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Une Tunisienne au Cambodge : Plus qu’un pays, une école de vie

Les impressions d’une Tunisienne qui, au terme d’un voyage au Cambodge, a décidé de vivre dans ce pays où le pardon prend tout son sens. A méditer par les Tunisiens…

Par Molka Remadi *

Commençons par le commencement, ma décision de visiter le Cambodge était un pur hasard. J’étais au Sri Lanka en train d’admirer les paysages de l’un des plus beaux voyages en train au monde, lorsque mon voisin a initié une conversation. En parlant des voyages, il a mentionné le Cambodge comme l’une de ses destinations préférées. Le temps d’arriver à Ella, je m’étais déjà décidée. Ma prochaine destination serait le Cambodge.

Je n’avais absolument aucune idée de ce pays à part que c’était en Asie du sud-est. J’ai décidé de ne rien chercher et laisser le hasard me le faire découvrir. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait, je ne savais pas que j’allais visiter un pays qui allait transformer ma vie.

La triste histoire d’un peuple souriant

Lorsque j’ai atterri à Phnom Penh, la capitale du Cambodge, je n’étais même pas capable de prononcer correctement le nom. J’étais armée de mon courage et ma curiosité prête à découvrir ce pays qui m’a attirée aussi facilement sans même rien savoir sur lui.

Je quitte l’aéroport dans un TukTuk géant (par rapport aux TukTuk de l’Inde et Sri Lanka) et je me dirige vers l’hôtel ou j’ai réservé un lit dans un dortoir (eh oui je voyage à petit budget). Une énergie très douce m’a enveloppée, les gens étaient très calmes et souriants. J’étais rassurée.

Battambang

Aux environs de Battambang.

Honnêtement, je n’avais aucune idée sur la triste histoire de ce pays et son peuple. Je me rappelle très bien du jour où j’ai visité le musée du génocide et les killing fields à Phnom Penh.

Cette journée me marquera à jamais. J’ai appris qu’il y a 38 ans, le Cambodge a connu une guerre similaire ou même pire que celle connue au temps d’Hitler, en Europe. De 1975 à 1979, les Khmers rouges, un mouvement communiste radical, contrôla le Cambodge et y sema la violence et la pagaille. Ces barbares ont torturé, tué et affamé plus que deux millions de Cambodgiens (soit 21% de la population du pays à l’époque) en seulement quatre ans. Ils ont tué tous ceux qui pensaient ou étaient susceptibles de penser et leurs familles.

Après que la guerre des Khmers rouges soit terminée, non seulement le Cambodge a perdu des millions de ses habitants, mais aussi il n’y avait plus de professeurs, d’artistes, de philosophes, de scientifiques… car ils étaient la première cible des Khmers rouges. Ceux qui ne sont pas morts ont quitté le pays pour sauver leurs vies.

Kep

A Kep.

Bref, je vous épargne les détails des méthodes avec lesquelles les Khmers rouges ont torturé et tué ces millions d’innocents mais c’était très douloureux à apprendre.

Après m’être confrontée à la réalité de ce passé amère, j’ai pensé que ce peuple doit être moralement torturé. Que ceux qui sont restés en vie doivent porter en eux une haine et un traumatisme énormes qu’ils ont sûrement transmis aux plus jeunes générations. Je me disais que les Cambodgiens se sentent sûrement triste et coléreux.

Aucune trace de colère ou de haine

Naturellement, après avoir appris tant de choses sur leur triste passé, je suis devenue curieuse de savoir comment les Cambodgiens se portaient aujourd’hui. J’ai alors commencé à les observer. Je me suis rendu compte que rien de ce que je pensais n’était vrai. Les Cambodgiens sont toujours souriants et calmes. Ils sont serviables et extrêmement gentils (des fois trop). Ils sont polis et respectueux. Je n’ai observé aucune trace de colère ou de haine ni même de tristesse, même après avoir passé sept mois au Cambodge.

Partout où je vais, je suis chaleureusement accueillie. C’était une révélation pour moi. A ce peuple a été offert le don du pardon. Les Cambodgiens ont tout simplement pardonné à tous ceux qui leur ont fait du mal. Ils vivent sans rancune et ça fait d’eux un peuple magnifique. Le pardon est un don qui rend la vie beaucoup plus facile. Une leçon qui a transformé ma vie.

Cambodge

La beauté des paysages du Cambodge est sûrement un atout qui en fait un pays qu’on ne doit pas manquer de visiter, mais c’est surtout la beauté des cœurs des Cambodgiens qui le rend si exceptionnel.

Après avoir passé trois semaines à voyager à travers ce beau pays, j’ai remarqué que beaucoup d’expatriés y vivaient, que beaucoup d’entre eux faisaient du bénévolat, et que d’autres avaient leurs propres business. Le point commun entre tous ces expatriés est qu’ils me semblaient tous heureux. Alors, je me suis mise à chercher un boulot moi aussi. Au bout d’une semaine, ma vie s’est transformée de voyageuse à petit budget sans plan fixe à professeure d’anglais installée à Phnom Penh.

Chaque jour, je me réveille avec un sentiment de gratitude envers ce pays et son peuple. Les Cambodgiens ne cessent de m’impressionner avec leur gentillesse et leur bonne humeur quotidienne. Partout où je vais, je suis accueillie avec des visages souriants et des cœurs chaleureux.

Maintenant je suis en train d’apprendre le Khmer et ça rend la communication avec les Cambodgiens beaucoup plus agréable. Leurs réactions, lorsque j’utilise leur propre dialecte, sont hilarantes. Ils apprécient énormément l’effort fourni pour apprendre leur langue. J’aime ce pays, j’aime son peuple, j’aime mon boulot, j’aime mon appart… enfin j’aime ma vie.

Vivre au Cambodge est un pur bonheur pour moi.

* Professeure d’anglais au Cambodge.

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