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Le contrat de partenariat public-privé apporte-t-il vraiment du nouveau l’investissement en Tunisie ?

Soucieux de mieux développer et d’améliorer l’action administrative contractuelle, les pouvoirs publics en Tunisie ont instauré le contrat du partenariat public-privé (PPP) et les législateurs ont doté ce contrat d’un cadre juridique spécial en vue de déterminer la particularité de son régime juridique.

Par Amir Ammar *

L’instauration d’un cadre juridique spécial pour le contrat de PPP traduit la tendance des pouvoirs publics vers «l’introduction plus de souplesse dans les relations contractuelles publiques, en favorisant l’association du secteur public au secteur privé, et ce pour un meilleur développement des public utilities»(1).

La notion du contrat du partenariat public-privé est définie par l’article 3 de la loi de 2015, comme étant «un contrat écrit à durée déterminée par lequel une personne publique confie à un partenaire privé une mission globale portant totalement ou partiellement sur la conception et la réalisation d’ouvrages, d’équipements ou d’infrastructures matérielles ou immatérielles nécessaires pour assurer un service public» (2).

Equilibre des rapports personne publique-partenaire privé

En vue d’encourager le recours à la pratique du contrat de PPP, le législateur a instauré un système de rééquilibrage des rapports personne publique-partenaire privé afin de contrebalancer les prérogatives de l’administration. Cela ne signifie pas seulement que le contrat de PPP est équilibré mais qu’il favorise aussi une meilleure protection des droits de la personne privée.

L’actualisation du prix, le droit à l’équilibre financier du contrat, le droit à l’indemnisation et les droits du partenaire privé concrétisent la volonté du législateur de préserver l’intérêt privé contre l’arbitraire administratif.

D’ailleurs, l’expression «droits des cocontractants»(3) figure parmi les mentions obligatoires du contrat de PPP. Aussi cet instrument juridique de contractualisation se révèle-t-il plus protecteur des droits du cocontractant de l’administration que les autres formes juridiques du contrat administratif.

Le législateur a également instauré des modes alternatifs de règlement des différends tels que le règlement à l’amiable et l’arbitrage et ce dans le but de contourner la rigidité et la complexité des règles caractérisant le contentieux.
Toutefois, la multiplicité des pouvoirs accordés à l’administration lors de l’exécution du contrat de PPP est critiquable, dans la mesure où le législateur garde toujours la même position selon laquelle les prérogatives de l’administration sont intangibles.

La prédominance de l’idée des pouvoirs confère à la personne publique dans le cadre d’un nouvel instrument juridique de contractualisation PPP, n’est qu’une manifestation de la rigidité des règles régissant la théorie générale du contrat administratif (4). D’ailleurs, l’administration est tenue d’exercer ses pouvoirs, mais elle n’a pas le droit de les abandonner (5) dans la mesure où tout acte de renonciation est de nature à engager sa responsabilité.

Prédominance de l’idée de la suprématie de l’intérêt général

Aucune évolution juridique n’a été établie concernant la question des prérogatives dont dispose l’administration lors de l’exécution du contrat de PPP où le législateur cherche à préserver le caractère administratif du contrat à travers la prédominance de l’idée de la suprématie de l’intérêt général au détriment de l’intérêt privé.

Il vient immédiatement à l’esprit que le contrat de PPP n’a de privé que le nom où qu’il est privé de toute particularité qui le distingue des autres instruments juridiques de contractualisation. La question qui se pose à ce niveau concerne l’utilité de la création d’un nouveau contrat administratif, le PPP en l’occurrence, alors que différents contrats analogues existent déjà? Quel est, donc, son apport ?

L’interrogation sur l’apport voire même l’utilité de ce type de contrat nous semble légitime dans la mesure où les administrations publiques n’ont pas encore recouru à la forme contractuelle de PPP.

* Doctorant en droit public à la faculté de droit de Sfax.

Notes :
1- Alain Menemenis, La Réforme du partenariat public-privé, «L’ordonnance sur les contrats de partenariat : heureuse innovation ou occasion manquée?», AJDA, P.1760.
2- Loi n° 2015-49 du 27 novembre 2015, relative aux contrats de partenariat public-privé, article 3.
3- Article 26 du décret gouvernemental n° 2016-772 du 20 juin 2016, fixant les conditions et les procédures d’octroi des contrats de partenariat public privé.
4- Gaston Jeze, Théorie générale des contrats de l’administration, Revue du droit public et de la science politique, P71.
5_ Jean Waline, Droit administratif, Dalloz, 22 édition, 2008, P.435. (CE, 21 Juillet, 1970, min. de l’équipement, AJDA 970, p. 631).

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