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Il y a 200 ans naissait Bahá’u’lláh

Bahá’u’lláh et la version anglaise du magazine des Bahá’ís.

Cette année, principalement au mois d’octobre, les Bahá’ís du monde entier, tout comme ceux de Tunisie, fêtent le 200e anniversaire de la naissance de Bahá’u’lláh.

Par Nicole Rossignol Ben Hamed *

Bahá’u’lláh, considéré par ses adeptes comme le dernier des messagers qui au cours de l’histoire ont révélé Dieu à l’humanité, est le fondateur de la Foi bahá’íe.

Bahá’u’lláh s’inscrit dans la succession des messagers divins, Abraham, Krishna, Zoroastre, Moïse, Bouddha, Jésus, et Muḥammad, dont chacun a fondé une religion. Il renouvelle les grands enseignements spirituels des religions antérieures et apporte de nouveaux enseignements pour notre époque, dont le plus important est de reconnaître le messager de Dieu pour notre époque et de suivre ses enseignements.

Sa vie et les événements associés à la naissance de cette nouvelle révélation de Dieu, se passent au 19e siècle, dans le contexte du monde islamique de l’Iran et de l’Empire ottoman.

Le fils de ministre appelé «Père des pauvres»

Bahá’u’lláh est né à Téhéran en Iran, le 12 novembre 1817. Il est le fils de Mirza Buzurg-i-Nuri, riche ministre à la cour royale, dont les origines familiales remontent aux grandes dynasties impériales du passé.

Selon les usages de cette époque, en tant que fils d’un personnage officiel influent, Bahá’u’lláh ne reçoit pas un enseignement formel. Cependant, dès l’âge de quatorze ans, il est connu pour son savoir. Il peut converser sur n’importe quel sujet et résoudre tout problème qui lui est présenté. Il parle de questions religieuses compliquées à des ulémas rassemblés, qui l’écoutent avec beaucoup d’intérêt.

À la mort de son père, il décline le poste ministériel qui lui est proposé, préférant consacrer son énergie à diverses œuvres philanthropiques, ce qui dès les années 1840, lui vaut le surnom de Père des pauvres. Bahá’u’lláh aime également beaucoup la nature et y passe autant de temps qu’il lui est possible, disant : «La campagne est le monde de l’âme, la ville est le monde des corps».

En 1844, un jeune Persan de Shiraz, du nom de Siyyid ‘Alí-Muḥammad, se lève pour proclamer que le Jour de Dieu attendu par toutes les religions, est proche, que l’humanité est à l’aube d’une ère qui verra tous les aspects de la vie et de la connaissance se restructurer, et que sa mission à lui, le Báb, consiste à préparer l’humanité à l’avènement d’un messager universel de Dieu. Ses enseignements se diffusent rapidement.

À peine Bahá’u’lláh prend-t-il connaissance des écrits du Báb qu’il proclame : «[…] celui qui croit au Qur’án, reconnaît son caractère divin, et malgré cela hésite, ne fût-ce qu’un instant, à admettre que ces paroles émouvantes sont dotées du même pouvoir régénérateur, s’est assurément trompé dans son jugement et a dévié loin du sentier de la justice».

Alors âgé de 27 ans, il devient vite l’un des disciples les plus écoutés et les plus influents du Báb.
En 1848, Bahá’u’lláh accueille dans le village de Badasht, un rassemblement des plus éminents disciples du Báb, connus sous le nom de bábís. La réunion établit, pour le nombre croissant des croyants, le caractère indépendant de la religion bábíe.

En 1850, le Báb est exécuté et presque tous ses principaux adeptes sont tués par la vindicte populaire attisée par le clergé, ou par les troupes gouvernementales. Bahá’u’lláh est épargné mais en 1852, il est faussement accusé de complicité dans un attentat contre la vie du Shah.

Des personnes influentes lui offrent de le protéger de la colère des ministres du shah, mais il refuse de se cacher et se présente spontanément devant ses accusateurs. Il est alors arrêté et obligé de marcher devant les cavaliers royaux et à leur cadence, sur une distance approximative de 24 kilomètres «‘à pied, enchaîné, tête nue et pieds nus’, sous les rayons implacables du soleil de plein été, jusqu’au Síyáh-Chál de Téhéran. En route, il [est] dépouillé à plusieurs reprises de ses vêtements de dessus, couvert de ridicule et criblé de pierres.»

