La bureaucratie risque de tuer les entreprises en Tunisie avant que les aides décidées par le gouvernement ne leur parviennent. Afin d’éviter cette situation, il faut améliorer et simplifier les mesures prises pour la concrétisation de ces aides. Propositions et solutions.
Par Nafaa Ennaifer *
En quelques semaines, le coronavirus et le confinement des populations qu’il a entraîné ont terrassé l’économie mondiale. Tous les gouvernements n’ont pas hésité à mobiliser des moyens exceptionnels en un temps record pour venir en aide à leurs populations et sauver les entreprises et les emplois.
En Tunisie, nos entreprises, déjà fragilisées par 10 ans d’instabilité et de turbulences, ont subi un arrêt brutal de leur exploitation et une chute de leurs revenus.
Plus grave encore, ces entreprises n’ont aucune visibilité ni sur la durée de la crise (qui va bien au-delà de la fin du confinement), ni sur les perspectives et le rythme de reprise de leurs activités…
Pour un soutien réel, rapide et efficace du gouvernement
Ainsi, leurs chances de survie et leur capacité à rebondir dépendront clairement du soutien réel, rapide et efficace du gouvernement et des institutions financières, pour leur permettre d’alléger leurs charges, soulager leur trésorerie et leur offrir les financements dont elles ont besoin!
Certes, nous ne pouvons mobiliser pour cela l’équivalent de 10 ou 15% de notre PIB comme d’autres pays (nous en sommes très loin). Mais nous pouvons au moins améliorer et simplifier les mesures décidées afin qu’elles puissent réellement atteindre l’objectif escompté : sauver les entreprises et les emplois.
Pour faciliter l’obtention rapide par les entreprises de crédits bancaires de trésorerie, tous les pays ont mis en place des fonds de garantie imposants pour rassurer les banques et les encourager à ouvrir les vannes du financement !
Les conditions de réussite des aides décidées par l’Etat
Le fonds de garantie de 500 millions de dinars tunisiens (MDT) décidé par notre gouvernement est incontestablement le mécanisme le plus efficace et le plus rapide dont pourraient bénéficier les entreprises, à conditions :
1/ que la garantie soit accordée par la Société tunisienne de garantie (Sotugar) de manière facile et rapide (5 jours), et qu’il n’y ait pas de multiples conditions d’inéligibilité;
2/ que la garantie couvre la quasi totalité du crédit (90% en France, 95% au Maroc) ce qui libérerait les banques du risque et leur permettrait de réduire la marge appliquée (1,5% maximum);
3/ que les banques s’engagent à traiter les demandes de financement dans les 5 jours, n’exigent pas de documentation excessive des entreprises et se basent au mieux sur leur connaissance de leurs clients;
4/ qu’il y ait une base de calcul claire des montants des crédits à accorder pour faire face à la crise (3 mois de «charges courantes» au Maroc, 25% du chiffre d’affaires HT de 2019 en France);
5/ que la Banque centrale de Tunisie (BCT) assouplisse ses règles prudentielles et «fournisse» les liquidités nécessaires aux banques.
À nous de choisir :
- ou on laisse faire notre bureaucratie et les entreprises mourront avant que l’argent n’arrive;
- ou on change de logiciel (slogan cher à notre chef de gouvernement), on bouscule les mauvaises habitudes et on sauve notre économie.
N.B. : le fonds de garantie de 500 MDT ne mobilise en réalité que 100 MDT sur le budget (20%). On gagnerait à le doubler (en mobilisant 100 MDT supplémentaires) et mettre ainsi à disposition des entreprises 1 milliard de DT de crédits bancaires garantis par l’Etat ! Ce serait déjà un pas.
500 MDT c’est absolument rien par rapport aux pertes d’une seule année des entreprises publiques, et à peine 10% des hausses de salaires de la fonction publique prévues en 2020.
* Membre du bureau exécutif de l’IACE, vice-président de la Fédération des textiles.
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