Mohamed Ben Salem, député Ennahdha, a indiqué que les Tunisiens ne croient pas à l’histoire de l’organisation secrète du mouvement islamiste dont Mustapha Khedher aurait été le chef. Une dénégation qui marque la nouvelle (mauvaise) stratégie de défense d’Ennahdha dans cette affaire.
Par Emna Ben Abdallah
De passage à « Min Tounes » sur la chaîne privée Attessia, hier soir, vendredi 11 janvier 2019, le dirigeant islamiste a indiqué que Mustapha Khedher, condamné à 8 ans de prison en 2014 pour détention illégale de documents officiels et, plus récemment, poursuivi pour homicide volontaire dans l’affaire des assassinats politiques de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, était incapable de payer le loyer de son auto-école (sic!).
«Il devait payer chaque mois le loyer de son auto-école estimé à 500 dinars tunisiens. Or, il avait des difficultés à le faire. S’il était membre d’Ennahdha, le parti l’aurait aidé à payer son loyer. Cette histoire est vraiment pathétique», a lancé M. Ben Salem, qui confirme au passage qu’il connaît bien le concerné au point qu’il est au courant de ses supposées difficultés financières!
L’histoire de l’organisation secrète fait grincer les dents des Nahdhaouis
S’adressant aux membres du comité de défense des deux dirigeants de gauche assassinés par des extrémistes religieux en 2013, M. Ben Salem a lancé : «Laissez la justice travailler en paix! Si on veut avoir une justice indépendante, il ne faut pas la bousculer! Et sachez aussi que l’organisation secrète d’Ennahdha n’existe pas!».
Sur un autre plan, le parlementaire a indiqué que ses compatriotes ne cessent de se moquer de l’histoire de l’organisation secrète. Ils estiment que cette histoire est farfelue. Il va sans dire que les compatriotes dont parle M. Ben Salem sont les militants du mouvement islamiste, parce que les autres, et ils sont beaucoup plus nombreux, sont persuadés qu’Ennahdha est impliqué dans la montée de la violence politique et le terrorisme jihadiste en Tunisie depuis 2011.
«Lorsque Mustapha Khedher a été arrêté, aucun ministre nahdhaoui n’est intervenu en sa faveur pour le faire libérer. Le comité de défense a indiqué que certains documents de l’affaire Belaïd et Brahmi ont été volés. On les a retrouvés finalement au ministère de l’Intérieur. Ces gens ne font que mentir!», a encore lancé M. Ben Salem, qui mélange torchons et serviettes et confond les dates sciemment pour essayer de créer un écran de fumée.
En fait, Ennahdha ne pouvait faire libérer Khedher sans courir le risque de tomber le masque, l’affaire ayant pris une tournure trop sérieuse et trop grave pour être enterrée. Aucun juge, même islamiste, n’aurait accepté de marcher dans la combine. Aussi, les Nahdhaouis, qui avait alors la main haute sur la justice, ont-ils réussi, momentanément, à détourner l’affaire et à la réduire à une accusation ridicule : détention illégale de documents officiels !
Des liens trop intimes et trop suivis pour être facilement niés
Dans ce plaidoyer, ô combien maladroit, le député Ben Salem emboîte le pas à sa collègue, Meherzia Laabidi, qui, rappelons-le, était venue, avant-hier, au secours de Mustapha Khedher, ancien militaire connu pour être proche, à la fois, d’Ennahdha et des groupes jihadistes, en essayant, en même temps, de redorer l’image de son parti dans cette affaire ayant fait couler beaucoup d’encre.
Comme son collègue Abdellatif Ben Salem, hier un peu plus tôt dans la journée, M. Ben Salem tente de nier tout lien entre Mustapha Khedher et le parti islamiste, au mépris des faits avérés, sachant que ce lien est prouvé par de nombreux documents retrouvés chez le prévenu, notamment des échanges téléphoniques réguliers avec de hauts dirigeants islamistes, notamment des proches de Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha.
Cette nouvelle stratégie de dénégation pourrait s’avérer suicidaire pour les dirigeants islamistes, car les preuves de leurs liens avec le sieur Khedher, trop intimes et trop suivis pour être facilement niés, pourraient les renvoyer à leurs mensonges.
Cette nouvelle montée au créneau médiatique de la part des dirigeants islamistes, avec des éléments de langage dûment pesés et dictés par le Politburo d’Ennahdha, dans cette affaire qui semble les troubler au plus haut niveau, prouve s’il en est encore besoin que l’affaire Mustapha Khedher ou l’affaire de l’organisation secrète d’Ennahdha nous cache encore des surprises et va connaître de nouveaux développements.
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