Durant les grandes purges de Staline, Anna Akhmatova (1889-1966) avait perdu son mari. Par la suite, aux portes des prisons de Leningrad, elle attendra la libération de son fils qui subira trois incarcérations arbitraires et ne sera libéré qu’en 1956. Son recueil ‘‘Requiem’’, écrit entre 1935 et 1940, est dédié aux femmes qui partageaient son sort.
Tu viendras, de toute façon –
Pourquoi pas maintenant ?
C’est trop difficile pour moi –
Je t’attends.
J’ai éteint la lampe, je t’ai ouvert la porte.
À toi, si simple, si merveilleuse ;
Prends pour l’occasion, la forme
Que tu voudras ; Engouffre-toi
Comme un obus meurtrier, ou
À la légère, comme une canaille avisée,
Ou comme un virus –
Le typhus.
Ou comme cette histoire
Que tu as inventée,
Que nous connaissons tous jusqu’à la nausée,
Qui me fait revoir les chapkas bleues
Et aussi le gardien, blême de peur.
Maintenant, tout m’est égal.
L’Iénisséi
Tourbillonne. L’étoile polaire
Brille. Et l’éclat bleu
Des yeux bien-aimés s’obscurcit
D’une terreur dernière.
Le poème du dimanche: ‘‘S’abaisser jusqu’à l’humus’’ de François Cheng
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