On prête à Youssef Chahed un cynisme monstrueux dans l’exercice de son pouvoir. Le candidat de Tahya Tounès à la présidentielle n’est pas un ange ailé qui descend du ciel, mais je pense qu’il est victime d’une diabolisation à laquelle tous ses adversaires politiques prêtent volontiers la main pour des raisons purement électorales.
Par Mohamed Sadok Lejri *
Dans un long statut publié samedi 7 septembre 2019, Abdelaziz Belkhodja, porte-parole de la campagne de Nabil Karoui, candidat du parti Qalb Tounes à la présidentielle du 15 septembre 2019, se livre à de graves accusations contre Youssef Chahed. Je ne doute pas de sa bonne foi et je ne suis pas au fait des circonstances de l’affaire qu’il évoque pour être en mesure de donner mon opinion, mais j’ai du mal à croire que Youssef Chahed ait expédié Imed Achour et Saber Laâjili au cachot pour que les Tunisiens voient en lui le porte-drapeau de la lutte contre la corruption; cela me semble très léger comme argument.
Chahed victime d’une opération de diabolisation
Il faut dire que l’on prête à Youssef Chahed un cynisme monstrueux dans l’exercice de son pouvoir. Le candidat de Tahya Tounès n’est pas un ange ailé qui descend du ciel, mais je pense qu’il est victime d’une diabolisation à laquelle tous ses adversaires politiques prêtent volontiers la main pour des raisons purement électorales.
D’aucuns reprochent à Youssef Chahed d’avoir, très prématurément, mis fin à la lutte contre la corruption. Ils lui reprochent d’avoir interrompu ce projet salutaire, alors qu’il n’était encore qu’au stade embryonnaire.
D’aucuns prétendent que Youssef Chahed n’avait d’autre ambition que d’exclure ses adversaires politiques. Selon certains, il aurait exploité en sa faveur le rêve des Tunisiens de voir un jeune dirigeant intègre et hardi mettre sur pied un mani pulite tunisien.
En réalité, Youssef Chahed est revenu sur cette question à plusieurs reprises par le passé, mais je pense que les gens deviennent sourds dès qu’il prend la parole. Ils sont déçus et ne lui pardonneront jamais de ne pas avoir trouvé de «remède miracle» aux innombrables fléaux qui rongent le pays depuis plusieurs décennies. Bien que beaucoup de personnes prétendent le contraire, les Tunisiens sont en quête de l’«homme providentiel».
Youssef Chahed a, maintes fois, dévoilé le piège dans lequel il s’est pris dans son entreprise de lutte contre la corruption qui, malheureusement, n’a été qu’un feu de paille. Si cette tentative d’éradiquer la corruption qui gangrène l’Etat et tous les échelons de la société a tourné court, c’est à cause de la duplicité du discours des grands partis politiques et de leur implication directe dans le triomphe de la corruption et de l’argent sale.
Belkhodja feint d’ignorer les turpitudes de Nabil Karoui
Ce que certains ignorent et ce que d’autres omettent de dire, c’est que Youssef Chahed a déclenché une levée de boucliers de la part des plus grands partis politiques en s’attaquant à la corruption. Il a, certes, eu droit à des encouragements de façade de la part des partis politiques, mais ces mêmes partis lui mettaient les bâtons dans les roues en catimini.
Ils faisaient semblant d’encourager Chahed à aller jusqu’au bout dans sa lutte contre la corruption, mais, en réalité, ils ont tout fait pour lui dresser des obstacles infranchissables. Il est de notoriété publique que Nidaa, Ennahdha et d’autres encore faisaient tourner à plein régime leurs grosses machines avec l’argent sale qu’ils recevaient en espèces pour ne pas laisser de traces.
Je pense que M. Belkhodja est passé à côté de l’essentiel. Il s’est empêtré dans de vaines arguties et a à peine effleuré le sujet brûlant de la lutte contre la corruption. Est-ce par crédulité? Voulait-il témoigner son amitié à Nabil Karoui, le candidat aux présidentielles embastillé, en publiant ce long statut accablant dans lequel subodore un relent de vengeance ? La haine qu’il éprouve à l’égard du chef du gouvernement l’a-t-elle amenée à déceler chez Chafik Jarraya des vertus insoupçonnées ?
En tout cas, Abdelaziz Belkhodja n’a fait qu’incriminer Youssef Chahed sans preuves tangibles, alors qu’il est le porte-parole d’un candidat qui en connaît un rayon en matière de turpitude morale et dans le domaine de la crapulerie la plus abjecte. Est-ce vraiment utile de rappeler que Nabil Karoui a, en moins de rien, transformé la mort de son fils en un fonds de commerce, en un «slogan» qui rapporte, et a décidé de faire du nom de Khalil un tremplin pour Carthage ?
* Universitaire.
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