Le maître mot du moment est le changement. Assisterons-nous au 1er tour de la présidentielle française à une ou plusieurs surprises, un choc même, comme prédisent quelques augures?
Par Farhat Othman *
En ce jour de premier tour de la présidentielle en France, la volonté de changement enregistrée auprès des masses est susceptible de muer en une envie de destruction de ce qui existe pour une remise en cause des valeurs du pays. Ce qui menacerait la Ve République déjà en crise, manifestant l’essoufflement du modèle démocratique français.
Ciel uranien
Pour certains analystes, ce premier tour est le signe d’un nouveau cycle majeur, déjà commencé outre-Atlantique avec l’entrée de Trump à la Maison-Blanche. Se basant sur des données astronomiques, ils parlent d’un ciel uranien référant à la symbolique, chez les anciens, de la planète Uranus synonyme d’innovation, de créativité et de changement, éventuellement destructeur pour une nouvelle renaissance.
Or, astronomiquement, cette planète est très active en ce moment, ce qui pourrait donc être positif ou négatif selon son positionnement par rapport aux autres planètes et les énergies dégagées auxquelles n’échappent pas la terre et les humains ainsi que le montre le phénomène des marées.
Le maître mot du moment est donc le changement.
En ce premier tour, on s’attend à une ou plusieurs surprises, un choc même, prédisent quelques augures. Serait-ce l’arrivée de la candidate de la droite radicale en tête de ce premier tour, et pourquoi pas du second, le 7 mai, avec un effondrement guère surprenant de son principal adversaire, les candidats dits modérés : Fillon, pour la droite classique, et Macron pour le néolibéralisme?
On aurait alors une configuration rappelant un peu celle de la Tunisie au lendemain de sa révolution avec, à la tête de l’État, un pouvoir dogmatique extrémiste : Le Pen, dans le sens de la droite et dans celui de la gauche, ce qui serait encore plus surprenant, Mélenchon.
Transformation sage ou sauvage
Ce qu’indique l’esprit du temps pour ce premier tour de l’élection française, c’est qu’il y a nécessité d’un changement fatal que marqueront les résultats de ce dimanche électoral. La question est d’en décrypter la nature : une transformation sage ou sauvage? Pour ce faire, on pourrait recourir utilement à une image qu’on pourrait qualifier de parabole du balancier : une poussée dans un sens amène forcément la poussée dans l’autre sens.
Ainsi, si l’on estime l’arrivée à la Maison-Blanche de Trump comme ayant été une poussée dans le sens du chaos, la logique voudrait qu’on aille dans le sens inverse avec la victoire d’un anti-Trump en France. La question reste de savoir qui incarnerait cette figure.
Il est vrai, l’envie pour contrarier cela doit être assurément grande dans les milieux financiers en vue de renforcer la tendance néolibérale avec un Trump français plutôt qu’un anti-Trump.
Le choix opposé devrait toutefois finir par l’emporter, même sur le fil, car les gourous de la finance mondiale optent généralement pour la politique du pire en ultime effort de nouveauté en vue de toujours faire davantage de plus-value. Cela relève de ce qu’on qualifie de logique contradicorielle où les contraires qui ne s’opposent plus, mais se complètent. Ce qui impose cette théorie du chaos créateur très prisée des néoconservateurs américains, et qui l’appliquent au monde.
Chaos créateur
Serait-ce une France ingouvernable qui se profilerait à l’horizon, une garantie de plus grande maîtrise de la destinée de l’Europe par le seigneur du monde, son actuel saigneur, les États-Unis du va-t-en-guerre Trump?
On l’aura compris, diviser, c’est toujours le meilleur moyen de régner quand on ne pratique pas ce qui est devenu incontournable, marquant le changement fatal qui s’impose au monde vieilli du XXe siècle, une politique qui soit éthique, la poléthique de demain.
D’où l’importance de la question ci-dessus évoquée pour tout électeur français, notamment issu des pays du Sud : quel changement vouloir pour la France et donc pour la Méditerranée et le monde : sage ou sauvage ?
