Youssef Chahed parviendra-t-il à un terrain d’entente avec Houcine Abassi et l’UGTT ?
La Tunisie traverse une crise économique profonde et une crise aiguë des finances publiques, sur fond de polémique sur les charges fiscales et les augmentations salariales.
Par Ezzeddine Saidane *
Le projet de loi de finances et de budget 2017 soulève beaucoup de polémique, beaucoup trop. Pour comprendre ce qui se passe, deux faits importants méritent d’être soulignés.
D’abord, ce projet n’a pas été élaboré par ce gouvernement, conduit par Youssef Chahed. Il a été élaboré au mois de juin par le gouvernement précédent, conduit par Habib Essid, qui savait pertinemment qu’il était partant. Le présent gouvernement n’avait pas le temps d’en élaborer un nouveau. Il a eu le tort, politiquement parlant, d’en modifier quelques aspects et de se l’approprier. Au lieu de cela, il aurait pu s’engager sur une loi de finances complémentaires, qui reflète ses vrais choix et sa politique, au mois de mars 2017.
Ensuite, ce gouvernement se trouve (et a accepté de se mettre) dans une impasse. Le gouvernement précédent avait pris, en même temps, deux engagements parfaitement contradictoires : s’engager vis-à-vis du FMI de ne pas augmenter les salaires de la fonction publique, et s’engager vis-à-vis de l’UGTT d’augmenter sensiblement, et de manière aberrante, les mêmes salaires de la même fonction publique. D’où l’impasse.
Mais devant une telle situation, la raison et la sagesse nous dictent de faire passer l’engagement international avant. La crédibilité de la Tunisie à l’international étant en jeu, mais aussi ses intérêts aussi bien futurs qu’immédiats. Cette même sagesse devrait nous permettre de trouver des solutions pour nos problèmes internes, sachant qu’il y a toujours un prix à payer.
Dans le domaine de l’économie et de la finance, comme dans d’autres domaines je suppose, la mauvaise gestion et les mauvais choix se payent toujours. Le blocage avec l’UGTT a soulevé et encouragé d’autres protestations. Celle des avocats par exemple. Trop de polémique, trop de temps perdu. La Tunisie traverse entre-temps une crise économique profonde et une crise aiguë des finances publiques.
Mais le budget de 2016 n’est pas bouclé encore. Si les dépenses programmées sont là, les ressources pour les couvrir ne sont pas là en totalité. Il y a 2,5 milliards de dinars environ (attention les chiffres changent souvent) qui manquent encore à ce budget.
Le choix fait par l’Etat est de recourir encore à l’endettement extérieur pour couvrir des dépenses courantes. La Tunisie a en effet décidé de lancer un emprunt obligataire sur une période de 7 à 10 ans (selon les conditions du marché) pour un montant de 1 milliard d’euros, soit environ 2,5 milliards de Dinars. Je pense qu’il s’agit là d’une sortie périlleuse sur le marché en termes de timing (fin d’année). Il n’est pas garanti que la Tunisie arrive à lever ce montant sur le marché. Et même si elle arrive à le faire, cela pourrait se faire à des conditions prohibitives, surtout en termes de taux d’intérêt. Je pense que la marge de taux d’intérêt risque d’être excessive : de l’ordre de 7% ou plus.
Il faut noter qu’avant 2011 la Tunisie empruntait, à long terme, avec une marge de taux d’intérêt autour de 0,5%, oui 0,5%. Si cet emprunt se met en place, le taux d’endettement public va connaitre un bond de 2,5 points environ pour passer de 62,5% à 65% du PIB !!!!!!
* Expert financier, directeur général de Directway Consulting.
** Le titre et les intertitres sont de la rédaction.
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