Mollah Ghannouchi par le peintre Hanafi.
Ne jetons pas la pierre au parti islamiste Ennahdha, mais plutôt à ses électeurs, et, par extension, à tous ceux qui se sont acoquinés, depuis plusieurs années, avec ce parti sous la bannière du «tawafoq» (consensus) pour exercer le pouvoir et… mener le pays à une banqueroute annoncée.
Par Tarak Arfaoui *
Ennahdha est bien dans son élément de parti légal et bien organisé qui profite à fond des règles démocratiques dans le cadre de la loi, et qui a un grand fond de commerce électoral qui lui permet de tenir la dragée haute à ses adversaires politiques.
Je n’ajouterai pas grand-chose à ce qui est déjà connu et je ne discuterai pas ses orientations idéologiques qui sont aux antipodes de mes convictions. L’omniprésence d’Ennahdha sur la scène politique est devenue un véritable fardeau pour le pays. La déchéance à tous les niveaux qui a atteint le pays sous le pouvoir des islamistes ne semble pas inquiéter outre mesure ses électeurs.
Des obscurantistes médiévaux accueillis à bras ouverts
Un million de Tunisiens bien majeurs et vaccinés ont en effet porté Ennahdha au pouvoir.
Un million de mes chers compatriotes ont été subitement frappés par une amnésie générale quant au passé violent pour ne pas dire terroriste de leurs élus. Ils ont plébiscité un Premier ministre au passé explosif puis un second Premier ministre artificier en chef à ses heures perdues.
Un million de Tunisiens ont accueillis à bras ouvert et acclamé des obscurantistes médiévaux dans des meetings gigantesques.
Un million de Tunisiens ont été atteints de surdité et de cécité pour accepter d’être gouvernés par des insuffisants et des incompétents occupant des postes clé dans le gouvernement et les institutions et menant le pays vers la banqueroute.
Bien sûr, tous ces électeurs n’ont aucune idée de la vision politique d’avenir d’Ennahdha ni de son programme économique mais sont obnubilés par un bigotisme primitif et par un credo mystique, le fameux «ikhafou rabbi» (Ils craignent Dieu) qui est pour eux sans aucun doute la meilleure garantie pour le développement et la prospérité.
Près de 25 années de «Benalisme» ont malheureusement produit une génération de «khobzistes» (littéralement : partisans du parti du pain), d’incultes et de bornés, aveuglés par des sentiments revanchards et égoïstes qui sont capables de glorifier, selon les circonstances, le diable ou le bon dieu selon leurs intérêts.
«Tawafoq», le mot d’ordre des opportunistes
L’occasion était trop belle pour tous les opportunistes de la place de prendre en marche le train des islamistes qui n’espéraient pas tant de «ferveur» de la part de leurs électeurs et de la part même de leurs adversaires politiques qui ont été vite amadoués par un concept que seul le génie politique de Béji Caïd Essebsi est capable d’inventer, le fameux «tawafoq».
Ce concept a permis de rassembler sous la même banniere une large frange de politicards de tous horizons : islamistes, indépendants, ex-RCdistes notoires, pseudo militants de gauche et de droite, et même de Navarre, dont seuls les manigances et la soif de pouvoir a réunis.
Faut-il alors reprocher à Ennahdha de profiter de ce pain béni, de cette entente factice concoctée par Béji Caïd Essebsi qui a, quant à lui, leurré tous ses électeurs par des promesses foireuses et dont le résultat est non moins foireux? Est-il possible de vouloir gouverner un pays sans une majorité réelle et non vaseuse et sans opposition forte?
Faut-il reprocher à Ennahdha de profiter de ce charivari politique, de tirer son épingle du jeu et de maîtriser tous ses opposants englués et écartelés dans leurs divergences? Faut-il lui reprocher d’être un parti uni, très bien organisé et bien contrôlé par ses dirigeants qui mènent à la baguette les militants disciplinés sous la houlette d’un leader qui se joue de tous ses opposant par son machiavélisme hors-pair?
Faut-il reprocher à Ennahdha de se positionner désormais comme le principal parti politique du pays et le principal favori des prochaines législatives?
Soyons lucides et, au train ou vont les choses, «tawafoq», bigotisme et opportunisme aidant, sans grandes illusions, il faut bien se résoudre à dire «mabrouk» (félicitations) à Rached Ghannouchi, président en 2019… et que dieu protège la Tunisie !
* Médecin de libre pratique.
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