C’est dans le Síyáh-Chál, c’est à dire le «Trou noir», cachot souterrain utilisant l’ancien réservoir de l’un des bains publics de la capitale, bien connu pour son air pestilentiel, sa saleté et l’épaisseur de ses ténèbres, que Bahá’u’lláh reçoit les premières lueurs de la révélation divine. Il écrit plus tard : «Je n’étais qu’un homme comme les autres, endormi sur ma couche, lorsque les brises du Très-Glorieux soufflèrent sur moi et me donnèrent la connaissance de tout ce qui fut. Ceci n’est pas de moi mais de Celui qui est tout-puissant et omniscient. Il m’ordonna d’élever la voix entre ciel et terre […]».

Après quatre mois dans le Síyáh-Chál, Bahá’u’lláh est banni de sa terre natale : c’est le début de quarante années d’exil, d’emprisonnement et de persécution. Il est obligé de partir avant même de se remettre de son mauvais état de santé causé par les conditions de vie dans le cachot et les blessures faites par les lourdes chaînes qu’il portait autour du cou. Il va d’abord à Baghdad, alors partie de l’Empire ottoman. Les exils qui suivront, pendant ces 40 années, seront régis par une complicité entre dirigeants persans et ottomans.

Bahá’u’lláh et sa famille partent le 12 janvier 1853, pour un voyage de trois mois et de 880 kilomètres à travers les montagnes enneigées de l’ouest de l’Iran. Ils quittent la Perse comme Bahá’u’lláh le dit lui-même «[…] à l’époque où le froid est si intense qu’on ne peut même pas parler, et que neige et glace sont en telle abondance qu’il est impossible d’avancer »

Ils arrivent à Bagdad le 8 avril 1853. Progressivement, les disciples du Báb se tournent vers lui et trouvent dans ses paroles le même esprit qu’ils trouvaient dans les enseignements du Báb. La noblesse de son caractère, la sagesse de ses conseils, et la bonté affectueuse qu’il prodigue à tous font revivre la communauté bábíe.

Abdul-Baha avec les Bahá’ís,  à Paris (France) en 1912.

La retraite spirituelle du futur messager

Cependant, un an après son arrivée à Bagdad, Bahá’u’lláh se retire dans la région sauvage et montagneuse du Kurdistan, où il vit seul pendant deux ans. Il passe son temps en méditation sur les implications de la mission divine à laquelle il est appelé. Ce qui rappelle la retraite de Moïse sur le Mont Sinaï, les quarante jours et nuits de Jésus dans le désert et la retraite de Muḥammad dans la grotte de Hirâ.

En 1856, Bahá’u’lláh rentre à Bagdad. Sous sa direction, la communauté bábíe recommence à se développer et sa réputation de dirigeant spirituel se répand à travers la région. Pendant cette période Bahá’u’lláh écrit quelques-uns de ses ouvrages les plus réputés, dont ‘‘Les paroles cachées’’, ‘‘Les sept vallées’’, et ‘‘Le livre de la certitude’’.

À Bagdad, les cafés fournissent des lieux propices au débat théologique et philosophique ainsi qu’à la circulation de l’information. Bahá’u’lláh les fréquente, et la subtilité de ses propos ainsi que la beauté de son langage attirent les gens.

Il séjournera dix ans à Bagdad. Craignant que sa renommée croissante allume en Iran une nouvelle flambée d’enthousiasme populaire envers la religion bábíe, le régime du shah insiste auprès des autorités ottomanes pour qu’il soit envoyé dans des contrées plus lointaines.

Fin mars 1863, Bahá’u’lláh est courtoisement mais fermement invité à quitter Bagdad pour Constantinople (Istanbul). Avec sa famille et ses compagnons il fait halte pendant douze jours dans un jardin sur les berges du Tigre, où il révèle aux quelques amis qui l’entourent qu’il est le Promis annoncé par le Báb – annoncé en fait, dans toutes les Écritures du monde. Aujourd’hui, la plus joyeuse des fêtes bahá’íes est la fête de Riḍván qui célèbre l’anniversaire de ces douze jours.

Le 3 mai 1863, Bahá’u’lláh quitte Bagdad en direction de Constantinople, capitale de l’Empire ottoman. Le voyage, 1 500 kilomètres, est encore plus long que lors de l’exil précédent, mais les conditions et les régions traversées sont très différentes. Le groupe d’exilés composé des membres de la famille de Bahá’u’lláh et d’une trentaine de disciples, est accompagné de dix soldats à cheval et d’un officier. Cinquante mules, sept paires de litières surmontées chacune de quatre parasols complètent la caravane qui s’achemine, «par petites étapes, et pendant au moins cent-dix jours, à travers les régions montagneuses, les défilés, les bois, les vallées et les pâturages qui constituent les paysages pittoresques de l’Anatolie orientale, jusqu’au port de Samsun, sur la mer Noire».

