A travers un long post facebook, paru hier, 6 janvier 2020, Mohsen Marzouk, fondateur et président du parti Machrou Tounes, a adressé une lettre au président de la République Kaïs Saïed, dans laquelle il l’appelle ouvertement à faire preuve de plus de réactivité face au dossier libyen, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, tout en lui livrant quelques conseils pratiques sur le plan politique et diplomatique.
«Les tambours de guerre sonnent en Irak et en Iran, la guerre se poursuit en Syrie, au Yémen et en Libye où la situation se dégrade. Les Turcs ramènent, en effet, des milices terroristes de Idleb à Tripoli en se contentant de les diriger… Et pour répandre plus de sang arabe, libyen, ils répandront celui des autres. Tout cela se passe dans notre région, et ce qui se passe en Libye n’arrive pas dans notre voisinage mais bien chez nous. Et nous, où sommes-nous ?», s’est-il alarmé.
Pour faire face à cette situation critique, Mohsen Marzouk a suggéré à Kaïs Saïed de travailler sur deux fronts, conformément à ses prérogatives de chef d’Etat…
«Sur le plan interne, je vous invite à vous adresser au parlement et à y obtenir une position confirmant la neutralité de la Tunisie vis-à-vis de la politique des axes et sa disposition de jouer uniquement un rôle de médiation. Cela consolidera notre diplomatie car ce sera une décision souveraine et démocratique qui vous protégera et protégera la Tunisie de toute pression. Que cela soit une décision de déclarer la Tunisie comme étant un pays de neutralité, de médiation et d’action humanitaire», a-t-il écrit.
«Sur le plan extérieur, prenez le premier avion en direction de l’Algérie […] Les Algériens sont, tout comme les Libyens, notre peuple et nous ne traitons pas avec eux sur la base de protocoles compliqués. Le président Tebboune est votre frère, appelez-le et dites-lui que demain ou après-demain vous serez chez lui. Erdogan n’a-t-il pas fait la même chose avec une arrogance qui vous a été, et nous a tous été, imposée ? Nous devrions tout coordonner avec l’Algérie, à l’instar de l’approche et de la protection des frontières. C’est ainsi que nous et l’Algérie nous renforçons mutuellement», a-t-il poursuivi.
L’ancien secrétaire général de Nidaa Tounes (mai – décembre 2015) a, par ailleurs, incité le président Saïed à se concerter avec les deux parties en conflit en Libye (à savoir le gouvernement d’entente nationale, conduit par Fayez Sarraj, et le gouvernement de Tobrouk, commandé par le maréchal Khalifa Haftar, ndlr) «comme le font tous les pays du monde», le mettant en garde contre l’adoption de la position «idéologique» du parti islamiste Ennahdha : «Il ne faut pas que la Tunisie en paye le prix».
En effet, Ennahdha se range, corps et âme, du côté du gouvernement de leur «frère musulman» Fayez Sarraj, sous prétexte qu’il dispose de la légitimité internationale, puisque depuis mars 2016, il est reconnu par l’Organisation des nations unies (Onu).
«Le téléphone est utile. Il faut contacter les dirigeants arabes, européens, russes et chinois pour leur expliquer notre position et nos difficultés, tout en leur demandant de la compréhension et du soutien. Nous devons mandater des envoyés spéciaux afin de comprendre ce qui se passe directement. Nous informons, par la suite, l’opinion publique de tout cela. Nous ne devons pas paraître isolés et seuls», a développé Mohsen Marzouk.
«Nous devons activer notre accord avec les Etats-Unis et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), notre voisin immédiat, puisque nous avons le statut d’un allié majeur. Nous expliquons la situation et demandons ce dont nous avons besoin», ajoute-t-il.
«Nous devons également mandater un envoyé spécial au Secrétaire général de Nations unies pour expliquer les dangereuses conséquences humaines attendues, afin de ne pas avoir à les supporter seuls, car nous n’avons pas les moyens de le faire», poursuit-il.
«Monsieur le président, vous savez mieux que moi que cela nécessite la formation d’une cellule de crise urgente, dont les membres seront nos compétences diplomatiques nationales, quelles que soient leurs couleurs partisanes. Vous devez agir immédiatement. Nous sommes déjà très en retard», a-t-il conclu.
Kaïs Saïed, à qui on reproche d’être trop passif malgré la situation bouillante à l’échelle internationale, a au moins maintenant de quoi s’inspirer pour aller de l’avant et s’activer notamment concernant le dossier libyen.
C. B. Y.
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