L’avenir de la Tunisie s’annonce prometteur, grâce à ses femmes et la bonne humeur de ses jeunes.
Par Melissa Richmond *
Un diplomate chevronné a récemment souligné que la Tunisie possède deux armes secrètes, ses femmes et sa bonne humeur. Pareille déclaration n’est sans doute pas le type d’observation auquel l’on s’attend à propos de ce pays d’Afrique du Nord qui a pu, il y a cinq années de cela, établir une démocratie. Pourtant, au terme d’un séjour d’une courte semaine en Tunisie, dans le cadre du programme Professional Fellows de la Legacy International, je peux confirmer aujourd’hui la véracité de cette observation.
Rire, bonheur et résilience
La Tunisie se situe entre l’Algérie et la Libye, pays voisin déchiré par la guerre. C’était une colonie française jusqu’en 1956 et, de ce fait, la population parle le «tounsi», un mélange d’arabe et de français. Pendant ce que l’on appelle la Révolution du jasmin de 2011, les Tunisiens se sont soulevés, après avoir vécu, depuis l’indépendance de leur pays, pendant cinq longues décennies, sous la dictature. Leurs protestations avaient mis en marche les mouvements contestataires du Printemps arabe et abouti à l’établissement de la démocratie en Tunisie.
Etant donné ce parcours, j’étais surprise de découvrir l’étendue de l’émancipation de la femme tunisienne et la constance des jeunes Tunisiens qui ne se départissent jamais de leur bonne humeur, même face aux obstacles les plus insurmontables.
Alors que j’étais en Tunisie, nombre de personnes que j’ai rencontrées m’ont parlé de ce qu’elles considèrent comme étant une tradition de l’égalité des sexes dans leur pays. Même ainsi préparée, je n’ai pas manqué d’être impressionnée par le fait que les Tunisiens sont si particulièrement sensibilisés aux questions de l’égalité femme-homme et par le degré d’autonomisation dont jouissent les Tunisiennes –toutes les classes et origines confondues, aussi bien libérales que conservatrices. (1) (…)
L’autre arme secrète de la Tunisie consiste en ce sens de l’humour, très sympathique et très typique, de la population de ce pays. En effet, il s’agit d’un humour qui allie tout à la fois rire, bonheur et résilience face aux défis. Et les exemples de cet état d’esprit sont nombreux. (2) (…)
En dépit des constants fous rires qui ont marqué mon séjour – et dont la plupart étaient le résultat de mes folles mauvaises compréhensions de l’arabe –, la réalité, insistante, était là pour nous rappeler qu’il n’y avait pas de quoi se réjouir et que la Tunisie demeure une démocratie fragile.
Le pays est gangrené par la corruption, le copinage et le népotisme. L’économie piétine. Le chômage est élevé, notamment parmi les diplômés universitaires, voire les détenteurs de doctorats. Et, par-dessus tout cela, il y a cette incessante tension religieuse qui traverse actuellement le monde arabo-musulman, la menace omniprésente du danger extrémiste et de la violence.
Bonne humeur et gentillesse constantes
Bien qu’étant très sensibilisés à toutes ces questions, les Tunisiens n’en sont pas découragés. Bien au contraire, j’ai pu, à plusieurs reprises, constater la ferme détermination qui les anime à persévérer et à progresser. A titre d’exemple, il y a eu en Tunisie, durant les cinq dernières années, une véritable explosion de nouvelles organisations de la société civile – et tous genres (…) Certaines initiatives à portée locale comprennent, par exemple, la tenue de cercles de discussions sur la lutte contre l’extrémisme qui se concentrent sur l’enseignement de l’esprit critique et la liberté de pensée. Récemment, aussi, des ingénieurs-développeurs ont créé un système de base de données en ligne qui a été mis gratuitement à la disposition des nouveaux membres du parlement, dont les moyens sont limités, de façon à ce que ces représentants du peuple puissent communiquer directement avec les électeurs de leurs circonscriptions.
J’ai été, en de nombreuses occasions, impressionnée par cette capacité qu’ont les Tunisiens à garder leur bonne humeur et leur gentillesse lorsqu’ils proposent et mettent à l’épreuve des solutions innovantes à des problèmes sérieux et décourageants.
A la fin de mon séjour, j’ai quitté la Tunisie pleine de vitalité, sereine et confiante. Il est vrai que le chemin que ce pays devra parcourir avant d’établir une démocratie stable et disposant d’une économie prospère reste long, mais les personnes que j’ai rencontrées ne pouvaient pas être plus impressionnantes. Les Tunisiens sont des gens résolument engagés à défendre l’égalité des sexes. Face aux barrières de la culture et de la religion, les jeunes Tunisiennes revendiquent et assument sans réserve le principe de la parité femme-homme. Les nouvelles générations sont motivées à garantir le succès de la plus jeune démocratie au monde et à s’engager sans compter au service de la société civile, par l’action de leurs Ong et leurs projets ingénieux –toujours avec un égal et bon état d’esprit.
Je crois sincèrement que la Tunisie, si elle continue d’utiliser ces deux armes secrètes de la femme et de sa bonne humeur, s’épanouira, qu’elle sera un véritable bastion de la démocratie et un allié fort.
Synthèse traduite de l’anglais par Marwan Chahla
*Melissa Richmond est vice-présidente de ‘Running Start’, une organisation américaine « sans but lucratif et apolitique qui a pour mission de former les jeunes femmes à se présenter aux élections.» Elle a été, pendant 10 ans, collaboratrice du gouverneur du Massachusetts Mitt Romney. Elle est diplômée des Brigham Young University, George Washington University et Women’s Campaign School de Yale.
**Le titre est de l’auteure et les intertitres sont de la rédaction.
Notes:
(1) Melissa Richmond cite certains exemples où la différence vestimentaire (hijab ou pas) des Tunisiennes avec lesquelles elle s’est entretenue, pendant son séjour, n’atténue en rien la détermination de la femme tunisienne à défendre ses droits et à changer le monde et les mentalités…
(2) L’auteure évoque notamment les nombreuses fois où ses fautes de prononciation de certains mots arabes ont suscité des crises de fou rire parmi ses hôtes tunisiens.
Source : ‘‘US News’’.
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