Dans ‘‘Café Express ’’, l’écrivaine et romancière Hafidha Karabiben, tente de décrire une atmosphère, à travers la représentation d’un lieu, d’un personnage, d’une temporalité et d’une situation donnée. Le but étant d’offrir ou peindre un paysage, permettre au lecteur la vision d’un lieu ou d’un paysage?
Par Kahena Abbes *
Dans ce recueil de nouvelles en langue arabe paru aux éditions Arabesques en 2017, l’écriture littéraire est-elle largement inspirée du cinéma et de la peinture?
C’est fort probable. Cependant, l’écriture d’Hafidha Karabiben ne s’arrête pas à cette visualisation, elle va au-delà, jusqu’à parvenir à un renversement progressif des événements et l’émergence d’une atmosphère opposée à celle décrite par l’auteure au début de son récit.
Eveiller l’émotion du lecteur
Ainsi, le but de l’écrivaine est de mettre en relief des situations totalement antinomiques, en évoquant entre autres la beauté face à la laideur, la vie face à la mort, l’espoir face au désespoir…
On pourrait penser, de prime à bord, que cette double description vise à éveiller l’émotion du lecteur, pour qu’il puisse se révolter contre l’injustice, la laideur, la violence, en revendiquant d’autres valeurs, comme la justice et la beauté. En réalité, celle-ci a une autre fonction : celle de créer le sens de l’histoire.
Ainsi l’image telle que décrite par Hafidha Karabiben ne constitue pas un espace représentant une réalité quelconque, mais aussi un lieu chargé de sens et de symboles.
Dans la nouvelle intitulée ‘‘Ils ont volé mon dieu’’, l’auteure nous décrit une belle rencontre entre deux personnages : un acteur et une poétesse, en mettant l’accent sur la beauté et le talent de l’un, l’enthousiasme, la force du texte écrit par l’autre; l’atmosphère générale nous fait croire que la pièce de théâtre va être jouée dans une ambiance de joie et de succès, mais nous apprenons à la fin que la poétesse et dramaturge de la pièce de théâtre a été tuée par des fanatiques religieux. Pour quel motif ? Parce qu’elle a écrit un texte dont on ignore le contenu, mais qui est porteur d’une poésie débordante; par conséquent le meurtre a été commis pour éteindre le sens secret, inépuisable et immortel du texte théâtral.
La subtilité du style littéraire
Comme on pourrait le constater, la description excède les traits caractéristiques des personnages, pour atteindre une autre dimension celle de créer une ambiance, et au-delà de l’ambiance, une polysémie ouvrant la voie à plus qu’une question: pourquoi la poétesse a-t-elle été assassinée? Est-ce parce que son texte déborde de vitalité, d’amour et d’enthousiasme? Si c’est le cas, peut-on tuer la vie elle-même?
La réponse ne peut être que négative. C’est pour cela qu’à la fin de la nouvelle, la sœur jumelle de la victime a pu assister à la pièce théâtrale.
Mais l’auteure ne se contente ni de défendre certaines valeurs ni de créer le sens de ses nouvelles, elle va nous offrir aussi tout un paysage de la psychologie humaine avec ses différentes variations comme l’amour, la passion, la déception, l’injustice, l’ingratitude, la trahison…
Notons, enfin, la subtilité du style littéraire d’Hafidha Karabiben avec sa précision et ses détours, ses acquis classiques et ses attributs modernes qui font la singularité de son texte sur le plan esthétique.
Un texte teinté de romantisme, qui refuse l’ordre du monde habité par la violence, l’injustice et la trahison.
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