Nombreux sont les Tunisiens pseudo-patriotes qui s’empressent de fustiger les candidats binationaux aux élections. Le plus choquant, c’est qu’ils trouvent toujours des ouailles attentives à leurs déblatérations et des imbéciles pour faire écho à leur rengaine raciste qui frappe d’anathème les Tunisiens détenteurs d’une double nationalité.
Par Mohamed Sadok Lejri *
Tout ce beau monde ne cesse de prêcher que les hautes responsabilités de l’Etat et les fonctions dont la nature est sensible doivent être interdites aux binationaux. Autant dire qu’en tout binational sommeille un traître potentiel. Une épée de Damoclès pend au-dessus de la tête des binationaux, lesquels sont maintenus dans un éternel sursis parce qu’ils ont un parent étranger et/ou une deuxième nationalité.
Être mono-national n’est pas une garantie de patriotisme
Sous nos cieux cléments, au lieu de valoriser cette richesse, on préfère la stigmatiser. Comme si être mono-national était la garantie d’un patriotisme pur. Les jihadistes, les barons de la contrebande et les revendeurs-«gacharas» qui affament tout le pays, les députés qui s’offrent au plus offrant à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), les politicards véreux, les partis financés par des pays étrangers aux noirs desseins, etc., prouvent jusqu’à quel point le patriotisme est ancré dans les âmes des Tunisiens qui n’ont qu’une seule et unique nationalité.
D’ailleurs, les Tunisiens privilégieront toujours l’islam et l’argent à la nation qui demeure pour eux une notion toute abstraite. En effet, il est difficile de parler de communauté nationale dans un pays où les notions de bien public et d’espace public n’éveillent aucun intérêt chez la majorité de ses habitants.
La constitution stipule que le candidat aux élections présidentielles doit jouir de la nationalité tunisienne par la naissance et, s’il est titulaire d’une autre nationalité, il doit s’engager à abandonner son autre nationalité en cas d’élection.
Ce choix a ainsi été établi sur la base de considérations ethniques et religieuses et relègue de facto une partie de la population tunisienne au rang de citoyens de seconde zone, notamment les Tunisiens non-musulmans et ceux qui sont devenus Tunisiens par naturalisation. L’on ne peut se prévaloir d’être une démocratie quand on promulgue la discrimination juridique et la ségrégation politique comme lois constitutionnelles.
L’instrumentalisation du sentiment anti-occident
L’instrumentalisation du sentiment anti-occident, a fortiori anti-français, est récurrente dans la vie publique tunisienne, même si bon nombre de politiciens et d’intellectuels tunisiens ont tendance à ressortir le thème de «pions des chancelleries occidentales» et de «Hezb França» (parti de la France) afin de stigmatiser leurs adversaires binationaux, lesquels sont d’ailleurs constamment accusés d’être la cinquième colonne au service de l’Occident et de l’ancienne puissance coloniale.
En réalité, ceux qui adhèrent à ce type de discours ne font que déverser leur fiel sur des gens qu’ils envient, ils se confinent dans un nationalisme étriqué pour justifier leur haine de l’Occident, voire leur racisme.
En réalité, ce ne sont pas les prétendues velléités néocoloniales et impérialistes de l’Occident qui sont visées à travers ces lois et slogans hostiles aux binationaux, mais l’influence irrésistible du mode de vie occidental. La peur de voir les usages locaux et les traditions archaïques tomber en désuétude confère aux lois les plus rétrogrades et discriminatoires une certaine légitimité. Elles donnent une impression de sécurité. Que votre vénérable président 100% Tunisien soit l’homme providentiel qui vous ouvrira les portes du paradis !
P.-S. : Dans un pays comme la France, dès que vous accédez à la nationalité française, vous jouissez de tous les droits garantis par la constitution. C’est également valable pour les Etats-Unis, un pays dont la population se caractérise pourtant par un nationalisme exacerbé. Si la France se mettait à refuser la candidature des citoyens franco-maghrébins aux élections présidentielles, des torrents de larmes couleraient de tous les yeux et les Français seraient maudits à jamais. Mais il faut comprendre que dans les sociétés dites arabo-musulmanes, la tolérance est une route à sens unique.
* Universitaire.
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