Le chef de gouvernement préside ce vendredi 22 mars 2019 un forum sur la santé auquel participeront près de 400 personnalités regroupant les conseils de l’ordre, les facultés, les syndicats et la société civile.
Par Dr Abdelmajid Mselmi *
C’est une bonne initiative pour décortiquer la situation de ce secteur en Tunisie à condition que ce forum sache faire le diagnostic précis et surtout énoncer des recommandations applicables à court, moyen et long terme.
De notre côté, nous proposons les recommandations suivantes à la réflexion des participants :
1- Le manque de médecins spécialistes dans les régions de l’intérieur est le mal qui ronge la santé publique dans notre pays, qui souffre d’un déséquilibre flagrant entre les régions côtières et les régions de l’intérieur. La seule solution à notre avis c’est d’obliger par la loi les médecins spécialistes nouvellement diplômés de travailler pendant 2 ans dans les régions ayant besoin de leur apport. Après quoi, ils seront libres de quitter vers le secteur privé ou l’étranger.
2- Le problème fondamental dans les hôpitaux c’est la mauvaise gouvernance caractérisée par l’incompétence de bon nombre de directeurs, la bureaucratie, la corruption et l’inefficacité des structures administratives. Nous proposons de charger les médecins de la direction des hôpitaux (universitaires, régionaux, locaux), laquelle direction est réservée actuellement et exclusivement à des administrateurs pas très au fait des besoins du secteur. L’hôpital est une institution spécialisée et hautement technique et doit être, à notre avis, dirigée par les médecins épaulés par des gestionnaires, à l’instar des institutions de l’enseignement supérieur. Rappelons que la loi exige des cliniques privées que le directeur soit un médecin. Il n’ya aucune raison pour exclure les médecins de la direction des hôpitaux publics.
3- Revoir la convention entre les hôpitaux et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), ancienne de 20 ans et qui n’est pas équitable envers l’hôpital. Rappelons que la CNAM participe à hauteur de 35% dans le financement de la santé et que 2/3 de ce budget sont destinés au secteur médical privé et que le secteur public ne bénéficie que du 1/3 seulement alors qu’il assure le plus grand lot des soins des patients assurés par la CNAM.
4- Etablir des normes pour le nombre du personnel médical et paramédical nécessaire pour le fonctionnement des services selon le type d’activité (chirurgie, réanimation, médecine…) et selon la capacité hospitalière afin d’établir une cartographie précise des pléthores et des insuffisances et y remédier par les recrutements ou la mobilité intra-régionales loin des surenchères de tout genre.
5- Augmenter le nombre de lits d’hospitalisations (et par conséquent le nombre des hôpitaux) car le nombre de lits par 1000 citoyens en Tunisie est de l’ordre de 2,5 alors que la moyenne européenne est de l’ordre de 6 et de 9 en Amérique du nord. Le dépassement de capacité de 2 ou 3 fois au Centre de maternité et de néonatologie d’hôpital de la Rabta explique en partie la catastrophe des décès des nouveau-nés qui y a été enregistrée récemment. La région de Sousse, à titre d’exemple, manque terriblement d’un autre service d’orthopédie et d’un deuxième service d’ophtalmologie, ceux existant étant saturés depuis des années. Un plan stratégique doit être établi à moyen terme afin d’aboutir à un taux acceptable de l’ordre de 5 lits par 1000 citoyens en Tunisie.
* Chirurgien, professeur agrégé.
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