La Tunisie est un pays émetteur de migration illégale et ne peut prétendre moralement à un traitement humain de ses émigrés en Europe et ailleurs que si, à son tour, elle accorde un traitement similaire aux immigrés subsahariens sur son sol.
Par Elyes Kasri *
La campagne de vérification de la régularité du séjour des ressortissants subsahariens et les sanctions tout à fait légitimes promises aux employeurs et locataires potentiels en dehors des normes et procédures officielles semblent malheureusement donner lieu à un courant d’opinion de plus en plus entaché de xénophobie et, dans certains cas qui restent fort heureusement marginaux et minoritaires, aux relents se rapprochant dangereusement du racisme.
Eviter toute pratique ambiguë
Il faut se rappeler que la Tunisie est encore un pays émetteur de migration illégale et ne peut prétendre moralement à un traitement humain de ses émigrés en Europe et ailleurs que si, à son tour, elle accorde un traitement similaire aux étrangers sur son sol.
D’autre part, avec les malentendus et divergences de vues qui s’accumulent avec certains pays européens, arabes et américains, il serait judicieux de veiller à éviter toute pratique qui risquerait d’être mal prise par nos partenaires africains.
Il me vient à l’esprit la confidence qui m’a été faite il y a quelques années par un ancien haut responsable tunisien qui s’est vu dire par un homologue africain que sa fille a voulu interrompre ses études en Tunisie pour les poursuivre en France, en raison prétendument du «racisme» en Tunisie.
Immigrés et ordre public
La défense des frontières, de l’ordre public et du marché du travail est tout à fait légitime et même un devoir national, mais il faudra en même temps penser à accorder aux immigrés subsahariens un traitement et des droits similaires à ceux que nous voudrions que les autres pays accordent à nos émigrés.
Pour de nombreux pays africains qui ont pris l’habitude de respecter la Tunisie pour avoir donné son nom à l’Afrique et avoir été un précurseur dans l’abolition de l’esclavage, le traitement que ses autorités et son peuple accorderont aux immigrés subsahariens pourrait déterminer leur vue de la Tunisie d’aujourd’hui et de son degré d’appartenance morale et culturelle à l’Afrique.
* Ancien ambassadeur.
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