Les Tunisiens doivent se ressaisir et rejeter cette démocratie au rabais préconisée par les Américains et incarnée par l’alliance contre-nature entre Nidaa Tounes et Ennahdha.
Par Rachid Barnat
Décidément, les Américains auraient (presque) tout décidé pour la Tunisie… jusqu’aux concepts pour imposer aux Tunisiens et au monde, leur plan pour le monde dit «arabo musulman».
Après «la Révolution du jasmin», il y a eu «le Printemps arabe»; puis «le Dialogue national», «le Consensus»… et voilà leur dernière trouvaille: «la Révolution douce»!
Tout ça pour ça !
Les Américains ont décidé qu’il était temps que les Tunisiens passent à un régime démocratique, mais à une démocratie au rabais, puisque, quel que soit leur choix, même s’il s’est traduit à trois reprises par le rejet des Frères musulmans, ils ont décidé que ceux-ci restent au pouvoir et le partagent avec Nidaa Tounes, pourtant sorti victorieux des 3 scrutins!
Est-ce ainsi que ces «démocrates» conçoivent la démocratie? Ils se moquent des Tunisiens !
Mais ayant décidé de faire de la Tunisie leur laboratoire, ils expérimentent une nouvelle démocratie spéciale pour «Arabes» où l’opposition doit gouverner avec le parti élu contre la volonté des Tunisiens… chose impensable chez eux, pour ces «démocrates»!!
La lecture d’un article de Jackson Diehl publié par Kapitalis (Pour un «plan Obama» en faveur de la démocratie en Tunisie), évoquant la visite de Moshen Marzouk Aux Etats-Unis pour préparer la prochaine visite du président de la république Béji Caïd Essebsi dans ce pays, nous montre qu’un grand danger guette le pays, un danger que beaucoup avaient déjà souligné avant et après l’alliance de Nidaa Tounes avec les islamistes d’Ennahdha, mais les choses n’étaient pas dites clairement. Elles le sont maintenant au plus haut niveau de l’Etat et les Tunisiens devraient en prendre clairement conscience et décider de lutter contre cette «démocratie» au rabais que veulent imposer les Américains avec la complicité choquante de Nidaa Tounes qui s’en mordra les doigts; et peut être dans moins de temps que ses dirigeants ne l’imaginent.
La démocratie du «ni vainqueur ni vaincu»
Dans ce texte que dit M. Marzouk? Il exprime d’abord une idée générale à laquelle on pourrait adhérer : «Le défi réside dans le droit à la représentation des deux tendances principales – c’est-à-dire le courant de la modernité et de la laïcité, d’une part, et celui du conservatisme avec ses référentiels religieux, de l’autre –, dans le cadre d’un code de bonne conduite qui bannit l’usage de la violence et instaure sur des bases solides le respect des règles du jeu démocratique.» Mais il ajoute, et cela est très grave: «Une des règles du jeu de la transition démocratique devrait être la formation d’un gouvernement consensuel, où il n’y aurait ni vainqueur ni vaincu.»
«Pendant au moins une autre décennie, les formations politiques tunisiennes les plus importantes devront s’entendre à former ensemble des gouvernements, indépendamment des résultats des élections», souligne-t-il encore.
Indépendamment des résultats des élections! Tout est dit de cette démocratie bien particulière où il est clairement dit que l’on ne tiendra pas compte des résultats des élections ! On croit rêver !
Mais ce n’est pas un rêve; c’est bien ce qui s’est passé après l’élection de M. Caïd Essebsi et après les élections parlementaires. Les Tunisiens, dans leur majorité et clairement, ont voté contre Ennahdha. Ils ont clairement exprimé leur souhait de ne plus voir les islamistes au pouvoir.
Eh bien, avec la nouvelle théorie de la «démocratie expérimentale» admise par Mohsen Marzouk, ces résultats ont été passés à la trappe et Nidaa Tounes a fait un accord avec Ennahdha pour gouverner ensemble. On peut appeler cela de tous les noms mais pas de celui de démocratie car la démocratie c’est avant tout le respect de la volonté du peuple exprimée dans les urnes.