Les habitants de Bagdad et du Kurdistan connaissaient et aimaient Bahá’u’lláh et des témoins oculaires déclarent que des foules se rassemblaient le long de sa route, et nombreux étaient ceux, y compris intellectuels et fonctionnaires du gouvernement, qui étaient bouleversés d’émotion en lui présentant leurs hommages.

À Samsun, ils embarquent à bord d’un bateau à vapeur turc, et trois jours plus tard, le dimanche 16 août 1863, ils débarquent à Constantinople où ils ne demeureront que quatre mois.

Au cœur de l’hiver, le sultan ‘Abdu’l-Azíz, souverain de l’Empire ottoman, ordonne que Bahá’u’lláh soit expulsé de Constantinople. Le voyage jusqu’à Andrinople ne dure que douze jours, mais il est entrepris pendant un hiver très rigoureux. ‘Abdu’l-Bahá, le fils de Bahá’u’lláh, alors âgé de 19 ans, souffrira des pieds pendant le reste de sa vie à cause de gelures endurées au cours de ce voyage. Et à leur arrivée, le 12 décembre 1863, ils découvrent que l’hébergement prévu pour eux ne les protège pas du froid intense.

Bahá’u’lláh appelait cette ville la «prison éloignée» car c’est le lieu où il a séjourné, le plus éloigné de son lieu de naissance, plus de 2 800 kilomètres.

Malgré des conditions de vie difficiles, un flux d’écrits plus grand que jamais coule de sa plume. Ils sont distribués par ses disciples aussi loin qu’en Égypte et en Inde. Un témoin oculaire écrit : «Jour et nuit, les versets divins pleuvaient en quantité telle qu’il était impossible de les consigner tous. De nombreux secrétaires travaillaient jour et nuit, et cependant, n’arrivaient pas au bout de cette tâche.»

Très rapidement après leur arrivée, de nombreux habitants de la ville, gouverneur, hauts fonctionnaires et intellectuels compris, recherchent la compagnie de Bahá’u’lláh et lui montrent un grand respect, s’arrêtant spontanément et s’inclinant devant lui lorsqu’il marche dans la rue.

Mírzá Yahyá, son demi-frère, est tellement jaloux de cette situation qu’il charge quelqu’un de l’empoisonner. Il faudra des mois à Bahá’u’lláh pour se rétablir et il gardera de cet épisode, un tremblement dans l’écriture jusqu’à la fin de sa vie.

C’est à Andrinople que Bahá’u’lláh écrit la très connue ‘‘Tablette à Aḥmad’’, adressée à l’un de ses plus ardents disciples qui avait souffert de nombreuses persécutions pour avoir accepté ses enseignements après ceux du Báb.

Lettres aux rois et dirigeants du monde

C’est aussi à Andrinople, en 1867, qu’il commence à écrire aux rois et dirigeants du monde, dont l’empereur Napoléon III, la reine Victoria, le kaiser Guillaume 1er, le tsar Alexandre II, l’empereur François-Joseph, le pape Pie IX, le sultan ‘Abdu’l-Azíz, et le shah d’Iran Nasiri’d-Din.

Dans ces lettres, Bahá’u’lláh proclame ouvertement sa station de Messager de Dieu. Il presse les dirigeants d’œuvrer en faveur de la justice et du désarmement et les exhorte à se regrouper dans une communauté de nations, les avertissant de conséquences désastreuses s’ils ne parviennent pas à établir la paix.

En 1868, le sultan ordonne de nouveau le bannissement de Bahá’u’lláh, dans la ville-prison d’Acre, destination si éloignée que, pense-t-on, sa religion y mourra sûrement.

Au milieu des années 1800, Acre était la destination finale pour les meurtriers les plus notoires, les voleurs de grand chemin et les ennemis politiques du régime ottoman. Ville fortifiée aux rues sales et aux maisons humides et désolées, elle n’avait pas de source d’eau douce, et son air était réputé pour être particulièrement malsain. Les autorités s’attendaient à ce que, dans ces conditions, Bahá’u’lláh et ses compagnons périssent rapidement.

