L’auteur revient sur le drame des 15 nouveau-nés décédés, début mars 2019, dans la maternité de l’hôpital La Rabta à Tunis des suites d’une infection nosocomiale et en tire des leçons en vue d’améliorer le système de santé en Tunisie.
Par Pr Ridha Hamdane *
Pour les remarques que je donne dans cet article, j’ai sollicité les avis d’experts français parmi mes amis car je ne suis pas spécialiste de la question mais je tiens à ce qu’une telle affaire serve de leçon pour tous afin que le niveau de qualité des soins en Tunisie augmente et que la confiance des patients se renforce. Pour cela, il faut que les parents sachent vraiment ce qui s’est passé et pour les soignants d’apprendre de cette affaire pour qu’à l’avenir, on ne reproduise pas les mêmes erreurs.
C’est scandaleux, c’est dramatique, la situation est vraiment inquiétante, cette affaire est très grave, il faut demander la plus grande transparence, ce sont là quelques exemples de réactions de spécialistes étrangers qui ont été mis au courant de la mort de quinze nouveau-nés en Tunisie. Ces réactions, je les partage, bien entendu, même si je ne maîtrise pas véritablement le contexte mais je pense qu’il est très légitime de demander la plus grande transparence sur une telle affaire.
Une erreur médico-pharmaceutique
Un drame s’est produit dans la maternité de l’hôpital La Rabta à Tunis. Quinze nouveau-nés ont trouvé la mort au tout début du mois de mars 2019 suite à une infection nosocomiale dont le germe a été identifié et qui est entérobacter cloacae. Ce germe a été retrouvé en salle de réanimation et l’on se pose la question de la façon avec laquelle il est parvenu dans la salle blanche. La contamination s’est produite à travers les poches de nutrition parentérale.
Le président de la commission scientifique d’enquête, Professeur Mohamed Douagi, lors de sa conférence de presse fin avril 2019, c’est-à-dire presque deux mois après la survenue de la mort des nouveau-nés, a parlé de défaillances multiples sans donner aucun détail. Or il faut dire que nous sommes vraiment dans le cadre de l’erreur médico-pharmaceutique, c’est-à-dire d’une faille de tout un process, de toute une équipe.
Toutes les questions que l’on se pose comme : qu’est-ce qu’une salle blanche (ou plus exactement salle propre selon la norme ISO 14644-1), quelles sont les normes qui concernent toutes les étapes de la salle blanche (conception, construction, mise en fonctionnement, réception et exploitation), est-ce qu’il existe pour l’hôpital, une validation des procédures comme dans l’industrie, est-ce que le produit fini doit être contrôlé…
Toutes ces questions et bien d’autres sont résolues par deux textes réglementaires français, disponibles sur internet, édités sous l’égide de l’Agence française de sécurité du médicament (ANSM) : ‘‘Bonnes pratiques de préparation’’ ANSM : 3.12.2007, 79 pages; et ‘‘Bonnes pratiques de fabrication’’ (ANSM : 30.12.2016, 313 pages), avec le système qualité, les locaux et matériels, la gestion documentaire, le contrôle de la qualité, la libération paramétrique, avec des lignes directrices sur les médicaments stériles.
Pour restaurer la confiance dans le système de santé
Cette affaire est effectivement très grave et mérite que toute la lumière soit faite pour comprendre ce qui s’est passé et pouvoir ensuite justifier le déploiement de moyens nécessaires à la prise en charge optimale des nourrissons.
J’ai personnellement été très impressionné par l’ampleur de cette tragédie et nous attendons que l’on puisse apporter des explications aux familles concernées et surtout que cela aboutisse à des décisions qui permettront une meilleure confiance dans le système de santé.
Je sais malheureusement qu’à l’origine de cette situation, le manque de moyens et l’insuffisance des investissements pour garantir la sécurité des patients constituent une partie du problème.
La santé représente un budget considérable pour n’importe quel pays mais doit constituer une priorité pour garantir des soins de qualité à toute la population.
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