Rejetant la décision prise en juin dernier par le comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF), de faire rejouer la finale retour de la Ligue des champions africaine, la commission de discipline a infligé un gros camouflet au président de l’instance africaine, le Malgache Ahmad Ahmad.
Par Hassen Mzoughi
Déclaré hier, mercredi 7 août 2019, championne d’Afrique et le Wydad Athletic Club (WAC) «perdant par forfait», l’Espérance sportive de Tunis (EST) inscrit ainsi son nom au palmarès pour la deuxième année consécutive.
La décision devra être approuvée par le Tribunal arbitral du sport (TAS) qui n’acceptera pas, d’ailleurs, un nouvel appel du WAC. En effet, le TAS était clair lorsqu’il a cassé la décision du comité exécutif de la CAF. Il a rejeté les demandes du club marocain et admis d’examiner la requête de l’EST, notamment de récupérer son trophée. Par ailleurs, il se peut que le TAS demande à la CAF d’infliger d’autres sanctions à l’encontre du président du WAC, Said Naciri, notamment après ses déclarations jugées déplacées.
Le verdict de ladite commission s’inscrit en droite ligne de la jurisprudence prévalant habituellement lorsqu’une équipe se trouve en situation d’abandon du match, comme c’était le cas des Marocains, sachant qu’il n’existe aucun règlement de la CAF ou de la FIFA statuant qu’un match peut être rejoué pour défaut ou problème de VAR.
Difficile de ne pas voir dans cette décision un désaveu pour Ahmad Ahmad, président de la CAF, qui n’avait pas hésité à créer un dangereux précédent en faisant voter, avec passage en force, match à rejouer qui plus est sur terrain neutre, de cette manche retour, et en ordonnant à l’EST de rendre la Coupe et les médailles qui lui avaient été remis après la rencontre. Mais c’était avant que le TAS ne casse la «sanction» prise par le comité exécutif pour vice de forme.
Les contradictions de la CAF
La finale retour de la plus prestigieuse compétition de clubs est sans aucun doute l’une des finales les plus moches du football africain. Cette édition 2018-2019 restera comme l’une des pires de la Ligue des champions. En phase de groupes, déjà, le club égyptien d’Ismaily avait été disqualifié suite à des violences de ses supporteurs face aux Tunisiens du Club africain. Mais la CAF avait levé la sanction. L’arbitre égyptien de la finale aller EST-WAC, Jihed Greisha, a été suspendu 6 mois pour des «erreurs ayant lésé» le club casablancais, avant d’être rapidement gracié pour arbitrer lors de la dernière CAN en Egypte.
Le comportement antisportif des Marocains en finale retour a été totalement ignoré par la CAF qui, non seulement ne le sanctionne pas, mais donne gain de cause aux fautifs, en décidant de retirer le trophée et les médailles qu’elle avait elle-même décernés. Après avoir évoqué puis oublié le problème de la VAR pour justifier sa décision de faire rejouer le match, la CAF a avancé un autre prétexte : un défaut de sécurité. Evidemment un mensonge éhonté. C’est plutôt au Maroc que les supporteurs de l’Espérance ont été victimes de jets de pierres et d’insultes en l’absence totale de la police marocaine. Mais cette décision de rejouer le match, prise en faveur des Marocains après des interventions de haut niveau sur l’ensemble des membres, était dès le départ contestable puisqu’elle crée un précédent dangereux, récompense un comportement antisportif et accrédite l’idée déjà répandue d’une présidence sous influence.
Au regard de la situation actuelle du football africain, des conditions chaotiques d’attribution de la Coupe d’Afrique des nations à l’Egypte, et récemment l’interpellation du président de la CAF, le 6 juin 2019 à Paris, par les services de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (Oclif), suite à une affaire de contrat rompu de manière unilatérale avec l’équipementier allemand Puma pour s’engager avec une entreprise française dénommée Technical Steel pour un surcoût de 900 000 euros, la gestion Ahmad Ahmad va de fiasco en fiasco.
Même s’il en est ressorti libre sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui, cela ne signifie pas pour autant la fin des déboires du patron du football africain avec la justice française dans cette sombre affaire reçue comme un coup de massue par le football africain après une année très mouvementée. Une affaire qui ternit davantage l’image de l’instance dirigeante du football africain et de son président, très décrié ces derniers mois.
La CAF sous tutelle de la Fifa
Malgré les soupçons de corruption qui l’éclaboussent, le président Ahmad Ahmad se maintient à la barre. Chose qui a incité la Fifa, instance dirigeante du football mondial, à charger sa secrétaire générale Fatma Samoura comme déléguée générale pour superviser la CAF, à partir du 1er août 2019, et pendant six mois. Une mise sous tutelle pour corriger la situation l’instance africaine et lui assurer «un fonctionnement de manière transparente, efficace et selon les standards de gouvernance les plus élevés», selon le communiqué de la Fifa. «Il est prévu qu’un audit général de la CAF soit mené dans les plus brefs délais par la Fifa avec les services de la CAF», est-il également précisé. C’est tout dire !
Le football africain a toujours joué sa crédibilité pendant les règnes de Tessema Yednektchew et Issa Hayatou. Aujourd’hui, après plusieurs scandales qui ont éclaboussé son image, le dernier étant la finale retour de la Ligue des champions, les dirigeants du foot continental poursuivent les dérapages. Ne cherchez pas loin le fiasco du foot africain qui reste très loin du haut niveau non seulement en termes de performances techniques mais aussi de gouvernance politique.
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