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Tunisie: Une politique de sécurité publique défaillante (3/4)

police

Troisième volet d’une série de 4 articles au titre générique ‘‘L’Etat minimum et la 3e génération du jihad’’, sur la lutte antiterroriste en Tunisie.

Par Malik Ayari*

Sauf coup de théâtre, union sacrée, ou pression internationale irrésistible, la configuration actuelle de l’assemblée et l’alliance contre-nature entre Nidaa Tounes et Ennahdha, offre peu de probabilités de voir nommé un ministre de l’Intérieur ayant une stature de «superflic», pour des raisons d’agenda politique divergent.

Le choix se portera, si choix il y a, sur le plus petit dénominateur commun, ce qui ne peut mener à aucune stratégie volontariste faute d’être fortement incarnée. Cette inertie est intenable en pareille période.

Des pouvoirs d’exception

«En cas de péril imminent menaçant les institutions de la nation et la sécurité et l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le président de la république peut prendre les mesures nécessitées par cette situation exceptionnelle, après consultation du chef du gouvernement et du président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et après en avoir informé le président de la Cour constitutionnelle. Il annonce les mesures dans un communiqué au peuple.»

Cet article est l’équivalent de l’article 16 de la Constitution Française de la Ve République qui confère au président de la république de larges pouvoirs en cas de péril imminent ou d’entrave au fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

La situation actuelle semble entrer largement dans ce cadre : assassinats désormais réguliers de militaires, risques réels d’asphyxie économique, massacre d’étrangers sur le territoire et menaces jihadistes récurrentes provenant à la fois du territoire national et de Libye.

Autant d’éléments constitutifs d’un péril imminent, le nier serait de l’autisme politique.

En cas de blocage persistant, cette solution extrême, dont le coût politique peut s’avérer élevé, constitue une option qu’offre la Constitution. Elle requiert cependant courage politique et responsabilité.

La nécessaire réforme de la police

Si la Tunisie peut s’enorgueillir d’avoir des forces spéciales de niveau international (BAT2/BNIR3 et USGN4/UGN5), il n’en demeure pas moins que celles-ci subissent actuellement une tension continue, affaiblissant leur capacité de réponse, qui doit demeurer ponctuelle, ciblée et forte.

Ces unités ont trop servi de variable d’ajustement, palliant à la carence générale constatée au sein de l’institution sécuritaire qui accumule les défaillances, du fait d’une chaine de commandement maintenue en dépit du bon sens (suppression du poste de directeur de la sûreté nationale en mars 2015).

En témoignent les dysfonctionnements constatés lors de l’intervention des forces de l’ordre à Sousse (intervention tardive de la BNIR, chaine de commandement défaillante, dispositifs de sécurité insuffisants autour de beaucoup d’infrastructures stratégiques).

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L’attentat de Sousse le 26 juin 2015 a révélé les dysfonctionnements criards du système sécuritaire tunisien.

L’histoire est un éternel recommencement, dit-on : 28 ans après les attentats de Sousse et Monastir, commis par le Mouvement de tendance islamique (MTI)6, et qui a fait 13 victimes en 1987, fin 2013, toujours à Sousse, un jeune homme fait exploser sa ceinture sur la plage d’un hôtel. La charge, de faible puissance, n’a même pas fait vaciller les solides parasols dressés.

Le 26 juin 2015, 38 touristes trouvent la mort, lâchement assassinés sur la même plage de Sousse. Comment expliquer, dans un pays dont le secteur touristique représente 7% du PIB, que les cadres du ministère de l’Intérieur, comptant parmi eux des cadres de très haut niveau, n’aient pas pu ni anticiper, ni identifier cette menace pourtant historiquement documentée et appartenant au passé récent.

D’aucuns parleraient d’inertie, voire de négligence caractérisée.

Le mal qui semble ronger l’institution sécuritaire est sans doute cette incapacité chronique à tirer les enseignements des alertes et des drames passés (attaque de l’ambassade des Etats unis, en septembre 2012, et attentat du Bardo, le 18 mars 2015).

Un terroriste privilégiera toujours le meilleurs ratio coût-efficacité : il est plus intéressant de frapper un hôtel où résident des étrangers, un restaurant touristique ou une école étrangère plutôt que de s’attaquer à des ambassades qui sont nombreuses aujourd’hui à avoir anticipé la menace par l’adoption de mesures de sécurité draconiennes : barricades, zones de dégagement, caméras, road blocks et barrières anti-béliers, constituant autant de cibles moins «rentables» en terme d’impact.

Les forces spéciales ne peuvent prendre en charge la sécurité publique, c’est à une police, formée, équipée, renseignée et surtout correctement déployée, qu’incomberait cette tâche qui s’inscrit dans le temps long.

Il va sans dire que cette réforme de la police (et du secteur de la sécurité dans son ensemble), que tous les partenaires de la Tunisie appellent de leurs vœux, inclue aussi le caractère républicain et démocratique de la sécurité et du maintien de l’ordre: les arrestations arbitraires et les dépassements de certaines polices municipales corrompues sont autant de fertilisants du terreau de la radicalisation, par la frustration qu’ils engendrent.

«Aide-toi et le ciel t’aidera»

Les partenaires étrangers ont offert leur assistance à la Tunisie: promesses plus ou moins tenues de livraison d’équipements, quelquefois sous forme de dons, souvent contre espèces sonnantes et trébuchantes (hélicoptères français Caracal) ou à prix plus ou moins préférentiels (Black Hawks américains).

Equipements tactiques, gilets pare-balles, systèmes de vision nocturne, uniformes et autres véhicules d’intervention ne sont d’aucune utilité sans une organisation robuste, une chaine de commandement restaurée et des ressources humaines à niveau.

Comme le dit l’adage «Aide-toi et le ciel t’aidera», une police entamant un réel processus de réforme captera plus et mieux l’expertise des partenaires internationaux.

La chasse archaïque et anti-liberté menée par des policiers zélotes pendant le ramadan, ne vont pas dans ce sens et donnent l’image absurde d’une police occupée à harceler les non jeûneurs au lieu de parer à la menace terroriste: un désastre en terme d’image et un aveu criant d’incapacité à prioriser.

(A suivre)

Demain : La réforme du champ religieux (4-4)

Précédents articles:

La Tunisie dans le viseur de Daêch (1/4)

La Tunisie face au brasier libyen (2/4)

* Expert en prévention des conflits au Sahel, diplômé de l’Université de Paris I en Droit International et sur le Monde Arabe, de l’Institut Bioforce en gestion de projet humanitaire international.

Notes :
2 – Brigade Anti- Terroriste (Police).
3 – Brigade Nationale d’Intervention Rapide (Police).
4 – Unité Spéciale de la Garde Nationale (Garde Nationale).
5 – Unité Commandos de la Garde Nationale (Garde Nationale).
6 – Le MTI est un mouvement islamiste clandestin actif dans les années 80, dont les membres fondateurs sont à l’origine de la création du parti islamiste actuel Ennahdha.

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