Le 31 août 1868, les exilés mettent pied à terre près de la porte de la mer à Acre, une des deux seules entrées de la ville forteresse. Bahá’u’lláh allait passer le reste de sa vie, 24 ans, à Acre et dans ses environs. C’est là qu’il révèle le plein éclat de sa splendeur.

Dans la chaleur intense de l’été, Bahá’u’lláh, sa famille et les quelque 70 personnes qui l’accompagnent, sont conduits à la prison. Sur le chemin, ils sont arrêtés devant la mosquée Al-Jazzar, où le décret du sultan ‘Abdu’l-Azíz qui «non seulement les condamnait à un bannissement définitif, mais encore stipulait une incarcération rigoureuse, et leur interdisait toute association entre eux ou avec les habitants de la localité» est publiquement lu.

Les conditions de détention des premiers mois de prison sont très dures, et la malaria et la dysenterie s’y ajoutent. Les gardiens de prison interprètent rigoureusement le décret du sultan et Bahá’u’lláh est surveillé et maintenu en isolement. Mais peu à peu, bien que pas un seul mot du décret n’ait été changé, les fonctionnaires commencent à traiter leurs prisonniers bahá’ís de manière différente. L’attention de ‘Abdu’l-Bahá envers les malades et son souci pour le bien-être des prisonniers, joints au comportement et à la noblesse de Bahá’u’lláh, impressionnent tellement les autorités qu’ils assouplissent certaines restrictions.

Alors que la nouvelle de son arrivée à Acre se répand, beaucoup de disciples de Bahá’u’lláh viennent de loin, souvent à pied sur des centaines de kilomètres, pour lui rendre visite. On leur refuse habituellement l’accès à la forteresse et ils doivent se contenter de l’apercevoir de loin derrière une fenêtre.

L’emprisonnement à l’intérieur de la citadelle, sous bonne garde, durera pendant plus de deux années. Puis, les autorités autorisent Bahá’u’lláh et sa famille à vivre dans la ville fortifiée d’Acre.

Bien que les lieux d’habitation aient un peu changé, les exilés sont toujours des prisonniers. Mais les visites à Bahá’u’lláh sont un peu plus facile pour tous ceux qui veulent le rencontrer.

C’est à cette période qu’il écrit, en 1873, son ouvrage le plus important, le ‘‘Très-Saint-Livre’’ (‘‘Kitáb-i-Aqdas’’), qui expose les lois et principes essentiels à observer par ses disciples, jette les bases des institutions bahá’íes et formule sa vision du développement de la civilisation humaine : «Le premier devoir que Dieu prescrit à ses serviteurs est de reconnaître celui qui est l’aurore de sa révélation, la fontaine de ses lois, et qui représente la Divinité à la fois dans le royaume de sa cause et dans le monde de la création. Quiconque accomplit ce devoir atteint au bien souverain et quiconque s’en prive s’égare, même s’il accomplit toutes les bonnes actions possibles. Il convient à tous ceux qui atteignent ce rang sublime, cette cime de gloire transcendante, d’observer chaque ordonnance de celui qui est le Désir du monde. Ces devoirs jumeaux sont inséparables. L’un est inacceptable sans l’autre. Ainsi en décide celui qui est la source de l’inspiration divine.»

Comme lors des précédents exils, les habitants d’Acre, commencent à rechercher les conseils de Bahá’u’lláh, et essayent de rendre sa vie plus confortable : «Les titres tels que ‘‘chef auguste’’ et ‘‘Son Altesse’’, qu’ils lui donnaient lorsqu’ils parlaient de lui, indiquent bien la vénération qu’il leur inspirait. Un jour, un général européen, auquel il avait accordé audience en même temps qu’au gouverneur, fut tellement impressionné qu’il resta à genoux sur le sol près de la porte».

Le propriétaire de la maison voisine de celle qu’il occupe démolit le mur séparant les deux maisons afin de fournir à Bahá’u’lláh une maison lui convenant mieux. L’ensemble est maintenant appelé la maison de ‘Abbúd. Bahá’u’lláh y vivra de 1873 à 1877.

À Acre, ‘Abdu’l-Bahá prépare les pèlerins à rencontrer Bahá’u’lláh, et plus encore que dans les précédents lieux d’exil contacte les fonctionnaires, gère les affaires quotidiennes de la famille et travaille assidûment à rendre la vie des bahá’ís aussi confortable que possible. Beaucoup du respect de plus en plus montré aux bahá’ís est le résultat des qualités exceptionnelles manifestées par ‘Abdu’l-Bahá.

