‘‘The last of us’’, premier long-métrage du jeune cinéaste tunisien Alaeddine Slim est actuellement dans les salles. Le jeune cinéma tunisien n’a pas fini de nous émerveiller.
Par Fawz Ben Ali
Bien avant sa sortie nationale, ‘‘The last of us’’ a beaucoup fait parler de lui, puisqu’il avait été doublement primé à la Mostra de Venise (Prix Le Lion du Futur de la meilleure première œuvre et le Prix de la meilleure contribution technique), remarquable consécration pour le cinéma tunisien. Sélectionné aux dernières Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2016), le film a également frappé fort en décrochant le Tanit d’or de la première œuvre Tahar Chariaa et le Prix de l’UGTT pour la meilleure photographie pour Amine Messadi.
L’univers insolite et sensoriel du film a donné vie à plusieurs projets artistiques comme une exposition de dessins de l’artiste Haythem Zakaria, une exposition collective des différentes déclinaisons d’affiches par des peintres, des caricaturistes, des designers graphiques… et un ciné-concert en marge de la 4e édition des Journées musicales de Carthage (JMC), par le compositeur et sound-designer Oussema Gaïdi.
Jawhar Soudani, Alaeddine Slim et Fathi Akkari.
Une forme cinématographique aussi singulière qu’universelle
‘‘The last of us’’ est l’histoire d’un jeune subsaharien nommé «N» qui décide de traverser le Sahara pour atteindre le nord de l’Afrique et puis rejoindre clandestinement l’Europe, cette terre promise où il pourrait rallier une vie meilleure.
Il ne s’agit cependant pas d’un énième film sur l’immigration clandestine. Entrepris comme une suite de ses précédents films et comme une continuité de recherche dans ses thèmes de prédilection (la frontière, les territoires, l’errance, la solitude…), Alaeddine Slim nous propose un film d’aventure avec ses propres codes et choix artistiques et narratifs et sort des sentiers battus du cinéma tunisien et arabe pour toucher à une forme cinématographique aussi singulière qu’universelle.
«Dans les traversées maritimes illégales, il y a ceux qui périssent dans la mer, ceux qui arrivent à rejoindre la rive, et ceux qui sont portés disparus», explique le jeune cinéaste qui a choisi que son personnage «N» fasse partie de cette troisième catégorie, vouée à l’oubli.
«N» est incarné par Jawhar Soudani, un jeune artiste pluridisciplinaire plus connu sous le nom Va-Jo. Pour sa première apparition devant la caméra, il porte le film sur ses épaules et force l’admiration par sa sincérité et la justesse de son jeu. «Ce n’est pas une simple expérience professionnelle mais une expérience de vie, avec un rôle qui correspond à ma personnalité», témoigne-t-il.
Jawhar Soudani et Alaeddine Slim primés à la Mostra de Venise.
Pas l’ombre d’un dialogue
Victime d’un braquage et dépouillé de tout, «N» se retrouve livré à lui-même en Tunisie, sans boussole ni compagnon. C’est dès lors un retour aux sources qui s’annonce où il n y a de lois que celles de la nature, un retour à l’état sauvage où la nature est dure et rude.
Après cet aventureux voyage où il est déboussolé de tout repère, notre personnage se retrouve contraint à lutter dans cet environnement auquel il n’était pas préparé. Mais il faudrait peut-être parfois être perdu pour mieux se retrouver, c’est en tout cas ce que semble nous dire ce film taiseux où il n’y a pas l’ombre d’un dialogue ou d’une réplique. A l’ère de la cacophonie, Alaeddine Slim préfère se passer de la parole, car le cinéma, ce fabuleux moyen d’expression, permet de tout dire même dans ses moments les plus muets.
Au cours de cette odyssée, une rencontre s’avère intense et primordiale dans la quête du personnage, celle avec «M», cette autre image altérée de lui, magistralement joué par Fathi Akkari, un vétéran du théâtre tunisien, qui n’a pas caché son enthousiasme de faire partie de cette jeune équipe. «C’est une exceptionnelle rencontre citoyenne avec ces jeunes cinéastes créateurs d’avenir, dotés d’une rigueur professionnelle exemplaire et d’une qualité d’écoute réelle, profonde et raffinée», atteste-t-il.
‘‘The last of us’’, un thriller expérimental sans dialogues mais ô combien éloquent par la réflexion et l’émotion qu’il dégage, confirme que les jeunes cinéastes tunisiens n’ont pas fini de nous émerveiller.
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