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‘‘Voices from Kasserine’’ : Les oubliés de la révolution prennent la parole

«On est au fond du trou. Nos jeunes sont morts pour rien et le souvenir de la révolution est devenu un cauchemar pour nous», disent les habitants de Kasserine, qui se sentent marginalisés et exclus dans une Tunisie en crise.

Par Fawz Ben Ali

L’Institut français de Tunisie (IFT) a accueilli mardi soir, 3 avril 2018, une projection spéciale du film documentaire ‘‘Voices from Kasserine’’ en présence de ses auteurs Olfa Lamloum et Michel Tabet, qui sont en ce moment en tournée dans plusieurs villes du pays pour présenter leur projet.

Certains évoquent la révolte de Ali Ben Ghedahem au 19e siècle. 

Produit par l’organisation International Alert, ‘‘Voices from Kasserine’’ est un moyen-métrage documentaire qui s’inscrit dans le processus de recherche que mène la politologue tunisienne Olfa Lamloum sur la question de la marginalisation et de l’exclusion urbaine, accompagnée du documentariste franco-libanais Michel Tabet qui a l’habitude de collaborer avec les chercheurs pour développer des dispositifs d’enquêtes filmiques.

Olfa Lamloum et Michel Tabet.

Au fond du trou

De Majel Bel Abbes, passant par Laâyoun, Thala, et arrivant à Kasserine Ville, le film met la lumière sur une partie de la population tunisienne encore marginalisée, dans cette région ville située au centre-ouest de la Tunisie.

Le film s’ouvre sur une vue d’ensemble de la ville de Kasserine et la caméra s’introduit de suite dans le quotidien des élèves qui racontent avec les yeux qui pétillent leurs rêves de devenir médecins, avocats, universitaires… pour offrir une vie meilleure à leurs familles et à leur ville. Une utopie qui tranche avec la situation critique présente que le film met en avant avec beaucoup de justesse.

Olfa Lamloum.

Abandon scolaire précoce, contrebande, chômage même pour ceux qui ont réussi à terminer leurs études… Comment ne pas être tenté par la criminalité ou le jihadisme d’autant plus que la ville ne possède pas une seule salle de cinéma ou de théâtre?

Sans voix off, le film expose une série de personnages (hommes, femmes, jeunes et moins jeunes) pour nous raconter leurs rêves brisés et la terrible désillusion qui a suivi les premiers moments euphoriques de la révolution du 14 janvier 2011. «On est au fond du trou (…) Nos jeunes sont morts pour rien et le souvenir de la révolution est devenu un cauchemar pour nous !», entend-on dans le film.

Michel Tabet.

Une expertise citoyenne mise en image

Les deux cinéastes ont d’autre part truffé leur enquête de témoignages de députés de gauche et de droite de Kasserine, avouant chacun avoir échoué à rendre justice à la ville qu’ils représentent à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). «On a choisi de faire des plans avec les habitants de la ville en marge du cadre, et les députés et différents responsables au centre du cadre pour bien refléter l’inégalité et l’injustice qui règnent dans cette région», explique Michel Tabet lors du débat qui a suivi la projection du film.

‘‘Voices from Kasserine’’ est une sorte d’expertise citoyenne mise en image; tout en respectant les esthétiques du cinéma, le film devient un espace de réflexion d’abord pour exposer la réalité, puis pour proposer d’éventuelles solutions. D’ailleurs Olfa Lamloum a annoncé que la réalisation de ce film a permis la mise en place de différents projets comme la création d’une bibliothèque pour les enfants de la région.

Kasserine, berceau des premières émeutes à l’origine de la révolution tunisienne et du printemps arabe est encore dans l’ombre en attendant une improbable réalisation des fausses promesses des dirigeants politiques.

Malgré la colère, l’amertume et le sentiment d’abandon, les Kasserinois et notamment les enfants restent déterminés pour changer le cours des choses vers le meilleur.

Bande-annonce. 

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