Après le ministère des Affaires étrangères et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), c’est au tour du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) de succomber à la médiocre vague de populisme qui a accompagné la confrontation entre l’équipe féminine tunisienne de tennis et son homologue israélienne, dans le cadre de la Fed Cup, notamment en réclamant la promulgation de lois criminalisant non seulement la «normalisation» mais aussi la liberté d’expression concernant cette question.
Par Cherif Ben Younès
Dans un communiqué rendu public aujourd’hui, 11 février 2020, le président du SNJT, Neji Bghouri, a fermement condamné le traitement par certains médias de la question de «la normalisation avec l’entité sioniste», où il y a eu, selon lui, «une banalisation et une justification» de la participation d’athlètes tunisiens dans des compétitions sportives auxquelles des athlètes israéliens participent aussi.
Un code de conduite préparé par le SNJT pour limiter la liberté des journalistes
Le communiqué, présenté sous le titre «Pour que la normalisation ne devienne pas un point de vue journalistique», appelle, par ailleurs, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à «accélérer la présentation d’une législation qui criminalise la normalisation de manière claire et explicite» et annonce que le SNJT est en train de préparer une série de consultations et de discussions avec toutes les parties prenantes pour formuler «un code de conduite concernant le traitement médiatique des questions de résistance, de normalisation et d’occupation».
Ainsi, après le ministère des Affaires étrangères et l’UGTT, c’est au tour du SNJT de succomber à la médiocre vague de populisme qui accompagne cette affaire délicate.
Le syndicat des journalistes se met carrément à s’opposer aux fondements de sa mission – qui consiste à défendre les intérêts des journalistes et à consolider leurs droits – et appelle à les leur limiter en essayant d’entraver leur liberté et en prétendant qu’il y a certains sujets où… ils n’ont pas le droit d’exprimer leurs opinions librement.
Quand le syndicat s’oppose aux fondements de sa mission…
Une affirmation qui viole, sans scrupules, des droits humains fondamentaux et indispensables dans tout système démocratique qui se respecte, tels que les libertés de la presse, d’opinion et d’expression.
Bien que ce ne soit pas particulièrement son rôle, le Syndicat a certes le droit de donner son avis sur la question, mais il aurait au moins fallu la traiter avec moins de superficialité, parce qu’en l’occurrence, il ne s’agit d’un choix binaire que fait le journaliste ou n’importe quelle personne exprimant son avis.
Il peut y avoir une infinité de positions qui concernent un sujet aussi complexe, et il faut être particulièrement carré ou doté d’un esprit cadenassé pour les classer uniquement dans deux catégories : la normalisation et la non-normalisation.
Néji Bghouri aurait également dû traiter l’affaire avec moins de prétention, car ce n’est pas à lui, ni à quiconque d’autre d’ailleurs, de donner des leçons aux journalistes, ni de les «éduquer», et encore moins de leur fixer le périmètre de leurs opinions. La vérité absolue n’étant détenue par personne et même si elle l’était, le droit à l’erreur doit quand même être garanti.
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