Jardins des Bahais à Acre.

Loin d’Acre, la ville-prison

L’estime des autorités locales pour Bahá’u’lláh est alors telle qu’elles lui permettent de quitter la ville-prison au printemps 1877, bien que le décret initial de bannissement ne soit pas révoqué.

‘Abdu’l-Bahá réussit à louer une maison appelée Mazra’ih à environ six kilomètres au nord d’Acre. C’est là que Bahá’u’lláh s’installe lorsqu’enfin, franchissant la deuxième porte d’Acre, celle de la terre, il quitte les murs de la ville-prison, début juin 1877.

Après des années de strict confinement entre les murs d’Acre, Bahá’u’lláh éprouve un immense plaisir à vivre à Mazra’ih. Il peut aussi plus facilement rencontrer les pèlerins qui viennent le voir de tout l’Empire ottoman et d’au-delà.

En septembre 1879, ‘Abdu’l-Bahá loue une demeure construite près d’Acre. Bahjí qui signifie félicité, sera la maison des douze années et demie de vie qui restent à Bahá’u’lláh. Elle lui offre ainsi qu’à sa famille l’espace pour rencontrer un nombre sans cesse grandissant de visiteurs et d’amis.

L’ordre de son emprisonnement à Acre n’ayant jamais été annulé, Bahá’u’lláh disait souvent concernant ses jours à Bahjí : «En vérité, la plus misérable prison a été changée en paradis terrestre.» C’est là que Bahá’u’lláh écrit le dernier grand ouvrage de son ministère, l’‘‘Épître au Fils du Loup’’.

À Bahjí, Bahá’u’lláh élucide ses enseignements et envoie dans diverses parties du monde, des Tablettes faisant référence à son enseignement social le plus crucial – l’unité de l’humanité. Tous ses autres enseignements sociaux sont des moyens d’atteindre et de maintenir l’unité concrète de l’humanité afin que les humains puissent accomplir le but de leur création, faire avancer pacifiquement une civilisation en constante évolution.

Bahá’u’lláh vivait à Bahjí dans la plus grande simplicité, entouré de sa famille, de ses disciples et de pèlerins. Des visiteurs occasionnels, y sont venus le voir, dont le professeur anglais Edward Granville Browne, l’un des rares Occidentaux à avoir, au cours de quatre entrevues successives, rencontré Bahá’u’lláh. Le professeur Browne écrit à propos de son premier rendez-vous : «Le visage de celui que je contemplai, je ne saurais l’oublier et pourtant je ne puis le décrire. Ses yeux perçants semblaient pénétrer jusqu’au tréfonds de l’âme ; de larges sourcils soulignaient la puissance et l’autorité […]. Il eut été superflu de demander en la présence de qui je me trouvais ; je me prosternai devant celui qui fait l’objet d’une vénération et d’un amour que les rois lui envieraient et auxquels les empereurs aspireraient en vain !»

Bahá’u’lláh déclare au cours de cette rencontre : «Que toutes les nations deviennent une dans la foi et que tous les hommes soient des frères ; que les liens d’affection et d’unité entre les enfants des hommes soient fortifiés ; que la diversité des religions cesse et que les différences de races soient annulées, quel mal y a-t-il en cela ? Cela sera, malgré tout ; ces luttes stériles, ces guerres ruineuses passeront et la ‘paix suprême’ viendra […] Que l’homme ne se glorifie pas d’aimer son pays, mais plutôt d’aimer le genre humain.»

Dans les années 1860, les membres d’un groupe religieux allemand appelé la Société des templiers, s’installent à Haïfa et construisent leurs maisons au pied du Mont Carmel où, croient-ils, le Christ va bientôt revenir. Au-dessus de la fenêtre de l’une de ces maisons une inscription en allemand dit «Le Seigneur est proche – 1871».

En 1868, Bahá’u’lláh fait brièvement escale à Haïfa, sur son chemin vers Acre et de nouveau à trois occasions entre 1883 et 1891. Pendant l’une de ces visites, il plante sa tente non loin de cette maison. Il visite aussi la caverne d’Élie où, des siècles auparavant, un Ordre chrétien a construit un monastère dans l’attente du retour du Christ.

