Ali Lajnef, mon camarade, mon ami, mon frère, nous a quittés suite à des coups violents qui lui auraient été assénés sur la tête, par derrière, selon certains, ou suite à un accident de la circulation, selon d’autres, alors qu’il marchait seul dans une rue de Sousse, vers 16h, le 25 juillet 2020 (1). Il est resté dans le coma, avec une hémorragie cérébrale, jusqu’au matin du 27 juillet, dans le service d’urgence de l’hôpital Farhat Hached à Sousse, faute de place dans les services de réanimation.
Par Mohamed Cherif Ferjani *
Je connais Ali depuis janvier 1958, lors de notre entrée à l’école primaire de Blata que nous avons quittée pour intégrer ensemble le Lycée mixte de Kairouan en octobre 1963 où nous étions internes jusqu’en terminale en 1968-69, pour nous nous retrouver ensuite au département de philosophie de la Faculté des lettres et des sciences humaines de Tunis en 1969-1970.
Nous avons été ensemble dans un cercle du Parti communiste tunisien (PCT) animé par Rachid M’charek et Sahbi Denguezli. Nous avons été arrêtés ensemble en juin-juillet 1970. Lui, il est resté au PCT jusqu’à après la révolution de 2010-2011. Moi, «gauchiste», je l’ai quitté en restant très proche d’Ali Lajnef.
Devenu «militant professionnel» du Travailleur Tunisien -Perspectives Tunisiennes en 1973, dès mon retour clandestinement avec Fathi Ben Haj Yahia, en octobre 1974, c’est tout naturellement qu’Ali, alors professeur de philosophie au lycée de Kairouan, nous a accueillis dans une maison qu’il partageait avec son collègue et ami Mohamed Mahjoub.
Après mon arrestation en 1975, il était constamment présent auprès de ma famille et de ma compagne Claudette. Nous formions, avec Abdelaziz Ben Aziza, du Groupe Ech-Charara, et Ammar Jlassi, du PCT, un groupe très soudé : on nous appelait «la bande des quatre», «les Trois Mousquetaires» qui étaient comme nous, avec D’Artagnan, quatre.
Malgré nos divergences politiques, nos parcours et nos tempéraments très différents, nous sommes restés très proches et très solidaires. Nous nous sommes retrouvés avec nos camarades de l’Ecole de Blata, Mahmoud, Mabrouk, Aziza, Béchir, Touhami, Khira, Khadija, Mohamed Habib, Mohamed Salah et Sadok, Mohamed Jaballah, Hamed, Fafani, et bien d’autres, en juin 2012, pour créer l’Association des anciens élèves de l’école de Blata (جمعية قدماء مدرسة البلاطة بمعتمدية السبيخة من ولاية القيروان).
Avec son décès, quelques semaines après celui de mon petit cousin Mabrouk Trabelsi, entré avec nous à l’Ecole de Blata en 1958, c’est une page de ma vie qui se tourne. Ali Lajnef continuera à vivre par le souvenir qu’il a laissé à ses proches, à ses ami(e)s, à ses camardes, à ses élèves, étudiant(e)s et collègues qui ont été très nombreux/ses à lui témoigner leur affection et leur fidélité.
Toutes nos condoléances attristées à son épouse Chérifa Dhaoudi, à son fils Mohamed Chérif et à sa filles Dorra, ainsi qu’à tous ses camarades et ami(e)s qui en garderont l’image d’un homme dévoué et plein d’abnégation dans son travail comme dans ses engagements et à l’égard des sien(ne)s et de ses ami(e)s.
* Professeur honoraire à l’université de Lyon 2.
Note:
1- Selon les dernières informations reçues de ses proches, la mort n’est pas due à un accident de la circulation mais à une agression : des coups violents reçus sur l’arrière de la tête entraînant une chute sur le trottoir, le 25 juillet 2020 à 16h ; il aurait dit à l’infirmier qui l’a reçu à son arrivée à l’hôpital qu’il avait été agressé. Le prolongement de l’attente d’une place en réanimation jusqu’à son décès le 27 juillet n’a pas permis de le sauver. La vérité doit être établie pour que justice soit rendue à notre ami, à sa famille et à ses proches.
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