Le poème du dimanche : «Oiseau d’aurore» Jean-Baptiste Tati-Loutard

Né en 1938 à Ngoyo, à Pointe-Noire, en République Populaire du Congo, J-B. Tati Loutard peut être considéré comme l’une des grandes voix de la poésie africaine.

L’œuvre de J-B. Tati Loutard, à l’écriture limpide et lyrique, est un vrai chant d’amour des êtres, des paysages et de la terre, bercée par la mer et le fleuve, ancrée dans la mémoire collective et intime. Elle porte en elle sa propre douleur, ses blessures, sans cri gratuit ni colère démesurée. Couronnée de nombreuses distinctions littéraires internationales. De la Bourgogne à Asilah, où il m’a été donné de le rencontrer, l’homme était d’une compagnie pudique et fraternelle.

J-B. Tati Loutard fut professeur de littérature comparée puis occupa différents postes ministériels. Dont celui de l’énergie. Auteur d’une œuvre riche en essais consacrés à la littérature congolaise. Il décède en 2009.

Quelques recueils : Poèmes de la mer, 1968; Les Normes du temps, 1974; Le Dialogue des plateaux, 1982; Le Serpent austral, 1992. Œuvres poétiques, 2007.

Tahar Bekri

Tu me réveillais pour un chant d’aube

D’une ligne brisée jusqu’à la chute

J’imaginais à travers les trilles

Un bec jaune jaillissant des plumules

Et le matin tu me disais pointant

Un doigt d’ornithologue «le voilà»

Je suivais l’oiseau dans son envol

Jusqu’à l’aimant dans la branche

Je me cachais sous l‘arbre élu

Pour que tombent sur moi une à une

Les notes en fruits cristallins

Désormais seul je guette

Cette musique de l’avant-jour

Qui m’étreint d’une main de sicaire

Je garde sous l’oppression des larmes

Le chétif d’être encastré dans le cœur

J’ai besoin d’endormir la femme

Que le trépas ramène à l’enfance

Je ne veux point qu’elle m’abandonne

Avec cloques et sanglots à la gorge

Jadis au plus fort de l’insomnie

Je traquais les forces qui plombaient tes yeux

Je leur promettais sévices et brusque destin

Et se produisait alors l’émerveillement

Vers moi se tournait ton visage héliaque

Et s’élevait entre nous le dialogue de la nuit

Le Palmier-lyre, Ed. Présence Africaine. 1998.

Le poème est extrait d’un recueil où le poète évoque le souvenir de son épouse disparue en 1996.

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