Tahya Tounes est né grand. Belle formule, mais quel piège! On peut naître grand et finir petit. Surtout en Tunisie, où nous sommes sur un terrain politique instable et glissant depuis presque une décennie, et où les gens sont fatigués de leurs propres dirigeants, les bons comme les mauvais.
Par Mehdi Jendoubi *
Ceci dit, je ne veux pas désespérer ceux qui y croient, ni sous-estimer l’effort continu depuis la création du groupe parlementaire de la Coalition nationale au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et le doigté politique de ceux qui ont su faire un nouveau parti, des mille morceaux du Nidaa historique de 2012-2014.
La conscience politique se construit sous le coup des événements historiques, et on ne peut pas revivre une expérience de Nidaa bis et peut-être plus tard un slogan de vote utile, sans se poser quelques questions ou émettre quelques réserves.
Ne pas se faire intoxiquer par sa propre propagande
Seule la lucidité, la critique et l’autocritique permettent d’avancer, et il faut faire attention de ne pas se faire intoxiquer par sa propre propagande. Dérive que tant d’hommes politiques, n’arrivent pas à éviter.
Dans ses deux interventions publiques à la Télévision Nationale et à la clôture du congrès de Tahya Tounes, Youssef Chahed, actuel chef du gouvernement, et chef de fait du nouveau parti, s’est trop attardé sur le rôle négatif de ceux qui le critiquent et s’opposent soit à sa politique, soit à sa personne.
Cela n’a pas été un point dans son discours, mais un thème redondant et à la limite, je n’y ai pas vu une subtile attention à écouter et à apprendre de ses propres adversaires, ni l’affirmation solennelle du droit chèrement acquis à la critique et à l’opposition. Je reconnais qu’il a été sévèrement et parfois injustement et systématiquement attaqué, mais n’a-t-il pas attisé lui-même la colère de ses adversaires ?
En maintenant le flou sur ses intentions présidentielles, il n’a pas servi le gouvernement et ne l’a pas préservé des attaques de ceux qui pensent qu’il est difficile en Tunisie de servir sans se servir.
En termes de culture politique, nous sommes encore en période de transition et les préjugés accumulés depuis des décennies sur la confusion entre parti et Etat ne doivent pas étonner.
Faire attention au piège des bonnes intentions
M. Chahed n’est pas responsable des choix de communication du parti Tahya Tounes, mais il devrait faire attention au piège des bonnes intentions. Les deux jeunes militants qui l’ont présenté avec autant de superlatifs, juste avant sa brillante intervention à la clôture du congrès du parti Tahya Tounes, ne l’ont pas servi.
La modestie est une valeur fondamentale et en politique cela peut être apprécié. Ceux qui veulent faire de M. Chahed, en début de carrière politique, une idole qu’en feraient-ils quand il sera au faîte de la victoire ?
Bien sûr, la politique a besoin d’icônes, et le peuple s’attache aux idoles, mais nous sommes en Méditerranée où depuis l’antiquité les peuples s’amusent à brûler leurs propres idoles, et nous sommes en Tunisie, sur un terrain politique instable et glissant depuis presque une décennie, où les gens sont fatigués de leurs propres dirigeants, les bons comme les mauvais. Jeu subtil que certains communicateurs, peuvent sous-estimer.
* Universitaire.
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