Reçu en grande pompe, aujourd’hui, à Tunis, Erdogan est à la tête d’une atroce dictature. C’est un déshonneur pour la jeune démocratie tunisienne.
Par Chedly Mamoghli *
Le geste de Recep Tayyip Erdogan sur le perron du Palais de Carthage (le président turc a fait le signe de Rabia signifiant le ralliement aux Frères musulmans) est un affront et un manque de respect envers la Tunisie et son président Béji Caïd Essebsi, qui n’a pas semblé s’en offusquer outre mesure. Le néo-ottoman se comporte en terrain conquis. D’ailleurs pour lui, la Tunisie fait partie de sa zone d’influence dans le cadre de sa politique étrangère expansionniste dite néo-ottomane par ses théoriciens turcs. Certains désignent même l’aire géographique à la quelle appartient la Tunisie par le terme Erdogania.
Tunisie, que reste-t-il de ta souveraineté ?
Tout le monde s’essuie les pieds sur la Tunisie. L’Union européenne (UE) qui fait figurer le nom de notre pays sur une liste noire de paradis fiscaux. Les bédouins du Golfe qui nous urinent dessus. Le dictateur Erdogan, qui fait son geste islamo-fasciste sur le perron du Palais de Carthage. Toutes les élections perdues par la Tunisie, à commencer par celle pour la présidence de la BAD jusqu’à dernièrement celle pour le secrétariat général de l’Alecso, la deuxième fois consécutive, alors que ce poste était longtemps la chasse gardée de la Tunisie, le siège de l’organisation étant à Tunis. Le Koweïtien élu secrétaire-général, qui vient juste de débarquer, a cru pouvoir déclarer la guerre aux Tunisiens. Il a même lancé une chasse aux sorcières à leur égard. L’image de la Tunisie est écornée et sa souveraineté est malmenée de toute part. Où va-t-on?
Et là, il faut dire que beaucoup de Tunisiens sont responsables de cette situation. Cette classe politique qui se prostitue auprès des ambassades, surtout celles du Golfe. Ces hommes politiques qui font les mendiants en demandant des aides, soi-disant pour des associations et qui mettent le fric dans leurs poches. Ces partis politiques et leurs campagnes électorales financés par tels ou tels pays. Ces Ong et ces associations dont le financement est entouré d’un épais voile opaque, certaines étant même des officines de services de renseignement étrangers et leur servent de base de données. Cet animateur télé écroué qui fait intervenir l’ambassadeur du Qatar via son avocat pour le libérer, et les exemples sont légion.
Erdogan, qui veut redonner vie à l’empire ottoman, se sent comme chez lui à Tunis.
Après, ils se demandent : «Pourquoi ils ne nous respectent pas? Et pourquoi on n’a plus de souveraineté?»
Sans parler des islamistes qui ont l’indignation sélective : ils condamnent l’attitude discriminatoire des Emirats arabes unis, interdisant aux Tunisiennes de fouler leur sol, mais défendent bec et ongles, justifient et trouvent toutes les excuses du monde à «sidhom» (leur maître) Erdogan, dont leur chef en Tunisie, est le vassal au Maghreb. Ces islamistes qui ont imposé au président Béji Caïd Essebsi d’inviter Erdogan et l’ont dissuadé d’inviter Abdelfattah Al-Sissi. Puisque ce sont eux, désormais, qui choisissent les hôtes de la Tunisie. Et désignent ses ennemis.
Un régime ennemi de la liberté d’expression
Bien que je ne sois pas de gauche, je tiens à saluer le parti Al-Massar qui a boycotté, aujourd’hui, le déjeuner officiel offert en l’honneur du dictateur turc au Palais de Carthage. C’est une attitude digne et patriote qui force le respect. Et pour cause…
La visite de deux jours qu’a entamée Erdogan, aujourd’hui, à Tunis, coïncide avec la reprise, le matin même, sous haute tension, du procès du journal turc ‘‘Cumhuriyet’’ : 17 dirigeants, journalistes et autres employés, risquent jusqu’à 43 ans de prison.
Actuellement, 170 journalistes sont détenus en Turquie, plus de 700 cartes de presse annulées et plus de 140 médias fermés. La Turquie d’Erdogan occupe la 155e place sur 180 au classement de la liberté de la presse établi par RSF.
* Juriste.
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