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Il y a un an, nous quittait Mokhtar Yahyaoui : Un passant considérable

Mokhtar-Yahyaoui

Le 22 septembre 2015, voilà un an, presque jour pour jour, Mokhtar Yahyaoui nous quittait suite à une crise cardiaque. Le souvenir d’un passant considérable.

Par Lotfi Ouajah

Certains souvenirs demeurent tenaces ne pliant pas sous la contrainte de l’habitude des tentations de banalisation.

Parce qu’ils se démarquent par la singularité de leur thème et la particularité de leur contenu, ils arrivent à s’incruster dans la mémoire collective et prennent avec le temps plus d’assurance et de notoriété. Celui de Mokhtar Yahyaoui est incontestablement de ceux-là.

Depuis qu’il a tiré sa révérence, le 22 septembre 2015, les jours ont couru mais la vision est restée la même. Tous ceux qui l’ont connu – et ils sont légions – le voient toujours. On garde encore vivace, au plus profond de nombreux de nous, le son de sa voix et le bruit de ses pas. Un an après son départ, c’était hier, il demeure totalement parmi nous.

Mokhtar Yahyaoui a succombé à un arrêt cardiaque foudroyant. Son corps longiligne s’est affalé sur le parterre de sa demeure – en construction – à Bizerte. Il venait d’avoir 63 ans. La mort a eu raison de cette imposante figure emblématique et de ce rebelle intrépide qui a su, sa courte vie durant, dire non à l’hégémonie, à l’intolérance, à la corruption et aux excès de tous genres.

Un destin particulier

La vie de ce passant considérable a connu bien des rebondissements. Elle s’est inscrite dans la singularité depuis les débuts, au sortir de la Faculté en 1972 avec une licence en droit, puis quelques années plus tard, en France, dans les amphis de la Sorbonne.

Décrochant dans la foulée, et une fois à Tunis, le certificat d’aptitude à la profession d’avocat, Mokhtar Yahyaoui consacre à la magistrature dont il réussit le concours d’accès une première fois et est même affecté à Sidi Bouzid.

Toutefois, il ne rejoint pas son poste et doit repasser une seconde fois le concours avant d’être nommé, en 1983, juge au tribunal de première instance de Tunis. Sa carrière va connaître, à partir de cette date, une marche ascendante, en assumant avec succès de nombreuses fonctions et en montant en grade.

La situation dans la profession et les multiples immixtions dans les affaires de justice, aussi bien de la part du pouvoir politique en place que d’une horde de plus en plus gourmande de parties intéressées, n’étaient pas sans attirer l’attention de notre juge qui était connu par ses pairs pour son franc-parler, son audace et son intégrité.

Une longue traversée de désert

Le 6 juillet 2001, il adressa à l’ancien président Ben Ali sa célèbre lettre ouverte pour lui demander d’agir et de sévir contre ces excès, exigeant de lui, le magistrat suprême, qu’il stoppe et mette fin aux manœuvres qui nuisent à la justice et portent gravement atteinte à l’autorité judiciaire et aux juges, en les privant des prérogatives constitutionnelles qui sont les leurs.

La longue traversée de désert de Mokhtar Yahyaoui allait commencer à partir de cet instant là. L’homme fut la cible de vindictes et d’agressions de tous genres. Aussi bien lui que sa famille et ses proches firent les frais de l’inquisition pendant de longues années. Il fut ainsi traduit devant le conseil de discipline avant d’être radié de la magistrature le 29 décembre de la même année. La suite est connue par tous : harcèlement, privations, poursuites…

Cela ne l’a pas dissuadé de participer, avec d’autres figures de l’opposition, à la grève de la faim collective fort médiatisée, en octobre 2005, pour dénoncer les atteintes aux libertés et aux droits de l’homme en Tunisie, en marge de la tenue à Tunis du second volet du Sommet mondial de la société de l’information (SMSI).

Les choses allèrent changer à partir de janvier 2011. Après la chute du régime de Ben Ali, il contribua à la fondation du Conseil national de protection de la révolution et fut nommé par la suite membre dans l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution et de la réforme politique avant d’être désigné, en 2012, à la tête de l’Instance nationale de protection des données personnelles (INPDP), à la mise en place de laquelle il a beaucoup contribué. Ce fut, malheureusement, son dernier combat.

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