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Mansar à l’origine de la crise entre la Tunisie et les Emirats

Samir Mansar parmi les 5 ambassadeurs ayant prêté serment en octobre dernier. 

Et si c’était la nomination de Samir Mansar à la tête de l’ambassade de Tunisie aux Emirats qui vaut à notre pays la crise actuelle avec ce pays ?

Par Imed Bahri

La décision des Emirats arabes unis (EAU) d’interdire aux Tunisiennes d’embarquer dans les vols des compagnies aériennes et même de transiter par les aéroports émiratis est demeurée inexpliquée. L’explication du ministre émirati des Affaires étrangères, évoquant, sur son compte Twitter, des considérations sécuritaires, a quelque chose de risible, Abou Dhabi n’ayant pas jugé nécessaire de publier un communiqué officiel pour justifier ce qui, de toute façon, au regard des lois internationales du transport aérien, ne se justifierait pas. Pour expliquer cette décision inexplicable, on a évoqué aussi l’interdiction récente à un groupe d’Emiratis de chasser l’outarde houbara et la gazelle dans le désert tunisien. Mais, l’explication est à rechercher ailleurs.

Cherchez Moncef Marzouki !

Le 26 octobre 2017, le président de la république Béji Caïd Essebsi a remis leurs lettres de créance à 5 nouveaux ambassadeurs. Parmi eux Samir Mansar, nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Tunisie aux Emirats Arabes Unis. L’information est passée presque inaperçue, mais il paraît que cette décision a provoqué la colère des responsables émiratis et déclenché une tempête diplomatique.

Ces derniers, chez qui la donnée tribale prévaut sur toute autre considération, savent que Samir Mansar est le cousin d’Adnen Mansar, ancien chef de cabinet de l’ex-président de la république par intérim Moncef Marzouki et actuel porte-parole du Harak, parti qu’il a cofondé avec ce dernier. Or, M. Mnsar et M. Marzouki sont des amis et des obligés du Qatar, l’émirat voisin devenu récemment un frère ennemi, et lors de la récente crise du Golfe, ils ont dit des vertes et des pas mûres sur le compte des Emirats, notamment l’ex-président par intérim, lors de ses passages sur la chaîne Al-Jazira.

Ceci explique-t-il cela ? Encore est-il que la nomination de Samir Mansar à Abou Dhabi a été perçue comme une provocation par les Emiratis, qui ont tardé à lui remettre son agrément, espérant voir les Tunisiens se résigner à le changer, conformément aux règles diplomatiques. Or, la partie tunisienne n’a pas bougé le petit doigt, estimant qu’il n’y a aucune raison de changer Samir Mansar, sachant que ce dernier est un diplomate de carrière qui n’a rien à voir avec M. Marzouki, et encore moins avec le Harak ou avec une quelconque autre partie politique.

Le chef de l’Etat et le ministre des Affaires étrangères Khemaies Jhinaoui ont donc jugé urgent de ne rien faire. Etait-ce la bonne décision ? Le débat est ouvert…

Quoi qu’il en soit, et tout en accordant finalement au diplomate tunisien son agrément, lui permettant aussi de rejoindre son poste à Abou Dhabi, les Emiratis semblent s’être jurés de lui rendre la vie impossible et de le soumettre à un traitement spécial en provoquant des crises en série. La première n’a pas tardé à prendre forme et ce fut cette décision, incompréhensible s’il en fut, d’interdire aux Tunisiennes d’accéder au territoire des Emirats, une manière de frapper les Tunisiens là où ça fait le plus mal.

Il faut dire aussi que les Emirats n’ont jamais porté la révolution tunisienne dans leur coeur et s’ils ne l’ont pas fait savoir, ils ont envoyé beaucoup de signes en ce sens.

Les émirs n’aiment pas la démocratie

D’abord ils ont offert l’asile politique aux membres du clan Ben Ali, notamment Sakher El-Materi et Slim Chiboub. Au lendemain des élections de 2011, ils n’ont pas apprécié (c’est un euphémisme) la montée du parti islamiste Ennahdha, filiale des Frères musulmans. Ils ont soutenu ensuite Nidaa Tounes et Béji Caïd Essebsi pour contrebalancer l’influence islamiste jusqu’aux élections de 2014, mais du bout des lèvres. La coalition gouvernementale constituée par Nidaa et Ennahdha a suscité de fortes réserves à Abou Dhabi d’autant que Caïd Essebsi, lors de sa campagne, avait écarté toute perspective d’alliance avec les islamistes. Depuis, les relations entre Tunis et Abou Dhabi se sont détériorées, et les Emirats ont provoqué une première crise diplomatique, en 2015, en refusant de donner des visas aux Tunisiens. La suite on la connaît…

Par ailleurs, les Emirats n’ont jamais bougé le petit doigt pour aider la Tunisie en pleine crise économique et financière alors qu’au lendemain de la prise du pouvoir par le général Abdelfattah Al-Sissi en Egypte, ils ont trouvé le moyen de débloquer dans l’urgence, avec l’Arabie saoudite et le Koweït, une douzaine de milliards de dollars pour aider ce pays à redémarrer.

En d’autres termes, la dictature militaire a plus d’attrait au regard des Emiratis qu’une démocratie, dont ils craignent la contagion.

 

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