On devrait alors avoir une ou plusieurs surprises en ce premier tour de l’élection, ce soir; serait-ce ce qui est attendu par les sondages? Le sûr est que cela en cacherait une autre qu’emporteraient les élections législatives qui suivront la présidentielle. Car élire un président sans majorité parlementaire, c’est ruiner son autorité.
Or, on se demande quelle majorité sortirait des urnes en juin pour gouverner la France au cas où se confirmerait ce soir l’absence tant redoutée des candidats supposés avoir un matelas de voix suffisant pour gouverner sans trop de heurts, ceux des deux plus grands partis : Fillon et Hamon et/ou Macron, le choix du président Hollande?
Vote protestataire tous azimuts
Si la parabole du balancier fonctionne, cela voudrait dire que Fillon ne passerait pas le premier tour au profit de Le Pen ou le passerait de très peu, sans avoir assez de voix pour réussir à gagner l’élection. Ce qui supposerait que Le Pen aura grignoté sur l’électorat traditionnel de la droite pour faire chuter son représentant ne résistera pas à la soif d’éthique, de plus en plus évidente en politique.
Or, comme la principale candidate féminine aura assurément grignoté également sur l’électorat populaire de gauche, sa montée signerait, du même coup, le probable déclin du parti socialiste déjà écartelé entre Hamon, aux chances minimes pour le second tour, et Macron, ce lapin sorti du chapeau de l’Élysée au risque de tout perdre à vouloir trop gagner.
En effet, Macron réussira-t-il à canaliser le vote protestataire des siens, et surtout de la gauche radicale incarnée par Mélenchon? On sait que le vote protestataire de gauche ne s’embarrasserait pas d’aller, outre Mélenchon, vers l’extrême droite; ce qui ruinerait non seulement les chances de Macron, mais aussi de Mélenchon lui-même, freinant sa montée vers le pouvoir.
Alors, dans quel ordre aura-t-on le quatuor semblant avoir le plus de chances de briguer le droit d’entrée à l’Élysée : Le Pen, Macron, Fillon, Mélenchon ? Serait-ce un vote classique ou augure-t-il d’une politique commençant sauvage pour hâter sa nécessaire transfiguration ?
Questions clefs
Parmi les questions clefs à se poser d’ores et déjà, il y a surtout celles de savoir :
— si Fillon avait été jugé plutôt un peu trop mou ou trop compromis éthiquement par le capitalisme sauvage à la recherche, pour la sauvegarde de ses intérêts, d’un dur à cuire ou d’une figure vierge politiquement. Quitte à la chercher dans le camp opposé, l’adversité aiguisant les appétits et les divisions étant la meilleure arme pour régner;
— si Le Pen réussissait à avoir les ressources suffisantes pour contrer le machisme évident des milieux politico-financiers. Ne serait-elle pas jugée par trop Gauloise en un monde globalisé, incapable de se plier aux motivations supranationales du grand capital triomphant ? C’est ce qui expliquerait ses dernières mises en évidence d’ascendances extra-hexagonales, sollicitant ainsi un vote arabe en sa faveur;
— si Hamon serait le candidat du socialisme «has been», prolongeant l’œuvre du président Hollande qui aurait précipité de déclin d’un certain socialisme à la française;
— si l’heure de Macron, supposé être une valeur prometteuse du capital sûr de lui au point d’être arrogant, était différée? Réussirait-il à triompher du handicap majeur en politique, qui l’empêchera de réussir aujourd’hui à être le héraut du néolibéralisme de demain : sa jeunesse?;
— serait-ce alors l’heure de la maturité des vieux routiers de la politique, dont cet anticapitaliste pour lequel le Front Populaire en Tunisie a appelé nos concitoyens binationaux à voter : Mélenchon? Ce ne serait nullement surprenant, puisque cela aussi relèverait de la logique du chaos, prisée par le néoconservatisme dominant aujourd’hui le monde.
* Ancien diplomate.
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