Cette théorie fumeuse est d’ailleurs l’application d’une doctrine d’un organisme de réflexionproche du pouvoir des Etats-Unis et destiné aux peuples «arabes» sous développés ! Il faut que les Tunisiens prennent conscience de la gravité de cette situation ! Elle est grave pour plusieurs raisons…
Un mépris choquant du peuple
C’est, d’abord, en réalité un coup mortel porté à la démocratie car comment voulez-vous que les peuples votent et croient au vote si on leur dit clairement que l’on en tiendra pas compte? Les Tunisiens sont-ils des imbéciles qui iraient quand même voter en sachant que cela ne servirait à rien? Voilà une belle image donnée à la jeunesse qui a déjà tendance à s’éloigner de la politique.
Ne voit-on pas que cette doctrine est basée sur un mépris choquant du peuple que l’on consulte pour «faire bien» mais dont l’opinion n’a aucune espèce de poids ni d’importance. Que les Américains méprisent les peuples arabes et les Tunisiens c’est possible mais que des dirigeants tunisiens, qui se disent patriotes, acceptent pour leur pays une «démocratie au rabais», cela est choquant !
Dans quelle démocratie y a-t-il une alliance entre les principaux adversaires? En Amérique entre les Républicains et les Conservateurs ? En France entre les Socialistes et l’UMP? Poser cette question montre l’aberration de la doctrine que l’on veut imposer à la Tunisie.
Voilà pour les critiques de forme. Mais il y a beaucoup plus grave car ce système va conduire le pays à la paralysie et surtout de toute évidence à la régression.
Pensez-vous que ce pays, qui a besoin de réformes importantes, difficiles et qui doit choisir une voie, soit celle du progrès soit celle de la régression, va pouvoir faire face à ces défis en étant tiraillé entre deux forces qui sont très exactement le contraire l’une de l’autre? On voit déjà les effets néfastes de cette situation.
Alors qu’il faut aller vers des institutions clairement démocratiques, comme par exemple vers l’indépendance des juges du siège, les deux grands partis, Nidaa et Ennahdha, vont se mettre d’accord pour ne rien faire de sérieux.
Cet accord entre deux partis principaux, en dehors de la volonté des électeurs, va conduire, en réalité, à une dictature soft. Les deux partis vont se tenir l’un l’autre et refuseront tous progrès pour l’un, toute régression pour l’autre et ce sera l’immobilisme. Bravo pour l’intérêt du pays !
Enfin, ce système profitera à Ennahdha, et c’est Nidaa Tounes qui en sera la victime. Pourquoi? Eh bien parce qu’aux prochaines élections, personne de sérieux ne croira plus aux promesses de Nidaa et que ce parti ne profitera plus du tout de l’élan qui l’a conduit au pouvoir. Par conséquent, Ennahdha remportera la mise car ses électeurs seront bien conscients que leur parti a bien joué, et que, éliminé par les urnes, il a tout de même réussi à rester au pouvoir et que, de son côté, Nidaa aura découragé plus d’un de ses électeurs.
Nidaa Tounes a trahi ses électeurs
J’ajoute ceci : à quoi bon faire des élections lorsque l’on a affirmé que la volonté exprimée par les urnes est secondaire et que l’on n’en tiendra pas compte. Je suppose que les deux grands partis s’entendront pour trafiquer le résultat des urnes et maintenir cet équilibre qui leur profite mais qui est totalement néfaste pour le pays.
Certains vont dire que cette analyse est exagérée et que, compte tenu de la situation de crise, de la menace terroriste et de l’évolution d’Ennahdha vers une plus grande modération, c’est un demi mal et que c’est pour le bien du pays.
On ne peut que s’inscrire en faux contre cette analyse. Cet accord au sommet entre deux partis diamétralement opposés sur le plan des idées ne permettra aucune réforme sérieuse et n’empêchera pas le terrorisme.
Les jihadistes violents seront au contraire de plus en plus hostiles à la position de compromis d’Ennahdha.
Il faut que la société civile se saisisse du problème et dise clairement qu’elle ne veut pas de cette démocratie au rabais et qu’elle veut un projet de progrès pour le pays, projet impossible avec Ennahdha.
Il faut que se lève de véritables démocrates et notamment parmi les jeunes qui viennent s’opposer clairement à l’hégémonie actuelle de Nidaa Tounes qui a trahi ses électeurs.
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