Si de hauts dirigeants d’Ennahdha, comme Abdellatif Mekki, ne croient pas aux chances de réussite du gouvernement Jemli, dénué de vision politique et de solutions économiques, on peut prévoir sa chute rapide, car il aura du mal à faire l’unanimité dans la population et encore moins parmi les partis politiques dont il essuiera les coups de boutoir dès son investiture.
Par Cherif Ben Younès
Le dirigeant au sein d’Ennahdha, Abdellatif Mekki, a indiqué aujourd’hui, mardi 24 décembre 2019, via un post facebook, qu’il ne fait aucunement confiance à un gouvernement composé de technocrates, la solution pourtant adoptée par le bureau exécutif de son parti, puis annoncée par le chef du gouvernement désigné par ce dernier, Habib Jemli.
L’ancien ministre de la Santé publique (2012 – 2013) a avancé plusieurs arguments pour appuyer sa position. La première est le fait que, selon lui, les problèmes du pays nécessitent la mise en place d’options politiques dans les divers domaines, «par les meilleurs procédés techniques». Ce qui ne sera, d’après lui, visiblement pas possible avec une équipe gouvernementale indépendantes des partis. Même si cette indépendance n’est très probablement que théorique.
Un gouvernement qui se fera dicter ses décisions
M. Mekki estime, d’autre part, qu’un tel gouvernement ne sera pas adopté réellement par le peuple, étant donné que ce dernier n’aura pas voté pour les personnalités qui le composeront.
L’islamiste indique, par ailleurs, que les partis qui auront donné leur confiance à ce gouvernement pourront facilement le renier à tout moment, sous prétexte qu’il était mis en place sous la contrainte.
Ce gouvernement finira, selon Abdellatif Mekki, par adopter des solutions «dictées», car ce se sera «plus facile pour lui d’agir de cette manière». «Mais ces solutions ne feront qu’aggraver la situation de l’économie du pays, des finances publiques et du pouvoir d’achat de la grande majorité des citoyens», ajoutera-t-il.
«Tout le monde a oublié les objectifs stratégiques de ce gouvernement et s’est noyé dans les détails […] Mais tout cela n’aurait pas dû nous empêcher d’être plus patients avec la possibilité de former un gouvernement politique, avec un programme et une équipe convenus qui commencent par adopter et mettre en route de vraies solutions à notre situation. Assez de rafistolage !», a-t-il également déploré.
Le médecin a, par ailleurs, souligné qu’Attayar et Echaâb n’auraient pas dû traiter le dossier de la formation du gouvernement comme ils l’ont fait, à commencer par leur condition que son président ne soit pas d’Ennahdha et en arrivant à toutes les autres autres exigences qu’ils ont émises.
Ennahdha aurait dû se conformer aux directives de la Choura
«Il est vrai aussi que le négociateur d’Ennahdha aurait dû se conformer aux décisions et directives du Majlis Choura (bureau politique, Ndlr) depuis la première réunion relative au dossier du gouvernement, jusqu’à ce jour», conclue-t-il.
Ce qu’il faut retenir de cette publication facebook c’est qu’elle montre qu’il y a des dirigeants nahdhaouis du premier plan, à l’instar de M. Mekki, dont la vision s’oppose diamétralement à la politique d’Ennahdha, ce qui confirme les bruits parlant de tiraillements et de conflits internes au sein du mouvement islamiste qu’on croyait, jusqu’à un passé pas si lointain, beaucoup plus homogène et compact.
La ligne de Rached Ghannouchi, président du parti islamiste, un petit dictateur dans le genre, soutenu par une camarilla de proches et d’obligés, est donc loin de faire l’unanimité. C’est un euphémisme. Et il est permis de prévoir une chute rapide du gouvernement Jemli, dénué de vision et de solutions, qui aura du mal à faire l’unanimité dans la population et encore moins parmi les partis politiques dont il essuiera les coups de boutoir dès son investiture. Les paris sont ouverts…
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