarde des industries, préservation des emplois, maîtrise des réserves en devises…).
Visiblement, l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) a exercé des pressions sur le gouvernement d’Habib Essid, pour lui faire avorter la mise en œuvre de son plan d’actions.
La société tunisienne sur la voie de l’explosion
Si le prochain gouvernement venait à suivre les politiques dictées par les lobbys intérieurs et les mafias extérieures, la société tunisienne empruntera à court terme une physionomie explosive :
– les 2 millions de pauvres deviendraient majoritaires;
– la classe moyenne aurait une distribution éclatée avec un écart type très élevé;
– la population aisée (mois de 1% de la démographie globale) accumulera plus de la moitié des richesses nationales.
Il est évident que la plupart des acteurs de l’oligarchie ont un plan B: capitaux fuités à l’étranger en infraction de la réglementation des changes et droit de résidence ou double nationalité. Il n’est pas un secret pour personne que le jour où les conditions de business ou de sécurité deviennent insupportables, chacun d’eux pliera bagages et sautera avec ses proches dans le premier avion pour retrouver pognon et maison.
Lorsque l’impartialité fait défaut chez l’Exécutif (au cas où les ministres ne sont pas manipulés) et lorsque le patriotisme fait défaut chez le Législatif (au cas où les députés ne sont pas arrosés), le souci de démocratie exige un retour au Peuple par voie de référendum.
* Ingénieur économiste.
Article lié :
Donnez votre avis