Le prix de meilleur gouverneur de banque centrale pour la région Moyen Orient et Afrique du Nord (Mena) décerné récemment au gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) Marouane El Abassi de doit pas cacher à nos yeux la grande vulnérabilité du système bancaire tunisien.
Par Amine Ben Gamra *
Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a été élu, récemment, à Washington, en marge des assises de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI), «Meilleur gouverneur de Banque centrale en 2019 pour la région Mena». Mais, par-delà sa portée honorifique pour l’intéressé, ce prix ne doit pas cacher à nos yeux la vulnérabilité du système bancaire tunisien, hyper fragmenté et dominé par des banques de petite taille qui n’ont aujourd’hui aucune chance d’être compétitives à l’échelle internationale et sont incapables de s’imposer dans d’autres régions comme l’Afrique subsaharienne face au géant marocain Attijariwafa bank, déjà fortement implanté au sud du Sahara.
Poursuite de l’hémorragie de liquidité
Le secteur bancaire tunisien souffre de problèmes récurrents de liquidités toujours tendues, de coûts de financement en constante hausse, du poids encore important des crédits non performants, du niveau élevé de l’inflation et des craintes d’un nouveau cycle de dépréciation du dinar tunisien.
La réelle menace est que l’hémorragie de liquidité continuera conjointement à de nouvelles hausses du taux d’intérêt ce qui ruinera surtout des milliers de petites et moyennes entreprises et 900.000 ménages fortement endettés auprès des banques, au risque d’affaiblir davantage leur pouvoir d’achat et de provoquer, en conséquence, une crise systémique qui n’épargnera aucun secteur de l’économie nationale.
Cela sans oublier «la plus grande affaire de corruption de l’histoire de la Tunisie», selon l’expression même du chef du gouvernement Youssef Chahed, qui est celle de la Banque franco-tunisienne (BFT), opposant le fonds d’investissement hollandais ABCI à l’Etat tunisien. Reconnu coupable par le Centre international d’arbitrage pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), ce dernier risque d’être amené à payer de lourds dommages et intérêts, ce qui, on l’imagine, aura de très lourdes conséquences sur les finances publiques, déjà très mal en point, et l’investissement extérieur, lui aussi à la traîne.
La menace d’une crise systémique approche
Par ailleurs, de graves retombées sur le système bancaire tunisien dans son ensemble ne sont pas, non plus, à exclure, même si, dans cette affaire, l’Etat tunisien et les opérateurs économiques responsables de la faillite de la BFT, poursuivent leur politique de l’autruche, s’enfouissant la tête dans le sable pour ne pas voir le danger tout proche.
Aussi le nouveau gouvernement doit-il être formé rapidement et élaborer une feuille de route contenant des mesures et des actions concrètes et rapides permettant de résoudre les difficultés du secteur et surtout de renforcer la supervision bancaire.
* Expert-comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie.
Donnez votre avis