Dès 1600 av. J.-C., le mont Carmel décrit comme une «montagne sainte» dans les livres et les écritures sacrés, est mentionné dans les prophéties et Isaïe chante ses louanges : «Le désert et la terre aride se réjouiront ; la steppe sera dans l’allégresse, et fleurira comme le narcisse ; il se couvrira de fleurs et tressaillira, il poussera des cris de joie. La gloire du Liban lui sera donnée, avec la magnificence du Carmel et de Saron. Ils verront la gloire de Yahweh, la magnificence de notre Dieu.»

En 1891, lors de sa dernière visite au Mont Carmel, Bahá’u’lláh montre à ‘Abdu’l-Bahá où ensevelir le Báb, près d’un cercle de cyprès. Après moult difficultés, ‘Abdu’l-Bahá accomplit le souhait de son père en 1909.

Aujourd’hui, le Tombeau du Báb, second lieu le plus saint pour les Bahá’ís est visité par des centaines de milliers de personnes chaque année.

Lors de cette même visite, Bahá’u’lláh plante sa tente près du monastère des Carmélites et écrit la première partie de la ‘‘Tablette du Carmel’’, charte pour la création du Centre administratif et spirituel mondial de la foi bahá’íe.

La vision de Bahá’u’lláh est confirmée par l’établissement du Centre mondial bahá’í – qui est maintenant le cœur d’une communauté bahá’íe mondiale de plusieurs millions de membres.

Aux premières heures du 29 mai 1892, Bahá’u’lláh décède au Manoir de Bahjí. Neuf jours plus tard, son testament est décacheté. Il désigne ‘Abdu’l-Bahá comme son successeur et chef de la foi bahá’íe. C’est la première fois dans l’histoire que le fondateur d’une religion mondiale identifie clairement qui ses fidèles doivent suivre après sa mort. Cette déclaration d’un successeur est la disposition centrale de ce qui pour les bahá’ís est connu comme «L’Alliance de Bahá’u’lláh». Cela a permis à la foi bahá’íe de rester unie autour d’une autorité centrale depuis plus d’un siècle.

Bahá’ís d’Albany, New York (Etats-Unis) fêtent le nouvel an 2013.

Peu après le décès de Bahá’u’lláh, ‘Abdu’l-Bahá envoie ce message : «Le Soleil de Vérité, cette sublime lumière, s’est couché à l’horizon du monde pour se lever, dans son immortelle splendeur, au-dessus de l’infini royaume ; dans son ‘‘Livre le plus saint’’, il appelle les plus constants de ses amis : ‘‘Ne soyez pas effrayés, ô peuples du monde, lorsqu’aura disparu l’étoile du matin de ma beauté et que le ciel de mon tabernacle sera dissimulé à votre regard. Levez-vous pour servir ma Cause et exalter ma parole parmi les hommes’’. »

Le jour de son décès, juste après le coucher du soleil, Bahá’u’lláh est enterré dans une simple pièce attenante au Manoir de Bahjí. ‘Abdu’l-Bahá, et après lui Shoghi Effendi, le Gardien de la foi bahá’íe embelliront, avec amour et constance ce lieu qui, pour les bahá’ís, est l’endroit le plus saint sur terre, vers lequel ils se tournent chaque jour pour la prière. Les pèlerins y viennent de tous les coins du monde pour rendre hommage à Bahá’u’lláh et réaligner leur vie sur les nobles fins qu’il a définies pour l’humanité.

Pour les bahá’ís, la station de Bahá’u’lláh est telle que sa photographie n’est exposée que dans certaines occasions et avec le plus grand respect. Elle n’est pas visible dans des maisons privées ni dans les médias. La plupart des Bahá’ís ne la voient que lors du pèlerinage au Centre mondial bahá’í à Haïfa. «En supportant les malheurs et les tribulations, en révélant les versets sacrés et en fournissant des preuves, cet Opprimé n’a eu d’autre dessein que d’éteindre la flamme de la haine et de l’inimitié afin d’illuminer par la lumière de la concorde l’horizon du cœur des hommes pour qu’il atteigne une paix et une quiétude réelles. De l’aurore de la tablette divine, resplendit le soleil de cette parole, et il appartient à chacun d’y fixer son regard. Ô peuples du monde, nous vous exhortons d’observer ce qui élèvera votre rang. Accrochez-vous solidement à la crainte de Dieu et adhérez fermement à ce qui est bien. En vérité je le dis, la langue est faite pour mentionner ce qui est bien, ne la souillez pas de paroles inconvenantes. Dieu pardonne le passé. Désormais, chacun devrait exprimer ce qui est bien et convenable et devrait s’interdire les calomnies, les insultes et tout ce qui provoque la tristesse chez l’homme.»

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