Selon Taoufik Rajhi, ministre auprès du chef du gouvernement chargé des Grandes réformes, l’enveloppe requise pour restructurer le transporteur national Tunisair est estimée à un milliard de dinars. Il n’a cependant pas spécifié comment l’Etat compte s’y prendre pour fournir ce montant nécessaire au redressement de la situation alarmante du groupe Tunisair : sureffectif ingérable, mode gouvernance inadapté, flotte vieillissante, mauvaise image…
Par Khémaies Krimi
En dépit de la gravité de la crise par laquelle passe le transporteur national, M. Rajhi, qui parlait lors d’un point de presse, vendredi 13 décembre 2019, n’a pas, également, jugé utile de préciser si le statut public de la compagnie sera maintenu, si le groupe sera privatisé ou s’il sera associé à un partenaire stratégique. Il a gardé, aussi, le silence sur un éventuel plan social.
Autant que zones d’ombre auxquelles le Pdg du groupe Tunisair, Elyès Mnakbi, a essayé d’apporter des réponses dans de récents entretiens et déclarations accordés aux médias.
L’Open sky, opportunité pour la mise à niveau de Tunisair
Au sujet de l’argent nécessaire pour la restructuration, il a déclaré à maintes reprises qu’il compte sur une éventuelle aide financière de plus d’un milliard de dinars que lui fournirait l’Union européenne (UE) pour l’aider à mettre à niveau la compagnie en contrepartie de son adhésion à la convention de l’Open sky ouvrant totalement le ciel tunisien aux compagnies européennes.
Rappelons qu’aux termes de cette convention paraphée le 11 décembre 2017, à Tunis, la Tunisie s’engage à ouvrir son ciel, dans le cadre de la déréglementation aérienne internationale, aux compagnies aériennes étrangères.
Bien qu’il en soit exempté pour une période 5 ans après la mise en application de cet accord, le pavillon tunisien, et particulièrement Tunisair, craint particulièrement cette ouverture. Selon ses responsables, la compagnie nationale tunisienne ne peut pas accepter d’intégrer un monde concurrentiel avec des armes de loin inférieures à celles des compagnies concurrentes autrement plus puissantes. D’où l’enjeu d’une aide financière que pourrait lui fournir l’UE pour lui permettre de se mettre à niveau à tous les niveaux.
Cette convention de l’Open sky, qui n’a pas pu entrer en fonction en raison des blocages causés par les longues négociations sur le Brexit (processus de sortie du Royaume Uni de l’UE), a, aujourd’hui, toutes les chances d’être mise en œuvre après la récente victoire des partisans du Brexit, lors des législatives anticipées britanniques de ce mois de décembre 2019.
En cas d’aide européenne, ce qui est encore loin d’être donné, les responsables du groupe Tunisair comptent l’utiliser pour renforcer les efforts qu’ils sont en train de déployer pour résoudre deux problèmes majeurs : la réduction de l’effectif pléthorique et le renouvellement de la flotte vieillissante.
Démarrage incessant d’un plan social
En attendant, le transporteur national a commencé à entreprendre, à sa charge – c’est-à-dire à la charge de l’Etat – la mise en œuvre des réformes prévues dans le cadre du plan de restructuration.
Ainsi, en ce qui concerne le plan social, il s’est engagé à libérer, au cours de l’année 2020, plus de 800 agents et cadres dont 400 incessamment et 400 d’ici la fin du prochain exercice.
Ce nombre est toutefois insuffisant puisque le groupe compte 7800 employés alors que si on applique les normes internationales en la matière, il n’a besoin que de 2000 pour une flotte opérationnelle actuelle de 20 avions, soit 100 employés par avion.
Le premier responsable de Tunisair, qui s’exprimait dans le cadre d’une interview accordée, ces derniers jours au magazine ‘‘L’Economiste maghrébin’’ a annoncé que «le coût d’indemnisation de ce premier de contingent libéré est estimé à 72 millions de dinars tunisiens (MDT) dont 52 MDT ont été mis, à cette fin, à la disposition du groupe par l’Etat, depuis 2015, du temps où le défunt Slim Chaker était ministre des Finances».
Pour la libération et l’indemnisation d’autres contingents de personnel excédentaire, Elyès Mnakbi mise sur l’apport financier de l’UE au titre d’un éventuel programme de mise à niveau du groupe.
Le leasing pour renouveler la flotte
S’agissant du renouvellement de la flotte, là aussi, le transporteur national a commencé par compter sur ses propres moyens. Il vient de négocier avec la compagnie de leasing aérien d’avions de droit irlandais SMBC Aviation Capital un précontrat qui sera avalisé dans un mois pour la location de 5 avions A 320néo, âgés de 6 ans.
Rappelons que la moyenne d’âge des avions de la compagnie est estimée à 15 ans. D’ailleurs, c’est ce vieillissement de la flotte qui serait, selon les responsables de Tunisair, à l’origine des retards et de la mauvaise qualité du service.
Ces deux défaillances ont valu à Tunisair d’être classée, ces derniers jours, par la plateforme américaine, ClaimKompass, spécialisée dans le service de l’industrie du voyage, comme «la pire compagnie aérienne au monde en 2019».
Ce classement, même s’il est contesté par Tunisair, est des plus logiques au regard des désagréments occasionnés, des années durant, aux voyageurs par l’effet des retards monstres atteignant parfois les 10 heures, le vol des bagages, le non-dédommagement, l’absence de communication, le mauvais accueil, la mauvaise qualité du service…
Par-delà ces détails, Elyès Mnakbi s’est employé, dans ses dernières apparitions médiatiques, à interpeller le gouvernement et lui demander de clarifier, à l’opinion publique, ce qu’il compte faire du transporteur national dans l’avenir. Pour lui, la Kasbah doit, plus que jamais, assumer ses responsabilités sur ce dossier. Et ne plus chercher à se cacher derrière son petit doigt ou à toujours laisser la résolution des problèmes chroniques pour le lendemain
Est-il besoin de rappeler que les problèmes rencontrés par le transporteur national ne sont pas conjoncturels. Ils sont structurels et remontent à 2003. À cette date, il était déjà question d’un plan de restructuration en vertu duquel il était prévu, entre autres, de libérer 2000 agents et cadres sur un total, à l’époque, de 7000.
Cela pour dire au final que la crise de Tunisair a trop duré et que le moment est venu pour prendre des décisions.
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