Le ténor du barreau Abada Kéfi lors du procès d’Habib Achour et des syndicalistes en 1978.
La Tunisie a perdu hier, vendredi 13 juillet 2018, son meilleur avocat pénaliste en la personne de Me Abada Kéfi, député du bloc Al-Horra (Machrou Tounes), qui a été inhumé hier après-midi au cimetière de la Soukra.
Par Chedly Mamoghli *
Feu Abada Kéfi a défendu notamment Habib Achour, ancien secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et les syndicalistes lors de leur procès en 1978, feu Moncef Habib Ben Ali, le frère de l’ancien président de la République Zine El Abidine Ben Ali, en compagnie du bâtonnier Jean-Yves Le Borgne – éminent pénaliste lui aussi -, ainsi que le général Ali Seriati, ancien patron de la garde présidentielle, sous Ben Ali, la famille de Lotfi Nagdh, l’ancien coordinateur de Nidaa Tounes, tué en octobre 2012, à Tataouine, par des extrémistes religieux, ou encore le président de la république Béji Caïd Essebsi.
Le combat de Me Abada Kéfi allait au-delà des prétoires et s’étendait à la politique. Par politique, j’entends ici la politique noble, relative à la cité et aux affaires de la cité – et non pas la politique politicienne –. Quand d’autres avocats égoïstes se suffisent à bien gagner leur vie et se complaisent dans un certain confort, lui ne redoutait pas l’arène politique. Il fut, aux côtés de Béji Caïd Essebsi, l’un des premiers à se lancer dans l’aventure de Nidaa Tounes, fondé en juin 2012.
Il participa activement à la victoire du jeune parti à la présidentielle et aux législatives de 2014. Tête de liste au Kef, il fit le meilleur score du parti à l’échelle nationale.
À l’opposé des députés passifs dont grouille l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Me Abada Kéfi fut l’un des meilleurs députés de l’actuelle législature. Très impliqué, il s’acquitta de sa tâche avec brio. Il présida notamment la commission des Lois. Ce fut également l’un des premiers, fin 2015, à claquer la porte de Nidaa et de son groupe parlementaire par refus catégorique du népotisme après le putsch opéré par Hafedh Caïd Essebsi, les affairistes véreux qui le soutenaient et les courtisans, ceux-là mêmes qui ces jours-ci jouent aux opposants au sein de ce qui reste de ce parti.
Avocat était sa vocation, il a incarné cette profession – qu’il a exercée pendant 44 ans – dans ce qu’elle a de plus noble et de plus citoyen. Un grand Tunisien tire sa révérence. Allah Yarhmou.
* Juriste.
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