Pays de 11 millions d’habitants, la Tunisie compte 800.000 fonctionnaires (administration et entreprises publiques), soit plus du double des fonctionnaires de la Grèce, pays ayant une population similaire, et qui n’est pas un modèle de bonne gouvernance, lui non plus. Allez, avec ça, trouver des fonds pour relancer l’investissement public, l’un des principaux moteurs de la croissance !
Par Amine Ben Gamra *
Fitch Rating a revu récemment à la baisse la notation souveraine de la Tunisie de B+ assortie de perspective négative à B avec perspective stable. Cette dégradation est justifiée, selon l’agence de notation, par les faibles perspectives de croissance à court terme du pays, l’aggravation de sa dette publique et de sa position extérieure.
La dette extérieure nette de la Tunisie atteindra 90% du PIB en 2021 en raison principalement du poids des salaires de la fonction publique qui aggrave considérablement le déficit budgétaire et augmente significativement le besoin de financements extérieurs.
Des risques majeurs de dégradation
Tant que les dirigeants tunisiens resteront convaincus qu’ils peuvent s’en tirer en faisant la quête auprès des bailleurs internationaux en échange de fausses promesses de réformes structurelles, il y a peu de chances que ces réformes soient réellement mises en route.
En effet, et en dépit des promesses faites au FMI et autres bailleurs de fonds de réduire les dépenses de l’État, celles-ci continuent de croître, en raison de la hausse continue de la masse des salaires dans la fonction publique et dans la pléthore d’entreprises de l’État, pour la plupart déficitaires et dont le personnel est gonflé hors de toute mesure.
Mieux ou pis : ceux parmi ces salariés qui gagnent plus de 1500 dinars de revenu mensuel bénéficient, en outre, de nombreux avantages, notamment des voitures de services qui sont de plus en plus utilisées à des fins personnelles. Alors que la Tunisie affiche un double déficit et une dette élevée et dispose de stocks régulateurs limités… alors que la croissance est anémique, l’emploi stagnant et l’inflation relativement élevée… alors que les perspectives sont soumises à des risques majeurs de dégradation liés principalement à la pandémie de coronavirus (selon le dernier rapport de suivi de la situation économique de la Tunisie publié par la Banque mondiale, avril 2020).
L’investissement public condamné à rester à la traîne
Pays de 11 millions d’habitants, la Tunisie compte 630.000 fonctionnaires (une estimation prudente), auxquels s’ajoutent les travailleurs des entreprises publiques, ce qui porte le nombre de salariés de l’Etat à plus de 800.000, soit plus du double de ceux d’un pays comme la Grèce avec une population semblable, et qui n’est pas, lui non plus, un modèle de bonne gouvernance. Tout cela finit forcément par peser énormément.
Face à cette situation, comment impulser l’investissement, le principal levier pouvant aider à faire bouger l’économie ? Comment procéder lorsque les salaires des agents de l’État absorbent plus que 50% du budget de l’Etat ? Il ne reste pratiquement rien pour le l’investissement public, clé de la croissance.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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