En matière de drogues douces, il n’y a pas d’alternative à la nécessité de dépénaliser totalement la consommation ainsi que le recommandent les experts les plus crédibles.
Par Farhat Othman*
Nous proposons ci-dessous un amendement en 14 articles au projet gouvernemental soumis au parlement réformant la loi 52.
Amendement au projet de loi sur les drogues
Article 1er
Il est inséré au projet de loi sur les drogues un préambule libellé ainsi :
Préambule (nouveau)
Attendu que les études les plus fiables, notamment au sein de l’Onu, prouvent que la nocivité du cannabis est loin d’être ce qu’on soutient à tort à propos d’une plante aux vertus thérapeutiques avérées et à l’addiction inférieure à celle constatée pour le tabagisme;
Attendu que des instances internationales crédibles et fiables suggèrent, comme meilleure parade à une addiction au cannabis, la seule de nature à le rendre nocif, la dépénalisation de la consommation;
Attendu que la morale islamique correctement interprétée insiste assez sur la liberté du croyant et la nécessité pour lui de faire acte de résistance aux tentations; celles-ci devant exister afin de permettre une telle épreuve indispensable pour prouver la foi sincère qu’exige l’islam, en toute liberté, loin de la moindre ostentation;
Aussi, le présent projet de loi de réforme de la législation nationale sur les stupéfiants pose le principe de dépénalisation de la consommation du cannabis et des drogues douces comme clef de voûte de toute action sérieuse et efficace contre le fléau de la drogue dont les ravages sont encouragés par l’interdiction qui la frappe.
L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) déclare que c’est le trafic, seul vrai crime, qui est à interdire et à réprimer le plus sévèrement.
Article 2
Le texte de 1er du projet de loi est remplacé comme suit :
Article Premier (nouveau)
La consommation des drogues douces, notamment le cannabis, est dépénalisée sur le territoire tunisien.
Tout trafic de ces drogues est par contre le plus sévèrement interdit et réprimé selon les modalités fixées par la présente loi.
Sont aussi encouragées les actions associatives et de la société civile de prévention ainsi que prévu par la présente loi.
Cette loi encourage également la coopération internationale en matière de trafic de drogues dans le cadre des accords en conventions bilatérales et multilatérales ratifiées par la République tunisienne.
Article 3
Dans l’article 2 du projet de loi, les points 13 et 14 sont annulés.
Article 4
Dans l’article 12, au premier paragraphe, est enlevée la portion suivante «et ce avant la découverte des faits qui lui sont reprochés.» Le premier paragraphe est donc ainsi libellé : «Chaque personne qui consomme des drogues peut demander à une institution sanitaire préventive ou curative, publique ou privée…» (le reste sans changement).
Article 5
Dans l’article 13, au premier paragraphe, est enlevée la portion suivante : «Le Procureur de la République ou le juge d’instruction ou le tribunal peuvent soumettre le consommateur de drogues, avec son accord, à un système de soins médicaux)». Le premier paragraphe de cet article est donc ainsi libellé: «Le consommateur de drogues peut se soumettre à un système de soins médicaux…» (le reste sans changement).
Article 6
Dans l’article 13, au second paragraphe, est enlevée la portion suivante : «En cas d’accord de la commission régionale, le Procureur de la République ou le juge d’instruction ou le tribunal ordonne, selon le cas».
Est enlevée aussi, à la fin de ce paragraphe, la portion qui suit «et transmettre un rapport dans tous les cas à l’instance judiciaire compétente à la fin d’exécution dudit système ou dans le cas du refus de l’intéressé de l’appliquer ou de son interruption».
Le second paragraphe de l’article est donc ainsi libellé: «En cas d’accord de la commission régionale, l’institution sanitaire ou le médecin responsable du traitement exécute le système de soins approuvé par la Commission.»
Article 7
Sont annulés les articles 14 – 19 – 20 – 21 – 23 – 24 – 25 – 26 – 27 – 28 – 29 – 30 – 48 – 67 – 68 – 79 – 80 – 83.
Article 8
Dans l’article 39, au second paragraphe, la portion suivante «dans les contraventions en matière de consommation de drogue» est remplacée par : «dans les crimes du trafic de drogues».
Article 9
Dans l’article 41, au second paragraphe, la portion suivante «pendant dix ans si la peine est motivée par une contravention» est remplacée par : «dans les crimes du trafic de drogues». Ce paragraphe est ainsi libellé comme suit «L’étranger condamné à l’expulsion sera interdit du territoire tunisien à vie.»
Article 10
Dans l’article 45, est enlevée la référence aux articles suivants : 27 – 28 – 29 – 30. Cet article est donc ainsi libellé: «Les dispositions de l’article 53 du Code pénal ne s’appliquent pas aux crimes prévus aux articles 31 – 32 – 33 – 34 – 35 et 59 de cette loi».
Article 11
Dans l’article 54, est enlevée la référence aux articles suivants : 28 – 29 – 30. Cet article est donc ainsi libellé : «Le ministère public peut demander au juge d’instruction ou au tribunal en charge de l’affaire le gel des avoirs du prévenu dans l’un des crimes cités aux articles 31 et 32 de cette loi. ce gel ne sera levé qu’après jugement rendu».
Article 12
Dans l’article 82, le second paragraphe est supprimé.
Article 13
L’article 84 est modifié comme suit : «La relaxe du prévenu s’applique à toutes les affaires courantes en matière de consommation de drogues ou de détention pour usage personnel en l’absence de jugement définitif.»
Article 14
Il est ajouté à la loi un article 85 ainsi libellé :
Article 85 (nouveau)
Tous les jugements rendus pour consommation ou détention de cannabis sur la base de la loi n° 92-52 du 18 mai 1992, ayant ou non acquis la force de la chose jugée, sont déclarés nuls et non avenus. L’État précédera au dédommagement de leurs victimes. Les modalités du dédommagement seront précisées par les textes d’application de la présente loi.
* Ancien diplomate, écrivain, auteur de « L’Exception Tunisie » (éd. Arabesques, Tunis 2017).
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