Dar Dhiafa à Carthage.
Quand un journaliste accorde un satisfecit à un chef du gouvernement désigné dont l’unique prestation jusqu’à présent a été d’afficher des airs de jeune cadre dynamique.
Par Assâad Jomâa *
Au début fut une «révolution» entachée de suspicion d’orchestration, sinon en totalité, du moins en partie. Certains médias participèrent activement à la mise en boîte de cette énorme supercherie. La flamme «postrévolutionnaire» fut entretenue par quelques «faiseurs d’opinions», ou supposés tels.
A chaque fois que les metteurs en scène, disposant de piètres scénarios (mélangés à la mièvrerie hollywoodienne) au demeurant, entendaient parachuter une incongrue «master scene», ils montèrent au créneau pour accréditer des inepties qui troubleraient la conscience d’un enfant. Telle cette ridiculissime, et non moins monocorde, mise en image des ballets de l’Avenue Bourguiba (Tunis) –Place de La libération (Le Caire) – Place Verte (Tripoli)… sous des relents de ‘‘Singin’ in the Rain’’. Ou encore cette indolente, et onéreuse (au fait qui a casqué la douloureuse?) kermesse du Bardo aux sismiques conséquences politiques pour notre pauvre Tunisie.
Mélange des torchons et des serviettes
Bref, tout ceci pour vous dire que nous sommes quelques Tunisiens à vouloir clamer haut et fort que nous en avons marre d’être pris pour ce que nous ne sommes pas.
Sur ces entrefaites, voici qu’un chroniqueur ayant pignon sur rue, grâce à ces sempiternelles harangues matinales, bonimenteur de son état, vienne, aujourd’hui, nous vendre des salades, avariées qui de plus est, selon lesquelles il aurait été, à titre personnel (excusez l’énormité de la couleuvre) «invité» à Dar Dhiafa, à Carthage, un certain jour du mois d’août 2016, par un chef du gouvernement désigné, Youssef Chahed en l’occurrence, en pleines concertations, non abouties jusqu’à présent, avec les partis politiques en vue de la constitution de son gouvernement, lequel gouvernement aura à prendre certaines mesures politiques «douloureuses» (entendez: assassines) à l’encontre du peuple, ce serait vraiment nous prendre pour des tarés.
Que ce quidam soit introduit sous bonne escorte sur les lieux, j’allais dire du crime (contre la Tunisie bien entendu), en catimini, tel un malfrat, par une porte dérobée à la barbe de ses collègues, ne les outrageons pas en les désignant de confrères, sans que nous n’y voyions des relents conspirateurs, ce serait nous frapper de cécité.
Que cet entremetteur de bas étage pousse l’outrecuidance jusqu’à proposer «intuitu personae» au chef du gouvernement certains noms – dignes de confiance – ministrables, et en exclure, de ses propres aveux, d’autres, sans que nous ne criions au mélange des genres, et à celui des torchons d’avec les serviettes, ce serait, pour nous, faire preuve d’une absence totale de discernement.
Que le même triste sire s’arroge le droit, ès qualité, d’accorder une note «satisfaisante» à un chef du gouvernement dont l’unique prestation jusqu’à présent a été de poser, sous des airs de «jeune cadre dynamique» boursicoteur de Wall Street, face à la caméra, ce serait assimiler son auditoire à des moutons de Panurge.
Alors, messieurs du show hollywoodien, quitte à endurer votre absence totale de créativité «artistique», à choisir les comparses de vos navets, autant qu’ils soient des seconds couteaux qui sachent tenir une lame, ne serait-ce qu’en apparence, tout englués dans le monde du simulacre que nous sommes.
Le prestige de l’Etat d’apparat
Quant à vous, M. Chahed, annoncer à corps et à cris que votre priorité numéro 1 (je subodore que pareille litote ne ferait pas cramoisir votre joli minois de premier de la classe) est la guerre contre la corruption, et verser de la sorte dans le conflit d’intérêts, atteste bien que du haut de vos quarante printemps vous n’entendez la corruption qu’au sens de «graissage de pattes», à la manière des flics.
Monsieur le chef du gouvernement en souffrance, pour «jeune» que l’on ait pu vous présenter, votre acception de l’exercice politique semble jusqu’à présent bien éculée (langue de bois surannée, atermoiements hors de propos et d’époque, posture et gestuelle guindées, un air emprunté d’aristocrate beylical oscillant entre l’inexpressif et l’hautain…). Il est vrai, à votre décharge, que vous avez été formé à bonne école, celle du prestige de l’Etat d’apparat, ou du simulacre, pour reprendre une notion chère à Platon.
* Universitaire.
Donnez votre avis