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Communication politique : Abir Moussi dénonce «l’apeuprisme» du gouvernement

Il n’y a pas mieux qu’une communication transparente, claire et émise au bon moment pour dissiper le voile d’ambiguïtés, de flous voire de mensonges, souvent entretenus par les parties prenantes concernant certains projets importants. Et c’est de l’Etat, représenté par le gouvernement, que l’on attend le plus cette communication.

Par Khémaies Krimi

Invité, le 6 février 2020, par la chaîne privée, El Hiwar Ettounsi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi qui préside la commission parlementaire de l’énergie et des ressources naturelles à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP,) a levé le voile sur ce qu’elle a appelé «l’apeuprisme», voire «le caractère presque mensonger» ou délibérément vague et imprécis, d’annonces importantes faites par le gouvernement à propos de trois projets stratégiques pour le pays, en l’occurrence, l’entrée en production du gisement Nawara à Tataouine, la lutte contre la pollution à Gabès et la fermeture d’usine de la Siape à Sfax.

Abir Moussi, qui a effectué, les 27 et 28 janvier 2020, à la tête d’un délégation parlementaire, une visite dans plusieurs sites miniers et énergétiques, dont ceux cités ci-haut, persiste et signe, en démentant les affirmations du chef du gouvernement de gestion des affaires courantes, Youssef Chahed, et de son ministre de l’Industrie et des PME, Slim Feriani, selon lesquelles le champ gazier Nawara à Tataouine est entré en exploitation.

Champ Nawara : la production a-t-elle (ou non) démarré ?

Selon les témoignages et déclarations qui ont été faites sur le site de transformation de gaz, à Gabès, à la délégation parlementaire qu’elle avait conduite, pour s’enquérir de l’avancement du projet, le gisement est actuellement au stade des tests techniques et ne peut entrer en production que vers le 10 mars prochain.

Il faut reconnaître que l’opacité qui a entouré, depuis plus d’une année, la date d’entrée en fonction de ce gisement, tout autant que l’annonce de son entrée en production, le 4 février courant, par un tweet du chef du gouvernement de gestion des affaires courantes, en l’absence de la presse régionale et nationale, suscite beaucoup d’interrogations.

Pour rappeler les deux engagements phares pris dans cette affaire, Youssef Chahed avait annoncé, fin 2018, l’entrée en production de ce gisement pour juin 2019. À la même période, OMV, régie autrichienne de gestion du pétrole, partenaire de ce mégaprojet, avait indiqué que l’entrée en fonction du gisement, en 2019, serait très difficile par l’effet des surcoûts générés par le retard qu’a accusé ce projet en raison, entre autres, des mouvements sociaux.

Selon une source syndicale de la Fédération générale de la pétrochimie, relevant de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le retard serait dû à des litiges financiers entre l’Entreprise tunisienne des activités pétrolières (ETAP), copropriétaire à hauteur de 50% du projet, et les sociétés de services y opérant.

À noter que ce mégaprojet, dont l’entrée en fonction aurait due être fortement médiatisée, si on croit le gouvernement bien évidemment, va produire 17 millions de m3 de gaz par jour, soit une augmentation de 50% de la production de gaz nationale, et fournir, annuellement, une production nationale estimée, en valeur, annuellement à 500 millions de dollars, soit près de 1,400 milliard de dinars, ce qui pourrait rapporter 1% de croissance. Ce champ gazier va également générer une réduction des importations de gaz de 3%, du déficit énergétique (-20%) et du déficit commercial (-7%), toujours selon le ministre.

Manipulation de la société civile

S’agissant de la lutte, à Gabès, contre la pollution, dont les principaux indices sont les rejets en mer du phosphogypse et de fluor, Abir Moussi a révélé que, contrairement à ce que prétend le pollueur, le Groupe chimique tunisien (GCT), entreprise publique, la société civile n’est pas totalement contre le projet du site d’enfouissement du phospho-gypse à 25 kms de Gabès. Auditionnés à l’ARP par sa commission, les représentants de cette société n’exigent «que» la révision de certaines composantes du projet.

À ce sujet, la députée a déploré la manipulation des Ong de Gabès. Elle a indiqué que certaines de ces Ong sont utilisées pour défendre l’emploi et maintenir le statuquo, c’est-à-dire la pollution, tandis que d’autres sont interpellées pour défendre le droit des Gabésiens à un environnement viable et sain. Tout dépend de l’intérêt que le gouvernement peut tirer d’elles. Résultat : aucun projet de lutte contre la pollution n’a pu voir le jour.

La Siape ne serait fermée que partiellement

Vient ensuite le dossier de la Société industrielle d’acide phosphorique et d’engrais (Siape), unité de production du triple super phosphate (TSP) exploitée, à Sfax, par le GCT.

Fermée, l’été dernier, à des fins électoralistes, la Siape ne serait pas démontée de sitôt, selon Abir Moussi. Et pour cause. La centrale syndicale (UGTT), qui tient à la préservation des emplois, ne veut se débarrasser que des composantes polluantes de l’usine tandis que la société civile de Sfax reste, jusqu’à ce jour, sceptique quant à la fermeture définitive de la Siape. Cette dernière, estime que tant que la cheminée du site n’est pas démontée, tous les scénarios de reprise de la production sont possibles.

Mme Moussi a ajouté que même les ressources promises par le pollueur, le GCT, pour financer les projets alternatifs (technopôle, centre de recherche, zone verte, centre sportif…) ne seraient pas disponibles, du moins pour le moment, puisque le GCT est subventionné, actuellement, par l’Etat. C’est encore une décision floue et «à peu près», selon Abir Moussi.

Cela fait trop d’ambiguïtés de la part de toutes les parties concernées, mais on attend du gouvernement plus de clarté et moins d’«apeuprisme», même si cela arrange, souvent, ses affaires et fait baisser la pression qu’il subit en tant que puissance publique.

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