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Sofia Djama présente son film ‘‘Les bienheureux’’ à Tunis

À l’occasion de la sortie de son film ‘‘Les bienheureux’’ à Tunis, la cinéaste algérienne Sofia Djama était parmi nous pour présenter et débattre de son premier long-métrage, portrait d’une Algérie qui n’a pas fait le deuil de la décennie noire.

Par Fawz Ben Ali

Avant même sa sortie en Algérie, ‘‘Les bienheureux’’ s’invite sur les grands écrans tunisiens après avoir raflé plusieurs prix dans des festivals internationaux.

L’Algérie n’a pas connu le printemps arabe mais son cinéma continue de fleurir. Chaque année de très beaux films voient le jour et témoignent de l’engagement d’une nouvelle génération prometteuse de cinéastes de talent.

Nadia Kaci.

Un pays austère

Quelques années après la décennie noire, en 2008 exactement, Amal (jouée par Nadia Kaci) et Samir (joué par Sami Bouajila) s’apprêtent à fêter leurs 20 ans de mariage. Le film se déroule en une seule journée durant laquelle ce couple d’intellectuels progressistes déambule à travers la ville à la recherche de liberté et d’un soupçon de bonheur. Fêter ces 20 ans de vie commune devient l’occasion de faire une rétrospective désenchantée de leur vie et de rouvrir les plaies du passé.

Tout au long du film, on découvre une capitale algérienne maussade, qui craint le bonheur, qui étouffe ses habitants et où la religion est de plus en plus omniprésente, ce même Alger qu’on surnommait «El bahja» (la joyeuse). «J’ai voulu montrer à quel point la guerre civile a abîmé les gens et la société… On ne peut pas redémarrer une vie normale du jour au lendemain!», explique la cinéaste lors d’un débat qui a suivi la projection de son film au Ciné-Madart à Carthage.

D’un autre côté, Fahim, le fils d’Amal et de Samir, mène une vie d’insouciance avec ses amis Feryel et Reda.

Alors que la caméra est fixe face à la rigidité des adultes (car la réalisatrice a choisi de miser sur les gros plans, les dialogues particulièrement bien écrits et l’interprétation très juste des deux acteurs principaux), la vie des jeunes est contrastée par une caméra en perpétuel mouvement pour mettre en évidence cette envie de liberté et de révolte. «Alger est austère et d’une tristesse incroyable, alors qu’il y a des jeunes qui ne demandent qu’à vivre», signale Sofia Djama.

En parler pour faire le deuil

Les deux adultes incarnent les deux choix qui se présentent aux Algériens. Alors qu’Amal a perdu ses illusions et préfère partir en France pour garantir un avenir sûr pour son fils, Samir, lui est convaincu qu’il faut rester pour continuer à lutter et espérer un jour voir les choses changer.

La cinéaste réussit parfaitement à nous plonger dans cette atmosphère algéroise où tout semble suspendu, car la terreur du passé a engendré un état d’hébétude totale.

«A-t-on le droit d’être heureux après tout ce sang coulé? Peut-on espérer des jours meilleurs après cette décennie noire qui continue à hanter tout un peuple?», Ce sont des questions parmi d’autres que se pose la cinéaste à travers son premier long-métrage où elle s’est fortement inspirée de son vécu.

Sofia Djama fait en effet partie de cette nouvelle génération de cinéastes algériens qui ont besoin de s’exprimer sur la décennie noire et sur les traumatismes qu’elle causées afin d’en faire réellement le deuil. ‘‘Les bienheureux’’ nous rappelle d’ailleurs l’excellent ‘‘En attendant les hirondelles’’ de Karim Moussaoui, primé aux dernière Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2017), où on retrouve également cette même atmosphère d’abattement et de désespoir post décennie noire.

‘‘Les bienheureux’’ est en ce moment dans les salles ABC, le Parnasse (centre-ville de Tunis), Amilcar (El-Manar) et Ciné-Madart (Carthage).

Bande-annonce.

Sortie tunisienne du film franco-algérien ‘‘Les Bienheureux’’ de Sofia Djama

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